Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).
Lors du krinomen du 16 octobre dernier nous avons parlé du régime de l’intermittence du spectacle. Deux intervenants étaient présents avec l’équipe d’animation afin de pouvoir préciser les points techniques de l’intermittence et de faire partager leur expérience en tant qu’intermittent et artiste. Romain Finart est comédien, il a été formé il y a quelques années à l’université en arts du spectacle, il fait partie de la Coordination des Intermittents et Précaires de Gironde, il est également syndiqué. Jonathan Harscöt est comédien sous le régime de l’intermittence et fait également partie de ce collectif.
RESUME DES VIDEOS
En vue de préparer le krinomen, trois vidéos avaient été présentées la semaine précédente. Le groupe d’animation a dans un premier temps tenté de savoir ce que les élèves en avaient retenu. Elles étaient complémentaires.
La première (Intermittent, précaire à temps plein ? #DATAGUEULE 8 - 3 minutes pour tout comprendre :
http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=7235) expliquait l’histoire de l’intermittence : sa création en 1936 pour répondre à une demande des producteurs voulant embaucher des techniciens du cinéma et de l’audiovisuel. L’intermittence permettait ainsi de cumuler plusieurs CDD (alors qu’à l’époque la norme était le CDI). En 1958, L’Unedic est crée et permet à tous les salariés du privé de bénéficier d’une protection sociale grâce à l’assurance chômage. Ensuite la popularisation et la démocratisation du spectacle vivant ont conduit les politiques à comprendre que celui-ci était important pour l’économie et donc le spectacle vivant est entré dans le régime de l’intermittence en 1969.
http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=6506) analysait le reportage de C dans l’air (émission proposée par la chaîne France 5) en coupant la vidéo originale et en reprécisant ou contre-argumentant dès qu’une idée exprimée était fausse. On remarque dans cette vidéo que bon nombre d’idées reçues concernant les intermittents sont fausses et que certains médias relaient ces informations erronées contribuant ainsi à la dépréciation générale du régime de l’intermittence.
Enfin la troisième vidéo était plus technique (Riposte 1 : Le déficit des annexes 8 et 10 des intermittents du spectacle n’existe pas :
http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=6505), elle expliquait comment fonctionne le système d’assurance chômage de l’Unedic et visait à contredire le rapport de la Cour des comptes selon lequel le déficit global de l’assurance chômage serait causée par l’Unedic. Le déficit causé par le régime de l’intermittence pointé du doigt par la Cour des comptes est en réalité un déficit stable est donc il ne peut y avoir corrélation avec le déficit global ascendant de l’assurance chômage.
A l’issue du visionnage de ces vidéos, certains regrettent qu’il se dégage de l’opinion générale cette fausse idée selon laquelle être intermittent c’est bénéficier d’une bonne cachette, c’est profiter du système. Ce serait d’autant plus dommage que ces dépréciations concernant le régime de l’intermittence trouvent ensuite des échos et deviennent des critiques à l’égard des artistes.
L’INTERMITTENCE : Qu’est ce que c’est ?
Le mot intermittent ne désigne ni un statut professionnel, ni un métier. Il se réfère à une forme d’emploi particulière, réglementée dans les activités du spectacle vivant. L’intermittence est un modèle original de flexibilité de travail et de l’emploi. C'est une situation particulière vis à vis de l'assurance chômage.
Le caractère temporaire des activités liées aux arts du spectacle engendre une relation employeur/employé unique en son genre. Un contrat d’emploi intermittent à durée déterminée est donc créé pour faire face à cette multiplicité des employeurs alors qu’en France la norme est au contrat à durée indéterminée (CDI). En effet un artiste ou technicien travaillant dans le domaine du spectacle est, dans la plupart des cas, soumis à une alternance de périodes travaillées et chômées. Il n’est jamais employé de manière indéfinie, son contrat est souvent court et concerne des périodes qui ne sont pas consécutives.
UNEDIC ET CAISSE D’ASSURANCE CHOMAGE – Une protection pour tous les salariés du privé
Avant d’aller plus avant dans la définition précise de l’intermittence un rappel est fait par l’équipe d’animation du fonctionnement général de l’Unedic afin de préciser les différences entre régime général et régime spécifique de l’intermittence.
Tous les salariés travaillant dans le privé (qui ne sont pas fonctionnaires) peuvent être au chômage, ils cotisent donc à la caisse d’assurance chômage afin de pouvoir toucher des indemnités le jour où ils se retrouvent sans emploi. Cet argent collecté est mutualisé et sert ainsi à indemniser les chômeurs ayant déjà travaillé (nous ne reviendrons pas sur les modalités précises concernant le régime général, ce n’est pas le sujet). Ainsi le laps de temps entre deux contrats est indemnisé par l’Unedic.
L’Unedic est gérée de façon paritaire entre les syndicats d’employeurs et les syndicats de salariés.
Aujourd’hui, l’assurance chômage est menacée car pendant la période de plein emploi, l’Unedic a décidé de baisser les cotisations des salariés car il était prévu que cette période se prolonge et ainsi il n’était pas nécessaire de collecter autant de cotisations puisqu’elles ne seraient pas toutes utilisées pour indemniser les chômeurs qui étaient en petit nombre.
Seulement ces prévisions étaient fausses et entre 2001 et 2002, l’Unedic perd trois millions d’euros de cotisations et dans le même temps le chômage repart à la hausse. Un déficit se creuse alors.
Il s’agit d’une simple logique de « vases communicants », en période de plein emploi trop de salariés cotisent par rapport au petit nombre de chômeurs mais dès que le chômage augmente, il y a moins de personnes qui cotisent et plus de personne à indemniser et on se retrouve face à un déficit général de l’assurance chômage.
L’Unedic n’est donc pas réservée à l’intermittence, elle comporte des annexes concernant ces derniers comme il en existe d’autres (travailleurs intérimaires). D’autres travailleurs intermittents autres que ceux du spectacle voient eux leur statut complètement disparaitre avec la réforme engagée en 2014 (saisonnier, vacataires, pigistes…).
Le régime de l’intermittence et le régime général ne fonctionnent pas de la même manière mais tous les employés cotisent dans la même caisse. Il s’agit de la logique de solidarité voulue par l’assurance chômage, les secteurs connaissant une période de plein emploi peuvent ainsi aider des secteurs plus en difficulté. Certains demandent l’abandon de cette logique de solidarité et réclament la création de plusieurs caisses spécifiques.
Le régime de l’intermittence n’est pas plus avantageux que le régime général, il correspond seulement à une meilleure adaptabilité au secteur du spectacle.
INTERMITTENCE : Comment « obtenir son intermittence » ?
Romain et Jonathan nous expliquent alors les conditions requises pour pouvoir bénéficier du régime de l’intermittence.
L’artiste doit justifier de 507 heures effectuées sous contrat de travail en dix mois et demi (dix mois pour les techniciens) ou de 43 cachets. Une fois ces 507 heures accomplies, il y a une ouverture du droit de toucher les indemnités (versées sur 243 jours). C’est un fonctionnement rétrospectif lors du calcul des droits on regarde sur les dix mois et demi précédents si les heures ont bien été exécutées et alors les droits sont ouverts et l’intermittent touche ses indemnités.
Tout le monde cotise à l’assurance chômage (car la cotisation est prélevée directement sur le salaire) mais tous ne perçoivent pas les indemnités (personnes touchants plus que le plafond maximal ou ayant travaillé moins de 507 heures).
L’intermittence est une indemnité journalière versée les jours chômés, cette indemnité est suspendue les jours travaillés et reprend dès la reprise du chômage. L’indemnisation est calculée en fonction du salaire moyen perçu sur les 507 heures (ou plus) et non pas sur le nombre d’heures effectuées
INTERMITTENCE - La réforme qui fait tant parler.
En mai 2014, une nouvelle convention de l’assurance chômage est adoptée et est entrée pleinement en application le 1er octobre dernier. Cette dernière ne touche pas que les métiers du spectacle mais ce qui nous intéressait dans la cadre du krinomen étaient ces nouvelles décisions prises concernant l’intermittence.
Les mesures adoptées aggravent des mesures prises lors de la précédente réforme de 2003 où les 507 heures de travail devaient être effectuées en 10 mois (ou 10 mois et ½) au lieu des 12 mois auparavant. Il était donc mathématiquement plus difficile d’accéder au régime, le but étant de sortir des personnes de ce régime.
Désormais, un délai plus important que celui d’avant (jusqu’à un mois maintenant) s’écoulera entre le moment où les contrats se terminent et le moment où les indemnités vont débuter. Le problème étant que certains n’auront donc aucun revenu pendant la période de différé.
De plus, il est demandé aux employeurs de payer 2% supplémentaires de cotisations sociales (cotisations qui sont déjà plus élevées que dans le régime général), cela se traduit concrètement par une baisse de salaire pour les employés. Les salaires représentent des charges très fortes pour les petites structures, cette mesure aggrave la précarité de ces organismes.
Enfin, les intermittents réclamaient un plafonnement du cumul entre cachets (salaires) et indemnités à 3 000€ par mois pour garantir un équilibre du système, que ceux qui gagnent beaucoup cotisent autant et que ceux qui gagnent moins soient plus protégés. L’idée étant qu’au-delà de ce plafond les artistes et techniciens ne touchent plus d’indemnités. Un plafond a donc été créé mais il concerne les personnes gagnant au-delà de 4381 euros brut par mois (concrètement un tout petit nombre de personne dans le domaine du spectacle).
INTERMITTENCE ET EMPLOI AU REGIME GENERAL– Attention au cumul !
Beaucoup d’étudiants se sont demandé si pour faire face à la précarité de l’intermittence, il ne serait pas pertinent de travailler au régime général ou alors travailler en dehors des métiers du spectacle.
Beaucoup d’artistes et techniciens du spectacle transmettent également leur savoir par le biais d’ateliers pédagogiques, d’interventions en établissements scolaires ou de cours dispensés dans d’autres structures. La loi autorise les intermittents à effectuer 55 heures dans l’année (comptabilisées dans les 507 obligatoires) d’animation pédagogique. Au-delà les heures supplémentaires n’entreront pas dans le décompte annuel.
Quant à la question de savoir si un intermittent a intérêt à travailler également au régime général, il parait difficile pour lui d’effectuer les heures indispensables pour toucher les indemnités du régime général, il n’y a donc pas d’intérêt à mélanger les deux régimes.
Ceci est d’autant plus vrai que certains intermittents ont perdu leurs droits aux indemnisations car sur une période où ils étaient indemnisés par les Assedic ils ont été payés par un autre employeur sans avoir prévenu les Assedic en amont et ont reçu un salaire et une indemnisation la même journée, ce qui est illégal, le but étant d’indemniser pour les jour chômés.
ARTISTE ET INTERMITTENT – Une définition très subjective
L’intitulé du krinomen invitait à se poser la question de la différence entre artiste et intermittent, on demande aux élèves leur définition de l'artiste. Plusieurs éléments de réponses qui ressortent :
Un artiste serait une personne qui produit une œuvre artistique. En produisant cette œuvre artistique, il tenterait de créer une vérité en transcendant la réalité afin de proposer sa propre réalité.
Cependant, on peut remarquer que la définition diffère selon le champ dans lequel on se place, en effet, est-on artiste car on se considère comme tel ou est-ce la société qui nous permet de nous définir en tant qu'artiste ? Dans notre système actuel il faudrait faire acte de création afin que l'on soit considéré comme un artiste, c'est donc dans la diffusion de son œuvre que va s'établir une reconnaissance par les pairs et par les membres de la société. Cette réflexion amène à se demander ce que l'on fait du temps de création dans le processus artistique : tant qu’une œuvre n'est pas diffusée, peut-on quand même considérer son auteur comme un artiste ? Être artiste est un processus continu, on ne cesse pas d’être artiste en quittant la salle de répétition ou la scène où l’on joue, c'est une recherche quotidienne.
D’autres voient la définition de l’artiste en opposition à l'artisanat, puisqu'il n'y a pas de fin matérielle dans l’art d'autant plus que l'artiste peut être dans un acte de dénonciation et donc ajouter une dimension politique que l'on ne retrouve généralement pas dans l'artisanat.
Par ailleurs, il faut ajouter qu'il existe aussi des artistes interprètes, qui ne sont donc pas dans un acte de création (les musiciens de l'ONBA par exemple) et leur acte d'interprétation n'a pas pour vocation de changer le monde ni de donner une vision particulière (politique ou sociale), ils sont seulement dans l'interprétation.
On remarque que la définition d'un artiste peut varier selon les prises de positions qui sont d'ordre esthétique, mais un point peut rester invariable c'est la réponse juridique. En effet, elle décline deux grandes catégories d'artistes : les producteurs, auteurs et concepteurs d’une œuvre et les salariés. L'artiste est celui qui dans son contrat de travail et sur son bulletin de salaire est employé en tant que tel (se référer à la nomenclature des professions artistiques qui définit quel métier est en droit d’être dit artistique sur un contrat). On remarque qu'il y a une différence de fait entre les techniciens et les artistes, même si nous sommes en droit de nous demander pourquoi un technicien lumière, par exemple, ne serait pas un artiste alors qu'il peut y avoir une part de création artistique également.
L'artiste, selon sa demande, va être embauché en tant que « constructeur », « scénographe »..., il faut que figure un métier considéré comme artistique pour pouvoir souscrire au régime de l'intermittence. Un dramaturge par exemple a droit à l'intermittence mais pas un auteur.
Pour un employeur il est plus intéressant que la personne embauchée le soit au régime général car pour un salaire net comparable le régime général coûte moins cher en terme de charges que l’intermittence (s’il est sûr qu’il n’aura pas le droit à intermittence, employeur et employé peuvent se mettre d’accord pour l’embauche au régime général).
Cependant, dans ce principe de salariat, il y a une partie du travail que fournit l'artiste qui est de l'ordre du travail invisible puisqu'il ne peut pas l'effectuer dans un cadre salarié, même si le régime de l'intermittence peut parfois les compenser par les indemnisations.
Par ailleurs, une autre différence se fait entre l'artistique et la technique : en effet, depuis 2003, moins de techniciens ont perdus leur droits au régime que les artistes, ils auraient donc moins de difficultés de nos jours à obtenir le régime de l'intermittence car il y aurait plus de postes à pouvoir, et les techniciens sont payés en priorité par rapport aux artistes.
Le principe d'assimiler l’artiste au chômage de cette manière (un intermittent du spectacle est de fait un chômeur car il perçoit des indemnités chômage) n'est pas idéal mais résulte de choix politiques et d'un contexte culturel, il faudrait une politique plus forte pour pouvoir créer des CDI en finançant des compagnies (il en existe des cas particuliers comme les danseurs de Bordeaux ou la Comédie Française) et ainsi éloigner l’artiste du chômeur.
INTERMITTENCE DANS OPINION PUBLIQUE – Une stigmatisation de l’intermittence ?
Quelles sont les critiques faites aux intermittents ?
-« Le déficit de l’assurance chômage est causé par le régime de l’intermittence. »
→250 000 artistes et techniciens cotisent en tant qu’intermittents du spectacle en France mais seule la moitié d’entre eux est indemnisée. 20 millions de personnes travaillent en France, les intermittents ne sont qu’une part très modestes des travailleurs ils ne sont pas responsables à eux seuls du déficit d’autant plus que les cotisations des intermittents représentent 3% des cotisations totales et le même pourcentage à peu près d’indemnités est reversée aux intermittents.
-« Les intermittents ne travaillent pas, ce sont des fainéants. »
→Pour certains être artiste ce n’est pas un travail car il y a une vision idyllique de l’art comme une création divine qui « tombe du ciel » alors que créer c’est un travail, travail qui n’est pas rémunéré dans la plupart des cas. Cette réalité de l’artiste qui travaille n’est pas souvent mise en avant, tant que l‘on croit à un art comme don, on présuppose qu’il n’y a pas de travail à effectuer ensuite, que tout arrive « comme par magie ». Les artistes présents lors du krinomen se définissent comme des travailleurs, pour eux l’art est une construction, une production, il nécessite des compétences. Hors, toute production est susceptible d’être rémunérée. La notion du temps de création, de maturation d’un projet n’est pas évidente aux personnes ne connaissant pas le milieu artistique.
De plus certains pensent qu’être artiste c’est quand même un luxe, c’est vivre de son loisir, c’est faire ce que l’on veut. Ainsi la pensée de subventionner des gens ayant une « vocation » semble aberrante. Pour eux si un artiste veut « s’amuser » et faire ce qu’il veut de sa vie il ne faut pas qu’en plus il ait des exigences, il faut qu’il accepte la précarité. C’est là l’écueil du rapprochement entre loisir et art, entre divertissement et travail. Ces notions ne sont pas incompatibles mais ne doivent pas être associées à tort.
-« Dans d’autres pays où le système de l’intermittence n’existe pas, il y a pourtant de l’art, de la création, ce régime n’est donc pas indispensable à l’épanouissement de la culture. »
→Cette critique, plus que les autres parait au premier abord recevable seulement il s’agit d’un choix politique, on peut choisir de ne pas aider la culture et des pays comme la France peuvent aussi choisir que la culture soit une priorité et donc qu’elle mérite d’être aidée. Aujourd’hui avec la prédominance des contrats à durée déterminée, la précarité semble naturelle, normale mais après il s’agit de la question du modèle de société, du modèle de travail que l’on veut valoriser. Même s’il y a des reculs, la France semble être un pays voulant accompagner la culture, il y a aussi une vie artistique dans les pays ne proposant pas de régime spécifiques aux métiers du spectacle mais la question qui prédomine celle-ci est la question de la place que l’on veut accorder à la culture.
Quelqu’un souligne également que les intermittents du spectacle en manifestant, en empêchant des festivals de se tenir, absorbent complètement l’attention. Il est vrai que les intermittents du spectacle ont les moyens de faire parler d’eux, de déranger, ce qui explique que les médias et les politiques s’intéressent à eux alors que d’autres qui voient leur régime disparaitre complètement sont laissés à l’abandon. Cela peut générer de la haine de la part des autres professions qui ressentent une certaine injustice. Il est ainsi question de l’allocution de Manuel Valls au début de l’été pour calmer les ardeurs des intermittents du spectacle.
Ces derniers ont du pouvoir car les retombées économiques dépendant de la culture sont très importantes (tourisme…). Seulement les intermittents du spectacle veulent aussi défendre les autres professions qui vont vers une plus grande précarité (en témoignent les associations créées : coordination des intermittents et précaires de Gironde et d’Aquitaine).
VECUS DES INTERMITTENTS FACE A L’OPINION - Un manque de reconnaissance ressenti
Plusieurs intermittents, artistes et professionnels du spectacle étaient présents pour ce krinomen. Toutes les critiques évoquées, les réformes annoncées leur donnent la sensation que la considération de l’artiste est minime.
Jonathan nous parle des animations pédagogiques et du fait qu’il est considéré durant ces heures comme un « animateur socio-culturel » et non comme un artiste. On lui demande en six heures où il intervenait auprès d’enfants de travailler sur un thème puis de présenter une forme au public. Cette anecdote témoigne d’un malaise plus profond : maintenant les artistes doivent vivre avec une logique de commande, ils doivent montrer qu’il y a eu production alors que pour lui, un artiste n’est pas une entreprise économique.
Une question est alors posée aux intervenants : Comment vivent-ils au quotidien le fait d'être artiste et chômeur à la fois ?
Ils répondent alors qu'ils ne se considèrent pas comme des chômeurs mais comme des artistes, c'est seulement aux yeux de l'État qu'ils sont vus chômeurs. Ils rappellent également que ce système peut être un luxe puisque ces périodes chômées peuvent laisser place à d'autres activités comme le bénévolat ou l'écriture qui n'est alors pas perturbé par un travail alimentaire. C'est donc une chance d'avoir un tel système en place mais le problème est de pouvoir y accéder, car il est difficile de rentrer dans les cadres d'admissions demandés (et les plus précaires en pâtissent).
INTERMITTENCE A L’ETRANGER
La France n'est pas le seul pays à protéger financièrement ses artistes et ses techniciens. En Belgique, les artistes sont assimilés aux salariés du régime général. Une allocation est calculée d'un pourcentage du salaire de référence et de la situation professionnelle du demandeur. Ses allocations chômages évoluent dans le temps, même en deuxième période de chômage, l'artiste belge peut conserver les avantages d'un nouveau chômeur. Leur système est proche du système français, bien qu'il n'existe aucun régime spécifique.
En Allemagne, les artistes sont considérés soit comme salariés, soit comme travailleurs indépendants. Peu de mesures sont prises à leur égard, cependant, leur contrats artistiques sont supérieurs en durée aux contrats artistiques français. Ils peuvent aller d'un an ou deux contre 3 mois en France. Ils peuvent profiter de certaines mesures, comme la santé, la retraite ou la dépendance, en adhérent à la Caisse sociale des artistes. Si les artistes allemands indépendants ne peuvent toucher d'assurance chômage, ils peuvent recevoir l'équivalent du RSA et l'aide sociale. Rien ne les empêche de cotiser à l'assurance chômage volontaire.
Au Royaume Uni, il n'y a pas de protection spécifique pour les artistes, ils paient des cotisations d'assurances chômage comme tous les autres salariés. Dans les faits la plupart des artistes anglais ont également un travail alimentaire à côté pour vivre.
Enfin, en Suède, les artistes salariés ou indépendants sont logés à la même enseigne que tous les autres travailleurs, ils sont soumis au régime d'assurance nationale obligatoire et au régime d'aide sociale. Les compagnies de théâtre vont peut-être se voir muter en troupe permanente, à l'image de la troupe de la Comédie française. Que ce soit les sociétaires ou les comédiens pensionnaires, leur revenu est fixe et ils ont la sécurité de l'emploi, leur statut est similaire à celui d'un CDI.
EN DEFINITIVE :
Le débat se termine sur plusieurs interventions visant à relativiser les propos tenus précédemment, il ne s’agit ni de dévoyer complètement le système actuel, ni de l’encourager dans la précarisation des professionnels du spectacle.
Le régime proposé actuellement en France est unique et envié des artistes des autres pays. En effet, il assure une certaine sécurité aux intermittents, puisqu’il fait fi des fluctuations des revenus. Il semblerait cependant, que ce se soit le propre de l'artiste que d'être confronté à l'insécurité financière, bien qu'aujourd'hui il ne soit plus question uniquement des artistes puisque l'on est dans une période où le travail discontinu est devenu la norme, ce cas particulier de l'intermittence pourrait donc être un modèle plausible pour les autres secteurs d'activités qui rencontrent des cas de travail discontinu.
Il faut rappeler que nous sommes aujourd'hui dans une économie libérale, dans un système d'assurance où chacun cotise pour soi alors que l’assurance chômage est un système mutualiste où chacun cotise pour tout le monde.
Les réformes remises en question aujourd'hui ne s'attaquent pas à l'art en tant que tel, le problème de l'intermittence est un problème lié au droit social, car il y aura toujours du travail mais la question est de savoir dans quelles conditions il va être exercé.
Et il reste des questions non ou mal résolues, tels que la vieillesse, les cas de maladies, les congés maternités (ne parlons même pas des congés paternité) mais des collectifs réfléchissent à des mesures possibles pour répondre à ces défaillances...
Puisque le krinomen a été très riche en terme de masse d’information, voici un petit récapitulatif des points essentiels :
→ L'intermittence n'est pas un statut mais un régime
→ Régime mis en place en réponse à des cas particuliers de travail discontinu
→ Le régime de l’intermittence et le régime général ne fonctionnent pas de la même manière mais tous les employés cotisent dans la même caisse
→ Il a fonctionnement rétrospectif, on doit avoir fait 507 heures sous contrat de travail dans les 10 mois et demi qui précèdent pour ouvrir ses droits à l'intermittence
→ L'artiste n'a pas réellement de statut ni de définition très claires
→ Mauvaise image du régime des intermittents car mauvaise connaissance du sujet
→ Système unique en Europe qui résulte d'un choix politique de la part de l'État c’est une chance
→ Il reste des questions à éclaircir (tels que congés maternité/paternité, vieillesse…)