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Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).

Rien n'était si beau - Cie Les Visseurs de clou

Spectacle de la compagnie Les Visseurs de clous présenté à la Maison des Arts de Talence le 13 novembre 2014

 

Article rédigé par : Ivana Raibaud, Lisa Parage, Rachel Masurel et Guillaume Tichit

 

 

Présentation de la compagnie

 

« Spectacle-exposition déambulatoire et grandiose.
D'après Voltaire, Wagner et Cervantes,
On y voit des chevaliers, des Poilus, des veuves et des ruines,
De nobles officiers, d'illustres batailles.
Un méchant Marchand de canons et une grande faucheuse fêlée.

UN GRAND SPECTACLE POLITIQUE : qui nous rappelle pour qui qu'on crève, quand vient l'temps d'aller s'faire péter la tronche.

UN GRAND SPECTACLE POPULAIRE :
Plein d'effets spéciaux et de scènes d'actions, d'envolées grandioses et d'idéologies bon marché.

Enfin UN GRAND SPECTACLE FAMILIAL :
On y chante, on y danse, et on y boit du thé ! »

 

Rien n'était si beau est un spectacle de la compagnie Les visseurs de clous (Marionnettes méchantes et accidentées), une compagnie créée en 2008 par Pascal Laurent (scénographe et metteur en scène et marionnettiste) et Guéwen Maigner (forgeron, marionnettiste et constructeur de décors). Cette compagnie présente son nouveau spectacle Rien n'était si beau , en 2008 à la sortie du master professionnel « mise en scène et scénographie » de l’université de Bordeaux 3. C'est un spectacle pour tout public de quatre comédiens trois techniciens et plusieurs marionettes. Il reçoit l'aide de la région Poitou-Charentes un an après sa création à hauteur de 15000 euros. Mais par manque de diffusion le spectacle n'est représenté que deux fois et ceci à cause de la jeunesse de la compagnie. Alors, en 2013, Pascal Laurent décide, avec son équipe, de monter un nouveau spectacle, Bande annonce pour promouvoir Rien n'était si beau. Celui-ci est un spectacle pour un seul comédien et marionnettes, programmé l'année dernière à la Boîte à Jouer (cf avant-papier sur le blog du krinomen http://krinomen.over-blog.com/article-bande-annonce-les-visseurs-de-clous-120838113.html). Il fait la publicité du spectacle Rien n'était si beau qui renaît donc cette année, après deux ans d'arrêt des représentations.

 

 

La déambulation

 

La première partie du spectacle réside dans la déambulation. Plutôt que de procéder à de multiples changements de décors, le metteur en scène Pascal Laurent décide d'utiliser tout l'espace possible de la Maison Des Arts. La solution la plus simple est donc de faire déplacer le spectateur ; trois salles, trois déplacements. Le spectateur se trouve d'abord dans le hall d'entrée afin d'assister au discours de Noël Leblanc, ami et porte parole du metteur en scène de la compagnie joué par Pascal Laurent lui-même. Après avoir expliqué l'origine de ce spectacle avec une citation de Candide de Voltaire (chapitre 3), le spectateur a le droit à une lecture de la note d'intention. C'est avec cette lecture que nous comprenons que le spectacle est un hommage à son arrière grand-père.
Il est ensuite demandé de changer de salle afin de voir l'exposition autour de Rien n'était si beau !. Cette exposition est composée d'objets divers, peintures et photographies. Le spectateur est alors plongé dans une autre époque, une époque d'après-guerre dans l'univers du cancan et des « freaks show ». Puis un spectateur se détache du groupe et se met à jouer avec un échiquier sur lequel ont été disposés des petits soldats qu'il lance dans le public. Par la suite, il se munit d'une arme et d'un casque et se met à tirer sur le public. Il monte sur l’escalier de la salle de répétitions, voit l’horreur du massacre qu’il a causé et finit par se suicider. La lumière se tamise et une porte s'ouvre laissant apparaître un rideau rouge et une marionnette représentant la faucheuse, accompagnée de La chevauchée des Walkyries de Wagner. Celle-ci nous vend la suite du spectacle. Elle finit par laisser place à un long couloir de rideaux rouges parsemé de sachets de thé usagés. Renforcé par du brouillard, le spectateur est alors plongé dans l'univers du « freak show », partie à part en entière des cirques des années 50. Il se demande donc ce qui l’attend au bout de ce couloir. Il retrouvera deux « ouvreurs », qui donneront aux premiers spectateurs des casques fabriqués maison, pour assister à la troisième partie du spectacle.

Bien que la déambulation ait un côté pratique rendant actif le spectateur ; cela permet une interaction, qui a aussi ses inconvénients. Notamment que le spectateur soit partagé entre le confort et ses affaires, ou que l'on ressente la frustration des personnes les plus petites ne pouvant tout apercevoir.

 

La deuxième partie du spectacle

 

Une fois les casques distribués, les spectateurs peuvent se placer, soit sur le gradin à leur gauche, soit sur celui de droite. Ils découvrent alors des personnages plus que rocambolesques. Des flash sont employés grâce à une certaine lumière pour faire comme si on les prenait en photo, les comédiens restent d'ailleurs statiques quelques instants pour signifiés cet acte.

Par la suite, le spectateur peut découvrir que cette bi-frontalité sert le jeu. En effet, les personnages que nous avions en face n’étaientt en réalité pas des spectateurs mais nos ennemis. En effet, cette bi-frontalité sert pour donner l'aspect qu'il y a deux clans bien distinct. Ces deux clans sont les Bulgares et les Abbars (Voltaire en parle d'ailleurs dans le chapitre III dans Candide, tiré du passage de la guerre signifiant "Abbars" pour remplacer le mot "Arabe") Les deux comédiens jouant les représentants de chaque clan commencent alors à vérifier les équipements du public (par exemple l’apport du casque) puis un chant se met en place. Un des deux chefs de clan commence à chanter des paroles en rapport avec la guerre puis il demande à ses soldats (les spectateurs) de le suivre et de répéter ces phrases après lui. En boucle, le public chante ces quelques phrases puis le chef de l'autre clan s'avance et fait de même avec ses soldats ( les spectateurs).

Nous avons alors un chant en canon qui se crée avec la participation du public. Peu après, le chant s'arrête le public peut alors regarder ce qu'il se joue par la suite sur scène. L'une des comédiennes, à l'aide d'une trompette sonne le début d'une nouvelle scène. Sancho joué par un comédien et sa marionnette Don quichotte font alors leur apparition.

 

« Don Quichotte,est un chevalier avide de batailles et d’honneurs, au Walhalla, paradis légendaire des guerriers tombés au combat. Lors de ce voyage au royaume des morts à la guerre, notre chevalier, à la recherche de Rossinante, son cheval, rencontrera toute sorte de personnages, soldats, instructeurs, ou veuves de guerre de toutes époques et notamment les Profiteurs de guerre, maîtres du Walhalla. Un détrousseur de cadavre, un propagandiste, un choeur de généraux, un pape, un aide de camp et un marchand d’armes, ont fait du Walhalla une fête foraine décadente, et présentent leurs massacres comme des attractions exceptionnelles. »1

 

S'instaure alors une discussion où les deux chefs de clan se moquent de Sancho qui veut entreprendre la guerre. Mais il ne sait pas comment s'y prendre et ne prend pas concience de la cruauté des combats. Par la suite, les chefs de clans se livrent bataille avec l’utilisation d’ustensiles de cuisine, et meurent. Le spectacle se termine par une bataille de soldats montrant la cruauté des chefs de clan et un chant repris par tous les comédiens sur les désastres que cause la guerre.

 

L’esthétique théâtrale

 

« Rien n’était si beau est un spectacle-exposition. Il traite de l'image de la guerre, mettant en regard héroïsmes de propagande et réalités meurtrières. La Grande Guerre a été la principale source d'inspiration. Le spectacle oscille, entre drame et humour, entre dérision et tragédie. » peut-on lire dans la Nouvelle République, magasine littéraire. Le spectacle crée en effet un univers très « bigarré », les décors sont nombreux : le castelet, les scènes roulantes, tout est fabriqué ou récupéré par la compagnie. L’utilisation de marionettes fabriquées, le fait de chanter sur scène s’inspire du théâtre forrain.

Rien n’était si beau présente différentes pratiques de la marionnette : on peut distinguer la marionnette à gaine avec le marchand d’armes, qui se produit plus généralement derrière un castelet. Le marionnettiste est caché et enfile la marionnette sur sa main levée. Ensuite le spectacle propose des marionnettes à tiges comme Roland de Roncevaux et le Sarrasin. Une autre marionnette est aussi utilisée (Don quichotte) qui a la particularité d’être de taille humaine et fabriquée de matériaux de récupération. La manipulation d’objet est aussi une forme de pratique de la marionnette qui est présente dans ce spectacle : comme les sachets de thé qui font référence aux soldats de guerre.

 

La musique et le texte sont aussi des éléments clés du spectacle. Lorsque l’on entre dans le monde des morts, nous sommes accueillis par La Chevauchée des Walkyrie de Wagner, grand classique qui permet de plonger dans l’univers épique propre à Don Quichotte. Le texte est aussi un moyen d’évasion : Pascal Laurent a choisi de monter son spectacle en prenant des extraits de Candide de Voltaire et des extraits de Don Quichotte de Cervantès. Il les a mis bout à bout afin de traiter de la guerre. Il veut en effet dépoussiérer la littérature française mais aussi dénoncer ces guerres qui étaient à l’époque couvertes de gloire et montrer la cruauté des chefs de guerre. Utiliser ces oeuvres a été pour la compagnie un moyen de ne pas pas négliger leurs qualités littéraires, mais aussi prendre conscience de ce qu’est la guerre : le spectacle dénonce la toute puissance des chefs de guerre qui n’ont aucune pitié et aucune moralité. Ils envoient les hommes à la guerre juste pour leur plaisir.

 

La commémoration

 

Le spectacle reçoit le label national pour la commémoration du centenaire de la première guerre mondiale. A ce sujet Pascal Laurent déclare : “le spectacle a toujours eu un lien avec la première guerre mondiale. Dès le début j'ai créé cette pièce en pensant à cette grande guerre. Car c'est elle qui fait prendre conscience au peuple de la dureté des guerres. Elle a permis d’arrêter les fantasmes et de faire disparaître ce côté chatoyant, que certains contes pouvaient tenir sur les soldats partis à la guerre. De plus, toute la matière scénographique est basée sur la seconde guerre mondiale bien que la pièce soit contemporaine avec ses valeurs déambulatoires.”

 

 

 

Les relations entre Bande Annonce et Rien n’était si beau

 

Les ressemblances : On retrouve toutes les scènes de Bande annonce notamment la scène où le personnage "le marchand de bâton" essaie de nous vendre ses produits, la scène avec les sachets de thé ou encore le passage de la distribution des casques. La déambulation se retrouve aussi dans les deux pièces ainsi que les trois espaces de jeux. Les costumes n'ont pas changé non plus ; ce ne sont pas les mêmes comédiens qui les portent puisque dans Bande annonce Pascal Laurent est seul à jouer.

 

Les différences : Pascal Laurent ne joue plus seul comme dans Bande annonce. Cette fois, ils sont six a jouer sur scène (en comptant le régisseur qui participe à l'action et au jeu de la pièce). Cependant, Pascal Laurent est moins présent dans cette pièce. Pendant une très bonne partie de la pièce, il reste sur l'extérieur à regarder ses comédiens jouer. On ne le voit jouer qu’au début (il se met lui même en scène, lorsqu’il dit :"Pascal Laurent a écrit sa note d’intention et il veut que je la lise, moi, Noël Leblanc, car il n'est pas présent ce soir") et durant la scène finale de combat avec des sachets de thé. Ainsi on peut dire que dans Bande annonce, il est l’acteur qui présente son spectacle, alors que dans Rien n'était si beau, ses comédiens prennent le relais. Il devient alors, le metteur en scène de cette pièce. La déambulation est aussi une particularité de Rien n’était si beau, elle est plus riche avec l'entrée du Wallahala, qui amène le spectateur dans un couloir, puis à la grande salle. Mais d'un point de vue esthétique, Bande annonce, où la scénographie était déjà bien élaborée, ne présente pas le même budget que Rien n'étais si beau . Celui-ci est un spectacle plus conséquent en raison de toutes les machineries mises en places ainsi que les costumes et les décors (affiches tableaux). Une autre particularité du spectacle est le rapport bi-frontal utilisé dans Rien n'étais si beau que l’on ne retrouve pas dans Bande annonce. Enfin, des chants viennent animer la pièce avec l’utilisation d’un plus grand nombre de marionnettes.

Pour Pascal Laurent: “Il y a vraiment un lien, ce n’est pas une fausse propagande. C’est vraiment la bande annonce du spectacle. Cependant Rien n'était si beau est un spectacle plus fragile que Bande annonce car contrairement à Rien n'était si beau Bande annonce est complétement indépendant.”

 

 

 

Les textes, la musique

 

“J'ai choisi de créer mon spectacle en articulant les textes de plusieurs auteurs comme Cervantes et Voltaire. Ce que je voulais c'était représenter la guerre par l’art car je trouve ça important de lier l'art et la réalité du monde. Pour en traiter, il est néccessaire de faire des montages de cette guerre et de développer en parallèle un regard différent sur celle-ci : c'est pourquoi les textes que jai retenus décrivent la guerre de plusieurs façons, de manière à avoir plusieurs représentations. Ces images d'Epinal correspondent aux différentes visions que chacun peut entretenir sur la guerre et permettent le consentement de tous les spectateurs.”

Pascal Laurent.

 

La pièce reprend en effet, un extrait de Candide de Voltaire : «Rien n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. » (Chap III). Voltaire dénonce ici la guerre en utilisant l'ironie créant ainsi une mise à distance de l'épouvante de la guerre et il compare la guerre au spectacle (conception théâtrale de la guerre : « héroïque ») ainsi Rien n'était si beau est la mise en spectacle de la guerre par l'utilisation des marionnettes.

 

Un spectacle Populaire

 

Rien n'était si beau est un spectacle qui est annoncé « pour tous ». Le souhait de la compagnie est de « créer des spectacles populaires, à la fois dans la tradition du théâtre forain, mais aussi ancrés dans les écritures actuelles ». Il y aurait donc une recherche d'ouverture pour cette œuvre d'autant plus que le spectacle est déambulatoire ?

 

 

 

Sources :

-http://www.lanouvellerepublique.fr/Deux-Sevres/Communes/Brioux-sur--Boutonne/n/Contenus/Articles/2014/03/20/Les-Visseurs-de-clous-en-residence-a-la-Maison-des-arts-1837284

 

Bibliographie :

 

 

 

1Site des Visseurs de Clous.

 

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A
J'apprécie votre blog , je me permet donc de poser un lien vers le mien .. n'hésitez pas à le visiter. <br /> <br /> Cordialement
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