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9 décembre 2014 2 09 /12 /décembre /2014 12:10

 

Krinomen du jeudi 4 décembre 2014, animé par : Céline Mouchard, Perrine Thomas et Juliette Villenave, assistées par Mélissa Braizet, Thibault Seyt et Maxime Suaire

 

Compte-rendu rédigé par : Marie Sassano et Cindy Venant

 

 

Introduction du compte rendu en attente de rédaction

 

Ressenti face à la nudité et expérience esthétique du spectateur

 

 

Qu’est-ce qui vous a paru différent dans Tragédie par rapport aux autres spectacles comportant des corps nus que vous avez (peut-être) déjà vus ? Qu’est-ce que ça change de ne pas voir les interprètes se déshabiller sur scène ?

Quel est l’intérêt de la marche comme base de la chorégraphie ?

 

Selon de nombreux intervenants qui ont vu le spectacle, Tragédie apporte une vision différente de la nudité. Les danseurs, quand ils arrivent sur scène, sont déjà nus. Le fait qu'ils ne se déshabillent pas devant les spectateurs diffère de ce qu’on peut voir dans d'autres spectacles. D'autres pièces comme The Party[1] ou UTT[2] n'ont pas développé chez les spectateurs le même rapport à la nudité que Tragédie. Pour les uns, la nudité dans Tragédie est soudaine et forcée ; pour les autres, elle est totalement justifiée, notamment parce que le fait que les danseurs arrivent nus sur la scène désamorce la curiosité pour laisser place à l'observation, mais elle est aussi justifiée par le titre du spectacle : Tragédie puise l’essentiel de son inspiration dans la tragédie Grecque, c’est un spectacle qui travaille sur les origines : le rituel comme forme originelle du théâtre et de la danse, le corps nu comme forme évidente du corps originel, pur. Pour certains, la nudité n'était pas forcément aussi nécessaire dans d'autres pièces que dans Tragédie, car elle n'était pas porteuse du même sens (notamment dans des spectacles de théâtre, dans lesquels le rapport au corps change comparativement aux spectacles de danse) et elle était acceptée plus difficilement du fait que les acteurs ou les danseurs n'étaient pas nus dès le départ ; dans les spectacles qui incluent une phase de déshabillage, on ne sait souvent pas à quel point on va avoir affaire au nu. Ici, le spectateur comprend vite que les danseurs seront nus du début à la fin et il n’a pas besoin d'une narration, du cheminement d'un point à un autre pour accepter la nudité des interprètes, l'esthétique des corps se suffit à elle-même. De plus, ce spectacle tourne depuis plus de deux ans, les spectateurs savent donc bien avant d’entrer en salle à quoi s’attendre.

 

Si l’on se place à présent du côté des danseurs comme l’a fait Thibault, on peut souligner qu’un corps nu a un rapport différent à la matière, notamment dans le contact avec le sol. Le danseur expérimente des sensations du corps particulières par rapport à la matière. C’est là un autre intérêt de la nudité intégrale dans Tragédie.

 

Par ailleurs, l'introduction est longue – peut-être trop –  et consiste en une série de marches de quarante-cinq minutes. Pour certains, il était vraiment important de donner aux spectateurs le temps de capter la qualité des mouvements et leurs nuances : on voit les seins, les cuisses qui bougent, chaque mouvement musculaire, chaque expression corporelle ; et tout cela justifie l'utilisation de la nudité et de la marche pour l’ensemble des danseurs dans cette longue introduction (et dans le reste du spectacle). Il s'agit ainsi d'appréhender le corps comme un outil et de le montrer dans tous ses détails et tous ses états. Des étudiants émettent cependant une interrogation à ce sujet : on peut aussi bien voir les corps et leurs détails dans des vêtements ou sous-vêtements moulants, la nudité était-elle donc vraiment si nécessaire ? D’autres, au contraire, ont vu la nudité dans Tragédie comme un costume, puisqu’elle est établie dès le départ et que la longueur de la séquence de marches permet au spectateur d’intégrer la nudité comme un vêtement.

 

De plus, la nudité et la marche réduisent dès le début l'individualité de chaque danseur. Les danseurs ne sont pas individuellement reconnaissables par des vêtements ou un type de mouvement qui serait spécifique à chacun ; on ne fait aucune distinction entre eux mises à part quelques différences physiques évidentes et des particularités dans les styles de marche, de démarche.

 

Paragraphe sur le salut des danseurs en attente de correction

 

 

Y a-t-il dans Tragédie une recherche d’empathie kinesthésique, à travers les différents types de mouvements réalisés par les danseurs ? Et est-ce que cela a suffi, durant la représentation, à vous faire vous sentir concerné(e) ?

 

Ce nouveau point du débat est amené par la projection de la définition de « l'empathie kinesthésique » provenant de l’article d’Hubert Godard « Le geste et sa perception »[3] : définition en attente de reprise. Le processus d'empathie est amorcé par les marches du début, dont la longueur permet la montée en énergie des danseurs. De plus, ces quarante-cinq minutes de marche amènent les spectateurs à évoluer de la même manière que les danseurs : la montée de l'énergie portée par le groupe de danseurs devient force et émotion chez les spectateurs, qui montent en tension au même rythme que les danseurs. Réflexion sur la communion scène-salle en attente de correction. Un danseur seul face à un seul spectateur ne pourrait pas créer la même homogénéité entre la scène et la salle. Le sentiment de communauté au sein des spectateurs dans la salle sert également la kinesthésie. A la fin du spectacle, on ressent la sensation de bien-être, de libération que les danseurs laissent s’exprimer.

 

La musique n'est-elle pas aussi responsable de cette empathie ? Forte est rythmée, elle a été pour certains plus porteuse d'empathie que le mouvement dansé, ou plutôt de ressenti kinesthésique (celui-ci pouvant être défini comme l’ensemble des sensations internes qu’un individu a des positions qu’occupent les diverses parties de son corps et de ses mouvements corporels). Car – Caroline l’a précisé – la notion d’empathie ne s’applique qu’à un individu qui perçoit visuellement des mouvements d’un autre individu de la même espèce (ou parfois d’une espèce proche – voir sur ce sujet les travaux de recherche d’Alain Berthoz[4], notamment ceux qui ont porté sur les « neurones miroirs ») ; on ne peut donc être en empathie avec la musique, mais celle-ci peut faire vibrer et animer le corps aussi fort (et même plus fort, parfois) que les mouvements des danseurs que le spectateur perçoit et qui agissent sur sa kinesthésie.

 

 

Assez parlé de la forme !

 

Selon vous, est-ce que le spectacle a un réel propos ? Si oui, quel est-il ?

 

Réflexion sur l’approche adoptée par le spectacle des thèmes abordés en attente de correction. Selon Benjamin Bertrand[5], la transe, ici, ne se traduit pas par l'abandon et la perte totale de contrôle du corps, mais s’entend plutôt comme un va-et-vient constant entre conscience et non-conscience. En effet, il ne faut pas oublier que les danseurs de Tragédie sont avant tout des techniciens et que chaque pas qu'ils interprètent est calculé : les déplacements sont « écrits » tels des alexandrins, structurés en douze pas du début à la fin, et il n'y a que très peu d'improvisation, y compris dans les mouvements les moins chorégraphiés. Les pas des danseurs étant réfléchis et chorégraphiés, ces derniers sont donc constamment dans un état de corps et de conscience qui n’est pas compatible avec la transe, comme on l'entend communément.

 

Question sur l’unité et la différence en attente de correction. Malgré la nudité et l’uniformité relative des mouvements, qui produisent une forme de « désindividualisation » des danseurs, deux d’entre eux sont rendus plus visibles par leurs particularités physiques (l'une est rousse et « ronde », l'autre est noir). Ont-ils été mis en valeur volontairement ? Les animatrices rappellent que chaque danseur du spectacle a été casté et que le physique au même titre que la technique a fait partie des critères de sélection du chorégraphe. Réflexion sur la mise en avant de ces danseurs dans la chorégraphie en attente de rédaction. Cette mise en avant de danseurs « différents » n'est donc pas une vue de l'esprit de la part du spectateur, mais bien une volonté d’Olivier Dubois. Commentaires faits en krinomen sur ce point en attente de reprise.

 

 

Question de fin : le spectacle parle de l’humain.  Formulation de la question en attente de reprise et de complément

 

Citation projetée en krinomen en attente de reprise. Caroline précise dans une intervention que, pour Michel Foucault (créateur de ce concept), la biopolitique[6] est la partie de la politique qui gouverne les êtres vivants.

 

Le chorégraphe semble avoir donné comme finalité à ce spectacle de montrer « l'humain » pris à son origine par le biais de la nudité. Mais peut-on faire abstraction de l'éducation propre à chacun et de la culture judéo-chrétienne qui nous est commune pour se concentrer sur l'universalité de « l'humain » ? La justification de la nudité par ce discours sur « l'humain » n'est-elle pas une réponse trop simple aux questions que se posent (ou que peuvent se poser) les spectateurs ? Tous les spectacles – au sens large – qui mettent en scène des humains ne parlent-ils pas peu ou prou de l'humain ?

 

Quoi qu’il en soit, la question du genre est visiblement extrêmement présente et son traitement très dérangeant dans ce spectacle, qui amène relever, à ce moment du débat, une grande contradiction entre le projet initial et la réalisation au plateau : il y a en effet peu de cohérence entre le désir apparent, énoncé par Olivier Dubois, de retour à l'humanité et à l'origine, et la dichotomie masculin/féminin présente au plateau tout au long de la pièce. Une étudiante fait remarquer que de plus, Dubois, dans le passage de Tragédie où sont figurés des rapports sexuels, ne met en scène que des relations hétérosexuelles, ce qui, en soit comme en rapport avec son discours sur les genres (dont il dit vouloir se « débarrasser »[7]), est très problématique.

 

Les animatrices concluent le débat et le krinomen avec une question sur laquelle elles invitent chacun à méditer en sortant : en fait d’un spectacle qui traite de l’insurrection et de la résistance (comme il prétend le faire), n’assistons-nous pas à une démonstration de l’idéologie dominante, de l’ordre établi et du conformisme ?

 

Conclusion et ouverture du compte-rendu en attente de rédaction

 

 


[1] The Party, texte d’Árpád schilling et d’Éva Zabezsinszkij, mise en scène d’Árpád schilling, présenté au TnBA les 28 et 29 novembre 2014.

[2] UTT, de la Compagnie Ariadone/Carlotta Ikeda, a été présenté du 10 au 18 octobre 2014 au Glob théâtre.

[3] Hubert Godard, « Le geste et sa perception », in I. Ginot et M. Michel, La Danse au XXe siècle, Paris, Bordas, 1995, p. 224-229. Cet article est téléchargeable depuis le site Internet de l’Université Paris 8 Danse, plus précisément la page consacrée à la bibliographie d’Hubert Godard (section « Contributions dans des ouvrages collectifs), URL de référence : http://www.danse.univ-paris8.fr/chercheur_bibliographie.php?cc_id=8&ch_id=41.

[4] Alain Berthoz est ingénieur, psychologue et neurophysiologiste. Il est professeur au Collège de France et dirige le laboratoire CNRS-Collège de France de physiologie de la perception et de l'action. Ses domaines de recherche sont la physiologie des fonctions sensori-motrices, l'oculomotricité, le système vestibulaire, le contrôle de l'équilibre et la perception du mouvement.

[5] Benjamin Bertrand est l’un des danseurs de Tragédie, interprète au Ballet du Nord - CCN de Roubaix, de la Cie Benjamin Bertrand et de la Cie Ingrid Florin, notamment. Il avait donné une conférence-entretien intitulée « De l’expérience à l’interprétation » au cinéma Utopia de Bordeaux, le 8 novembre 2014, en amont de la projection du film Let’s dance – A poil ! (Olivier Lemaire, documentaire, France, 2014, 52 mn), conférence et projection auxquelles le sous-groupe chargé de la recherche documentaire avait assisté.  

[6] Le concept de « biopolitique » est apparu au sein des œuvres du philosophe français Michel Foucault, au milieu des années 1970, et que lui-même définissait ainsi : « j'entends par là la manière dont on a essayé, depuis le XVIIIe siècle, de rationaliser les problèmes posés à la pratique gouvernementale par les phénomènes propres à un ensemble de vivants constitués en population : santé, hygiène, natalité, longévité, races... » (Michel Foucault, Naissance de la biopolitique - résumé du cours au Collège de France, in Annuaire du Collège de France, 79e année, Histoire des systèmes de pensée, année 1978-1979 ; Dit et écrits. Vol. III. Gallimard, 1979, repris sur le site Internet Foucault Info, URL de référence : http://foucault.info/documents/foucault.naissanceBiopolitique.fr.html). La biopolitique désigne donc une forme d’exercice politique du pouvoir qui porte sur les personnes et les populations (et non plus seulement sur les territoires).

[7] Dubois affirme avoir eu l’envie, dans Tragédie, de « définir cette humanité, ce vivre ensemble, débarrassé des genres, l'envie de revenir à un état de corps originel » (Olivier Dubois, propos recueillis par Nathalie Yockel, « Qu'est-ce que l'humanité ? », in La Terrasse, juillet 2012).

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