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8 avril 2014 2 08 /04 /avril /2014 14:20

 

 

Introduction :

 

Ce Krinomen du Jeudi 3 Avril sur Oncle Vania commence par une amorce imitant le début du spectacle, sur la musique des Everly Brothers, « Bybye Love ». Un fois le groupe réuni nous pouvons entamer le débat autour de la mise en scène de Lacascade. Nous avons tenté d’aborder les thèmes de la scénographie très créative du spectacle, du processus de création au sein de la troupe, le rapport au public ainsi que l’oeuvre de Tchekhov.

 

> La scénographie :

 

Dans le premier acte, la scène est allumée de la même manière que la salle, une table est suspendue, qui est en fait une rampe de projecteurs. Une rangée de panneaux clôturant l’espace, au trois quart de la scène laisse pour seul espace de jeu le proscenium. Les comédiens jouent également dans l’espace de la salle, certains arrivent du public ou des sorties de secours. L’espace est peu employé dans sa profondeur. Malgré le grand nombre de personnes dans la salle, on sent une volonté de proximité avec le spectateur. Le décor utilisé donne un aspect brut et métallique malgré le cadre bucolique et festif de la pièce. Alors que les personnages se trouvent dans un univers provincial, on fait face à un intérieur mondain et design. Très rapidement, les lumières s’assombrissent, l’éclat d’une boule à facettes recouvre les murs du TNBA d’une « voie lactée ». Une transition s’amorce, sur une musique de piano entrecoupée de moments flottants, les comédiens viennent déplacer les panneaux pour nous plonger dans un intérieur plus intimiste. La rampe de projecteurs remonte et laisse place à un « bouquet blanc » de luminaires, les panneaux deviennent des coulisses.


Ce changement marque l'entrée dans le quotidien des personnages. L’ambiance devient lourde, pesante. Une table et des chaises viennent se rajouter au décor. Chaque élément scénographique sert considérablement le jeu des comédiens, tout est en mouvement même jusqu’au dernier acte où les chaises se retrouvent alignées coté jardin et la table est déplacée coté cour. Un endroit de passage s’ouvre en fond de scène permettant la déambulation des personnages. Cette scénographie épurée, brute, joue avec le mélange d'un réalisme foudroyant et d'un univers imaginaire aérien. La mouvance du décor sert le jeu dans ce qu’il a de comique et de touchant. En s’appuyant fortement sur le texte, cette mise en scène tend à respecter l'univers qu’est celui d’Oncle Vania de Tchekov.

 

> Le rapport au public :

 

Ce spectacle entretient un certain rapport avec le public. Sans l’inclure en le rendant complètement acteur de la pièce, il le prend en compte et l’embarque dans son univers. Pour ce faire, plusieurs éléments sont mis en place notamment grâce à la scénographie et au jeu des acteurs. En effet, durant le premier acte, les comédiens invitent le spectateur dans le spectacle par le biais d’adresses directes, de regards et de partage d’énergie. Au niveau de la scénographie cela se ressent tout d’abord grâce aux lumières restées allumées tout le long du premier tableau, puis qui se transforment en ciel étoilé. Le public est alors baigné dans la même atmosphère que la scène et nous nous sentons dans un univers commun à celui des acteurs. Les comédiens déambulent aussi dans le public, surtout dans le premier tableau. Ainsi, certains acteurs font leur entrée en haut de la salle et traversent tout les gradins avant d’arriver sur la scène, un autre surgit aussi d’un des sièges de l’assistance, rompant ce rapport scène/public.


De plus, le fait que le premier tableau se déroule uniquement en avant scène, permet d’effacer les frontières habituelles entre la scène et les gradins et il en ressort une impression de proximité avec les comédiens. Cependant, le spectateur peut parfois se sentir submergé par l’énergie et les situations multiples déployées sur scène. En effet, il est rare qu’une seule action se déroule à la fois, et le spectateur doit plus ou moins « décider » sur quel personnages il veut se focaliser. Malgré cet aspect un peu bavard, le spectacle réussit tout de même à prendre en compte le public notamment durant les deux premiers tableaux (le spectacle se recentrant plus sur la scène au fur et à mesure que l’histoire avance).

 

> Le jeu des comédiens :

 

La première chose qui frappe le spectateur, c’est que tous les personnages semblent avoir la même importance. En effet, il n’y a pas ce qu’on appelle de « faire valoir ». Il se dessine chez les acteurs une dynamique de collectif uni et harmonieux. Certaines personnes se sont même demandé pourquoi le titre Oncle Vania ? Cependant, le personnage de Vania est plus sujet à l’angoisse du quotidien, qui semble être le thème majoritaire de la pièce. Éric Lacascade joue plus sur la situation que sur le « personnage » au sens très psychologique du terme. Donc, tous les comédiens ont un moment d’importance. Néanmoins, il ressort une certaine humilité du jeu des comédiens. Par opposition à l’humilité et au réalisme de la pièce, on trouve certains moments qui sortent du cadre réaliste et créent des effets de distanciation dans la pièce. Pour créer cette sensation du moment, de la situation, les comédiens ont travaillé par l’improvisation et ont aussi travaillé sur des personnages qui n’étaient pas les leurs. Dans cette pièce, le jeu des comédiens est sincère. Il ressort même une certaine fragilité des comédiens, c’est selon certains, la vrai « prise de risque » du spectacle. Les comédiens se présentent comme « à nu » devant une salle de 800 personnes. On sent aussi leur incapacité à évoluer de leur condition de « petit bourgeois de province ». Ils en reviennent au même point de départ, rien n’a changé. Ce qui reste, c’est leur gueule de bois !

 

> Entre dramatique et comique :

 

Tchekov, malgré son désir d'écrire des pièces comiques, est connu pour l’aspect dramatique de ces pièces. En effet, c'est en cela qu'on peut dire que Lacascade a vraiment voulu faire ressortir ces deux aspects dans sa mise en scène. Il parvient à sortir du dramatique à travers la légèreté du jeu burlesque de ses comédiens pour nous plonger directement après dans une ambiance émouvante mélodramatique. La pièce traitée ainsi sur deux tonalités différentes laisse le spectateur libre de la voir de son point de vue tragique ou d’un point de vue comique. Ce qui est remarquable c'est que ces deux émotions ont tendance à se superposer au même moment. Par exemple, lorsque le personnage de l'oncle Vania surprend la femme qu'il aime en train d'embrasser un autre homme, la situtation telle qu'elle est amené de manière comique mais la sincerité du comédien met le spectateur en empathie, ce qui crée une juxtaposition dans le ressenti de celui qui regarde. Dans cette mise en scène le tragique et le comique se superposent donc de façon naturelle pour le spectateur, la rendent à la fois drôle et triste, comme un tableau de la vie.

 

> Oncle Vania : un "exercice de style" ?


Cette mise en scène laisse l’impression d'une évidence. Du bon théâtre, « du chocolat comme on aime ». Dans le rythme, par exemple, tout se coordonne parfaitement, on a l’impression de voir une vraie continuité. Avec cette présence des corps, les acteurs créent une réelle esthétique du geste et du mouvement grâce à laquelle on arrive à imaginer le souvenir d’un portrait de famille.


Cependant... on se demande ce que veut montrer Lacascade. Certains reprochent au metteur en scène de n’avoir pas poussé au maximum la « prise de risque » ? Mais qu’est ce que la prise de risque ? Est-ce une certaine fragilité du comédien ou le fait de transgresser les règles ou encore n’est-ce qu’une mode, une promotion de la nouveauté au théâtre aujourd’hui ? Si le metteur en scène n’a aucune volonté de casser les « codes », ce spectacle ne serait-qu’un exercice de style? En effet on peut dire que ce spectacle a suscité peu de réactions négatives dans sa réception et a créé une certaine unanimité. Il n’y a pas de recette de bon spectacle mais ce spectacle a réussi à mettre beaucoup de personnes d’accord car il a su toucher ce qu’un grand nombre de spectateurs cherchent en allant voir un spectacle, c’est à dire, l’approfondissement d’une œuvre, un théâtre du « moment ».

 

Conclusion :

 

Ce Krinomen a été plutôt, et de manière surprenante, calme. Selon les participants

eux-mêmes, cela semble être dû au consensus plutôt global qu’a reçu la pièce. En effet, comme il l’a été évoqué dans la partie précédente, certains participants ont vu cette pièce comme un simple exercice de style sans grand risque. On évoque du « chocolat comme on aime » : le chocolat reste le même et reste donc bon même sans originalité.

Cependant cette vision fut sujette à beaucoup de réactions. Selon d’autres participants, cette mise en scène est l’approfondissement d’une oeuvre par Lacascade, que cette mise en scène est humble simple et belle et qu’il est rare de voir autant d’authenticité et de fragilité chez des comédiens, particulièrement dans l’enceinte très institutionnelle du TNBA.

 

 

Compte-rendu réalisé par Jeanne Laffargue, Emile Ragot, Manon Robert, Thibault Seyt, Maxime Suaire, Vivien Thomas.

 

 

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