Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).
Suite n°2, de Joris Lacoste - Spectacle présenté du 21 au 23 octobre 2015 au TnBA
Article rédigé par : Sarah Ben Amor, Mélissa Braizet, Lola Caubet, Maxime Suaire et Elodie Thévenot
PRESENTATION DE L'ARTISTE ET DU SPECTACLE
1) Présentation de Joris Lacoste
C'est en 1996 que, interrompant ses études de sciences politiques à Bordeaux, Joris Lacoste commence à écrire pour le théâtre et la radio, après être « monté » à Paris, et en 2005 qu'il réalise son premier spectacle aux Laboratoires d'Aubervilliers, 9 lyriques pour actrice et caisse claire. Le plus souvent engagé dans des démarches collectives de création et non circonscrit au territoire théâtral, il travaille également avec des chorégraphes, réalise des performances et des conférences, écrit des articles et même conçoit des jeux[1]. Né en 1973, Joris Lacoste semble s'intéresser de longue date à différents phénomènes artistiques, différentes disciplines et formes esthétiques, avec une pensée et une démarche qui apparaissent peu communes dans le milieu théâtral. Une pensée aussi conceptuelle ou baignée de théorie, que pratique, ancrée dans le concret ; et une démarche qui se veut ouverte, pluridisciplinaire et expérimentale (avec la mise au point de cycles de recherche, tels que W, Hypnographie ou L’Encyclopédie de la parole, cycle auquel appartient notamment Suite n°2). Une pensée et une démarche qui se sont concrétisées dans de nombreuses productions et diverses formes d’associations artistiques ou d’inscriptions dans des institutions théâtrales : auteur associé au Théâtre de la Colline en 2006-2007 puis au Théâtre de Gennevilliers depuis 2014, édité par diverses maisons d’édition et revues, il a co-dirigé des Laboratoires d’Aubervilliers de 2007 à 2009, mais aussi fondé le collectif d’artistes et projet multiforme L’Encyclopédie de la parole en 2007 (après la fondation des projets et cycles de recherche W et Hypnographie en 2004, dans le cadre desquels il a notamment créé, d’une part, le spectacle Purgatoire en 2007, un séminaire de dramatologie en et des ateliers autour de la Méthode W en 2005-2006, et, d’autre part, la pièce radiophonique Au musée du sommeil en 2009, l’exposition-performance Le Cabinet d’hypnose en 2010 et la pièce de théâtre Le Vrai spectacle en 2011)[2].
Ainsi, outre l'écriture de textes, d'articles, outre sa pratique de la performance, des conférences ou encore des expositions, l'auteur met en scène ses textes de théâtre, aussi bien que des montages textuels ; certains de ses spectacles constituent des ensembles, des suites, ou s’inscrivent dans des cycles de recherche artistique – cités plus haut – qui donnent lieu à toutes sortes de productions (livres, performances, émissions de radio, séminaires théoriques…). Ce qu'il entend par « théâtre » n'est pas réduit à un genre, aux seuls spectacles qui comportent une mise en scène appuyée sur un texte, mais inclut aussi bien ce que l’on fait habituellement relever de la danse, de la performance, que du théâtre au sens strict, du concert ou de la conférence, etc. Pour lui, il y a théâtre dès lors qu’il y a une « relation » ou, plus précisément, un « dispositif qui met en présence quelqu’un qui agit avec quelqu’un qui regarde »[3], autrement dit des spectateurs et des acteurs en scène. L'action théâtrale ne peut pas avoir lieu sans spectateur et le spectateur ne peut pas exister sans spectacle. Séparer ces deux processus, qu'il nomme « processus d'action » et « processus de réception », serait « détruire le théâtre même »[4].
Par ailleurs, Joris Lacoste prône l'idée que le texte de théâtre est un « objet littéraire autonome »[5], dans le sens où il devrait être aussi appréciable de lire un texte théâtral que d'aller en voir la représentation scénique. Mais cet objet littéraire a ses spécificités, qui sont essentiellement, selon Joris Lacoste, sa dramaturgie et sa respiration. Lorsqu'il écrit, il se questionne sur la dramaturgie (le « devenir-scénique » du texte, sa structure générale, qui appelle la scène et le jeu) comme sur la respiration (le « devenir-parole » du texte, son rythme, son tempo, son volume, qui appellent le corps et la voix)[6]. Ainsi, notamment pour Suite n°2, Joris Lacoste a choisi de porter à la scène et de faire porter par les corps et les voix des interprètes des enregistrements qui, déjà au moment de leur énonciation, relevaient du « drame » (étymologiquement « action ») car ils étaient faits pour agir, pour créer des réactions ou des actions[7] ; puis c’est en travaillant la dramaturgie par le tressage des paroles puis la respiration des textes qu’il les fait, sur le papier et sur la scène, devenir théâtre – nous y reviendrons plus bas.
La pensée, la démarche et les productions artistiques de Joris Lacoste peuvent déstabiliser puisqu'elles remettent en question certains codes, principes et usages qui sont relativement établis dans le champ théâtral ; ainsi de son choix d’écarter le personnage de son théâtre et de supprimer toute idée de fable, d'histoire à raconter, quitte à se contenter d'un public restreint et à accepter que le public du théâtre et d’autres arts soit « minoritaire »[8] – ce qu’il est voué à devenir dans nos sociétés. Il prône un théâtre « ni élitaire, ni pour tous »[9], en opposition à une formule énoncée par Vitez (un théâtre « élitaire pour tous »). Joris Lacoste ne souhaite pas utiliser des codes évidents, compréhensibles par le plus grand nombre, ni des codes spécifiques, compréhensibles par une petite minorité de gens habitués du spectacle.
2) Présentation de Suite n°2
Suite n°2 est le second spectacle d'un ensemble de quatre « suites chorales »[10], des productions « en série » inscrites dans le cycle L’Encyclopédie de la parole, entamé en 2007 aux Laboratoires d'Aubervilliers et qui a aussi donné lieu à la création du solo Parlement en 2009. Ce cycle constitue un travail de recherche autour de la parole, comprenant la collecte puis l’utilisation artistique, dans des productions diverses, de plusieurs centaines d’extraits sonores enregistrés, des propos tenus et des discours énoncés dans différentes langues et dans des contextes très divers. Joris Lacoste et son équipe (et parfois même certains spectateurs) ont donc recueilli et classé de très nombreux types d'extraits, choisis par « un mélange de hasard, d'intuition et d'obstination »[11] , sans s'imposer de limite de champ[12].
Pour cette deuxième « suite chorale », le travail de l'auteur relève moins de l’écriture dramatique que de la composition, musicale et dramaturgique, une composition qui met en avant la performativité de la parole (ce qu’elle fait, plus que ce qu’elle dit) et questionne « l'oralité »[13] c'est-à-dire le phénomène d’énonciation de paroles, de production de sons qui ont un sens. C'est une partition pour cinq interprètes (un quintette, donc) qui présente des situations claires, un sens dans les mots énoncés et un travail sur les sonorités et la musicalité des langues (dont la diversité est mise en avant, puisqu’elles sont au nombre de 16 sur le plateau). Les interprètes, parfois en solo ou en duo, parfois réunis sous forme de chœur, portent des paroles tissées entre elles et orchestrées (par le compositeur Pierre-Yves Macé), suivant un principe fondamental pour L’Encyclopédie de la parole : c’est le texte lui-même, la parole elle-même qui constitue l’action, génère des émotions ; et la mise en relief du timbre des paroles, de leur tempo ou encore de leurs nuances et de leurs accents qui permet de vraiment écouter les mots du monde que le théâtre donne à entendre, autrement.
Une scène de Suite n°2 de Joris Lacoste Florian Leduc
Pour mieux comprendre le présent travail de Joris Lacoste, il faut d’abord se questionner sur la parole dans le théâtre contemporain et sur la place qu'elle occupe dans Suite n°2 en définissant dans ce spectacle son statut, son utilisation, son organisation et son interprétation performative. Ensuite, nous aborderons la dimension musicale du spectacle, en commençant par définir et étudier la « musicalité » dans le théâtre contemporain, dimension d’importance pour nombre d’auteurs et de metteurs en scène d’aujourd’hui comme d’hier. Ce point nous amènera enfin à analyser le sujet de la choralité dans le spectacle de Joris Lacoste, laquelle fait également, on le verra, l’objet de nombreuses réflexions et réalisations dans le théâtre français (et européen) des deux dernières décennies.
1) La parole au théâtre et le théâtre de la parole
Comment définir précisément le terme de "parole" au théâtre, spécialement dans le théâtre contemporain ? Le sujet paraît vaste et complexe, et il l'est. Mais définissons tout d’abord le mot dans son sens général. Le terme vient du latin populaire paraula[14] (lui-même dérivé de parabola, "comparaison, similitude", puis "parabole" et "discours grave, inspiré", enfin "faculté d’exprimer par le langage parlé") ; il s’est distingué du latin classique verbum, traduction du grec logos ("raison divine" pour Platon, art de la démonstration, de l'argumentation et du raisonnement en rhétorique, discours, ou simple fait de s'exprimer de manière vocale) et s’est imposé grâce à sa fréquence d’emploi dans le langage religieux[15].
Au fil des siècles, "parole" et "discours" se sont peu à peu différenciés, le premier terme basculant du côté du poétique tandis que le second s’est rattaché à la rhétorique. Cette différence entre "parler" et "dire" se manifeste aujourd’hui, entre autres, dans le champ théâtral et nous allons ici montrer – en particulier grâce à l'exemple de Suite n°2 – que, sur les scènes contemporaines comme dans les textes dramatiques actuels, le théâtre de la parole se distingue d’un théâtre du discours, notamment en ce qu'il ne véhicule pas systématiquement un sens prédéterminé ou un message particulier.
La parole, forme orale de l’expression verbale, est un des fondements du théâtre – si ce n'est le principal –, puisque, dans diverses époques et traditions éloignées ou proches des nôtres, comme dans la création contemporaine occidentale dans laquelle nous nous situons ici, elle est destinée à la représentation scénique et non à être seulement écrite. Cependant, beaucoup de formes théâtrales, spectaculaires et artistiques existent sans parole : c'est le cas du mime, du cinéma muet ou encore du théâtre d'ombres, qui développent en l’absence de parole une autre forme de langage que celle de l’oralité. Le langage parlé est donc, pour le théâtre comme par ailleurs, une forme d’expression et un outil de communication parmi d’autres, un moteur de sens et un véhicule de la langue comme du souffle et de l’impulsion poétique.
Bien sûr, les formes du langage oral sont multiples, mais elles sont généralement affiliables à l’une ou l’autre des deux voies que distinguent de nombreux penseurs ou praticiens du verbe : la voie de la parole (poétique) et celle du discours[16] (rhétorique). En effet, "parler" n’est pas "dire", les deux verbes renvoient à des réalités et à des postures différentes face au langage. Or cette distinction a été quelque peu effacée par Aristote (qui, selon François Jullien, "nous a laissé ces équivalences majeures, s'imposant comme des évidences : que parler c'est dire ; que dire est dire quelque chose ; et que dire quelque chose est signifier quelque chose : destinant ainsi la parole à être le discours déterminant de la science"[17], du savoir, de la pensée logique). De ce fait, on oublie parfois que l’on peut "parler pour ne rien dire" (de même que le contraire, bien sûr : parler pour dire quelque chose) : les deux chemins peuvent être frayés l’un comme l’autre. Quand "parler va sans dire" (pour reprendre les termes de François Jullien), quand la parole ne cherche pas à dire une chose donnée, elle relève du poétique, celui-ci pouvant être défini comme "ce qui ne se laisse pas réduire à dire quelque chose, signifier quelque chose"[18] ; alors que le discours, lui, relève de la rhétorique, "dont la fonction est de « montrer »[19]", ou de démontrer. Et la confusion antique (notamment aristotélicienne) entre poétique et rhétorique, n’a pas empêché la poésie, au fil des siècles, "même si elle a partie étroitement liée avec la rhétorique[20], par tradition épique puis théâtrale [...]" de "pressenti[r] que son art, ou du moins son principe intime, serait à concevoir à l'envers ; qu'elle ne pourrait s'inventer qu'autant qu'elle s'en libérerait [de la rhétorique]."[21]
Pour en revenir à notre domaine, voyons en quoi constite ce que certains nomment "le théâtre de la parole", en nous posant d’abord cette question : si le langage parlé est au fondement du théâtre (occidental, du moins), y a-t-il de la parole (poétique) dès lors qu’il y a du verbe ? Evidemment non. Elle est l’objet de recherche, de travail, d’auteurs et de metteurs en scène de théâtre contemporain qui se détachent de la fonction première que l'on attache usuellement aux mots – celle d'amener le sens –, qui s’éloignent du discours rhétorique pour faire advenir une parole poétique. Ces hommes et femmes de théâtre peuvent être rattachés, selon Yvonne Y. Hsieh, au "courant contemporain que les critiques, tels Jean-Pierre Ryngaert et Michel Corvin, ont baptisé « les dramaturgies de la parole », « les dramaturgies de l’oralité », [...] « le théâtre de voix », « les théâtres de la parole-action » ou « la théâtralité de l’écoute ». Dans ce théâtre d’avant-garde, la parole dramatique peut se passer de situations, de personnages bien définis et de didascalies. La parole n’est plus l’instrument de l’action : elle est l’action. On ne parle plus de « personnage », mais de « voix » [...] et surtout, de « figure » [...]. Les figures ne sont pas des personnages, mais des esquisses ou des silhouettes de personnages potentiels privés de passé et d’avenir. [...] Dans le théâtre traditionnel, il y a au préalable des personnages qui sont à l’origine des énoncés (qu’on appelle « répliques »), alors que dans ce nouveau théâtre de voix, il existe d’abord des énoncés dont les énonciateurs finissent souvent par se révéler plus ou moins identifiables."[22]
Les "représentants" de ce courant sont multiples et leur démarche poétique à chaque fois singulière. Ainsi, dans la plupart des pièces de l'auteur Jean-Luc Lagarce, les mots se répètent et se font écho, les procédés de langage poussent à revenir sans cesse en amont, produisant beaucoup de redondances de sens. La parole de Philippe Minyana, elle, est abondante, incessante, diversifiée, et cela apporte du dynamisme au propos de ses pièces : un véritable babil qui ne laisse aucun répit aux personnages – ainsi qu'aux spectateurs. Elle est souvent libérée (parfois violente et déchirante), mais aussi organisée, jouant avec les différents niveaux de langue, de rythmes, les procédés stylistiques, etc. Chez Valère Novarina, enfin, la parole est déconstruite, absurde ; pour lui, elle n'est pas synonyme de transmission d'une information ou d'un savoir : elle existe en elle-même, et il la défend contre son "instrumentalisation [...] comme discours visant à démontrer, à prouver, à convaincre"[23] et contre "l’idole de la communication"[24] : "parler est une respiration et un jeu. Parler nie les mots. [...] Parler n’est pas communiquer. Toute vraie parole consiste, non pas à délivrer un message, mais d'abord à se délivrer soi-même en parlant. Celui qui parle ne s’exprime pas, il renaît."[25]. C'est donc la relation que la parole entretient spécifiquement avec le corps, le souffle, la vitalité organique et l’imaginaire poétique qui, dans ce théâtre, prime sur la signification des paroles.
2) La parole dans le théâtre de Joris Lacoste et Suite n°2
C'est cette voie qu’emprunte, à sa manière (i.e. à partir du réel plutôt que de la fiction dramatique, à partir de documents et non de textes littéraires), Suite n°2, qui s'inscrit dans un théâtre de parole poétique, esthétique et performative. Mais comment cette création fait-elle théâtre (et un théâtre de parole) à partir de documents du réel ? Les extraits choisis par le metteur en scène Joris Lacoste sont retenus et organisés (par montage et mixage, pourrait-on dire) pour former un tout, un tout qui ait une cohérence et une force dramaturgique et qui, cependant, ne puise pas son sens dans la signification des extraits eux-mêmes, mais dans la collecte des documents sonores, leur mise en relation et leur travail musical et choral. Aujourd'hui, le nombre d'extraits sonores retenus dans L’Encyclopédie de la parole par Joris Lacoste et son équipe s'élève à environ 800. Comment choisir parmi tant d’extraits ceux qui constitueront les futures pièces ? Le metteur en scène de Suite n°2 explique que "les documents s'imposent par un mélange de hasard, d'intuition et d'observation. [...] Quand certaines [paroles] s'imposent comme des personnages possibles, on les invite à participer au spectacle, on leur donne un rôle, un corps, des partenaires. On les écoute dialoguer avec d'autres, on repère des sympathies, des contrastes, des accords, des points de dissonance, et à un moment elles commencent à se répondre et à raconter ensemble quelque chose de particulier"[26]. Pour Joris Lacoste, dans Suite n°2, le but était de "faire entendre des paroles qui s'inscrivent dans le monde, qui font quelque chose, des paroles « performatives » qui agissent ou tentent d’agir sur le réel"[27]. Les extraits sonores de la pièce ont tous été prononcés par quelqu'un, un jour, dans le monde. Ces paroles avaient donc, dans le contexte de leur énonciation, un rôle actif (donc un potentiel dramaturgique, "drame" signifiant étymologiquement "action") ; et retenues sur ce critère (notamment) puis reprises sur la scène, elles constituent elles-mêmes l’action théâtrale. Enfin, à ce matériau documentaire transformé en matière dramatique, les comédiens redonnent du souffle ou donnent une nouvelle respiration, leur voix transmettant aux spectateurs les paroles du monde qui les mettent (acteurs et spectateurs) en action.
Joris Lacoste et les cinq interprètes réussissent par ce tissage dramaturgique à faire revivre ces paroles en les sortant totalement de leur contexte : elles existent une seconde fois (chacune à travers une, deux... ou les cinq voix du quintette) et constituent ensemble une création sonore et vocale des plus originales dans laquelle chacune vit une nouvelle existence, solitaire ou faite de rencontres plus ou moins improbables : un discours rébarbatif sur l'économie du Portugal rencontre ainsi un cours de gymnastique croate, un discours présidentiel est déclamé en canon, entre autres exemples. Et pour "rendre à l’apparition de la parole et à la présence de l’acteur tout leur poids, celui d’un événement", pour renouveler et affiner l’écoute des spectateurs vis-à-vis de paroles qui traversent le monde au quotidien (dont beaucoup sont plus ou moins familières voire très connues), Joris Lacoste et ses acolytes de Suite n°2 ont choisi d’accentuer "le jeu que la parole se joue à elle-même, les activités rythmiques, les variations formelles, les conjugaisons d’affects, les débordements verbaux de toute sorte"[28]. C’est ainsi que cette parole est travaillée musicalement, et sur un mode en partie choral (deux aspects dont traite notre article dans les parties suivantes).
La parole prélevée dans le réel et mise à l’honneur (mais aussi en observation, comme sous une loupe ou un microscope) dans le spectacle Suite n°2 lui a donc imposé sa propre dramaturgie, aussi bien que sa respiration, donnant lieu à une écriture unique qui ne cherche pas à produire un sens donné (qui serait au croisement des significations des 150 extraits tissés ensemble) ; une écriture de la parole qui constitue une esthétique sonore et une performance de comédiens, tenant chacun autant de l'interprète linguistique que du chanteur-musicien. La parole, dans Suite n°2, est donc perfomative à deux titres : elle fait quelque chose, elle agit sur l’auditeur, ou du moins vise à produire des effets sur lui ; et elle fait faire quelque chose, se mettre en mouvement et en action les passeurs qui la portent et qui produisent, autant qu’ils "subissent", ses étonnants et multiples effets.
La parole dans Suite n°2 n'a donc pas pour finalité de transmettre du sens, ou du moins une signification qui serait indépendante de la forme. Joris Lacoste, en effet, veille surtout à mettre en valeur les intonations, les inflexions de voix et les sonorités qui traversent les langues, pour donner à entendre (et à voir) des paroles du monde à l'auditoire. Pour se faire, le metteur en scène a dirigé ses comédiens/interprètes comme des musiciens dont l'instrument serait la voix, direction qui nous amène à questionner la musicalité dans Suite n°2.
1) Qu’est-ce que la musicalité (au théâtre) ?
La musicalité, comme l’introduction de notre article l’a déjà relevé, constitue une dimension essentielle du théâtre de la parole que met en œuvre Joris Lacoste, ce en quoi il rejoint de nombreux autres metteurs en scène de théâtre contemporain, comme nous allons le voir dans cette partie. Mais que faut-il entendre au juste par « musicalité » ? Ce terme renvoie-t-il, comme la théâtralité désigne ce qui est le propre du théâtre, à ce qui est proprement musical, ce qui appartient à l’art de la musique ?
Oui et non. Le terme, dont le sens premier (historiquement) est « qualité de ce qui est musical), possède plusieurs acceptions, plus précisément trois, suivant le TLF (Trésor de la Langue française) :
1- « Caractère musical, propre à la musique », par exemple de la bitonalité ;
2- « Ressemblance avec la musique », par exemple de la voix ou d’un chant d’oiseau, ou bien, dans le domaine linguistique/stylistique, d’une phrase ou d’une langue ;
3- « Capacité de reproduire fidèlement les sons de la musique », par exemple pour un appareil hi-fi, et « expressivité, qualité de jeu », pour une interprétation vocale par exemple[29].
On retrouve ces trois acceptions du terme « musicalité » quand il est employé dans le champ théâtral. Dans ce domaine, la musicalité concerne avant tout le texte mis en scène et le travail, par l’auteur puis par le metteur en scène et le comédien, de ses qualités proprement musicales, suivant une perspective que formule clairement Michel Corvin dans son article « Pour une réception "musicale" du théâtre contemporain » : « les mots [de l’auteur du texte, qui en a travaillé la musicalité] ne disent rien, mais ils peuvent contenir des matrices de spécificité non sémantique – de musicalité, en l’occurrence – que le metteur en scène, jouant sur du velours, a alors pour première besogne de rendre audibles. […] Quels autres éléments propres à l’écriture musicale, en dehors de toute note chantée et de toute trace écrite en figures, le metteur en scène va-t-il pouvoir exploiter ? Des pauses et des silences, des points d’orgue et des syncopes, des cadences et des altérations du mouvement de la parole (accélérations ou ralentissements), des nuances (du pianissimo au fortissimo), tout ce qui relève du rythme et de l’intonation, de la vitesse et de la durée d’émission de la voix, sans parler du timbre et des inflexions propres à chaque comédien : en somme, tout un solfège »[30].
Evidemment, la musicalité du théâtre n'est pas une matière nouvelle qui n’aurait été travaillée que par les auteurs et metteurs en scène contemporains. Comme le souligne Michel Corvin, un auteur comme Beaumarchais dans Le Mariage de Figaro (1784), a travaillé non seulement sur la rhétorique mais aussi sur la rythmique textuelle, la musicalité de la parole et la modulation linguistique, ceci notamment pour le monologue de Figaro, afin qu'il ne soit en aucun cas monotone et qu'il soit, aux oreilles des spectateurs, d'une fluidité limpide et d'une structure clairement perceptible. Ainsi, le théâtre a su « proposer une spécificité sonore en dotant les textes d’une allure musicale, à l’époque classique, à l’aide de figures de style et de mots ». Puis bien plus tard, dans notre siècle et le précédent, « la voix de l’acteur (souffle et sons) » est devenue, par des évolutions historiques étendues sur deux siècles, « la matière première d’une langue nouvelle chez des écrivains contemporains »[31] ; et plus largement (pour des metteurs en scène, comédiens…), la musicalité du théâtre s’est fait l’objet de recherches et de réflexions esthétiques renouvelées, notamment par l’influence que le théâtre a reçu (ou puisé au sein) d’autres arts.
2) Le travail de la musicalité dans le théâtre moderne et contemporain
Car à la fin du XIXème siècle, la volonté de rendre l'art de la mise en scène autonome pousse un certain nombre de réformateurs du théâtre à utiliser la musique comme instrument ou modèle de référence pour révolutionner l'art de la scène, tandis que d’autres se sont inspirés de références esthétiques distinctes, fournissant un modèle visuel et spatial (et non pas un modèle temporel), comme le cinéma, l'architecture ou encore les arts plastiques. En effet, le théâtre (du grec theatron : « le lieu d'où l'on voit »), se voit mais aussi s'entend et s'écoute ; il est donc logique que, pour émanciper l’art du théâtre de la tutelle littéraire, les grands metteurs en scène et théoriciens de l’époque aient recouru à des modèles extérieurs, ceux que fournissaient soit les arts visuels (et spatiaux), soit les arts sonores (et temporels). Parmi eux, Antoine, Craig, Stanislavski et Meyerhold, les réformateurs de la mise en scène par la musique, ont introduit les notions (et les termes) de « composition musicale », de « rythme de la mise en scène », de « partition », mais aussi d’ « accord », d’ « harmonie », de « dissonance », de « contrepoint » ou d’ « orchestration » dans la théorie et la pratique de la mise en scène, pour donner une autonomie, une légitimité à cet art qui n'était alors pas considéré comme tel (alors que la musique l’était, bien sûr, et au plus haut point). Le modèle musical a inspiré des réformes essentielles dans la mise en scène de l’époque, il en a transformé la pratique et enrichi la théorisation.[32]
Muriel Plana le rappelle : « Ce travail du modèle musical dans la pensée et dans la pratique du théâtre ne s’arrête pas dans les années 30 du XXe siècle », bien sûr, mais « se poursuit tout au long du siècle », et jusqu’à aujourd’hui, mais dans une perspective et un but différents. Aujourd’hui, ce modèle « s’enracine, d’une part, dans le goût actuel pour l’hybridation des arts » et « il contribue, d’autre part, du moins chez certains artistes, à la fabrique d’une écriture scénique personnelle ou […] à la mise en crise du logos initiée dans les années 80 et toujours poursuivie sur les scènes post-dramatiques contemporaines. Il s’agirait alors peut-être, dans le champ du théâtre expérimental lui-même, de reconnaître (voire de célébrer) le passage d’une culture où dominaient encore le verbe et le livre à une civilisation de l’image et du son »[33]. Et outre des metteurs en scène contemporains, un certain nombre d’auteurs actuels suivent cette voie.
Dans son article, Michel Corvin prend notamment comme exemples de ce théâtre qui tente de faire « voir les mots »[34] l’auteur-metteur en scène Valère Novarina et le « passeur » de textes (comme il se nomme lui-même) Claude Régy. Novarina cherche à faire advenir, à travers la voix et le corps des acteurs, ce qu’il nomme « la théâtralité respiratoire de la page »[35] ; la langue théâtrale est pour lui organique, au contraire du langage du concept ou de la communication, qu’il œuvre à détruire pour bâtir la sienne. Pour ce faire, « il se soûle de sons avant de se soûler de mots » jusqu’à l’ « hallucination sonore » ; il pense l'homme comme un « tuyau sonore »[36] qui émet une musique par ses deux bouts, et un animal dont sort, à grande vitesse et chargée d’énergie vocale, une langue inédite. « La musique de la voix […] procède de son seul souffle, dans un aller et retour constant entre les sens et les sons, entre le corps du spectateur et celui de l’acteur, entre la pensée et la respiration »[37]. Claude Régy lui, traite texte comme une partition de musique, et le fait interpréter avec « le maximum de lenteur et de décomposition des mouvements des voix comme des corps »[38], mais aussi de neutralité (diction monotone, gestes, décors et lumières réduits a minima) et de silence entre les mots, le seul lieu où peut s’inscrire le sens à ses yeux ; car pour lui, le silence passe avant la parole. Pour eux comme pour Joris Lacoste, l'action passe d'abord par les voix, puis par le corps ; et la parole, le langage ou l’écriture (chaque artiste a son terme favori) a, selon eux et pour reprendre les mots d’Antonin Artaud, un pouvoir « d’ébranlement physique », le pouvoir de « déchirer et de manifester réellement quelque chose »[39], de faire « événement »[40]. Et pour Joris Lacoste comme pour eux, la langue au théâtre relève de l’étrange(r) et appelle, chez les comédiens, une disposition, une attitude et un travail particuliers, pour traiter la parole ou l’écriture comme une musique (ce qui est facilité, pour les cinq comédiens de Suite n°2, par le fait qu’ils ont à porter des paroles dans plusieurs langues qu'ils ne connaissent pas en profondeur – de même que les spectateurs, dont l’écoute est ainsi « musicalisée » – nous y reviendrons).
3) Le travail de la musicalité dans le théâtre de Joris Lacoste et dans Suite n°2
Joris Lacoste propose dans son Encyclopédie de la parole - Suite n°2, une écoute différente de l’écoute ordinaire, suivant le principe que toute parole, par sa musicalité, est signifiante. Il met en relief les sonorités de diverses langues du monde à travers de simples paroles de la vie quotidienne et d'autres plus politiques ou dramatiques, que l'on pourrait trouver pour partie banales, si Joris Lacoste ne donnait pas au spectateur-auditeur la possibilité de leur accorder une écoute à caractère esthétique. Un tel traitement de ces discours et autres paroles donne un aspect nouveau et plus distinct à des propos que l'on peut entendre tous les jours, des monologues ou dialogues qui sont énoncés dans la rue ou à la télévision. Il propose un retour sur la construction, la structure de nos paroles, la tonalité et le son de la voix qui rythment la compréhension des mots et conditionnent la genèse de l'émotion. Tout comme on le ferait avec une partition musicale, Joris Lacoste cherche les notes du texte de chaque extrait qu'il travaille et qu'il fait travailler par ses interprètes afin de trouver la mélodie que porte la parole et qui apportera le sens. Les sensations et réflexions, les émotions et interprétations sont remises en jeu par ce travail musical et ce flux sonore auquel on a fini par s'habituer devient tout à coup des sonorités nouvelles, car jamais nous nous sommes penchés sur la musicalité, les nuances et la rythmique de telles paroles autant qu'on ne le fait durant le spectacle, grâce à ces performeurs. Et ainsi, ces diverses paroles qui ont été prononcées à travers le monde et qui se trouvent réunies sur la scène de Suite n°2 se font entendre à nos oreilles d'une manière différente.
Dès l’abord, le spectacle place le public dans la champ de la musique : en donnant pour seule vision aux spectateurs un simple tambour électrique et des pupitres noirs posés face aux comédiens et garnis de partitions, Suite n°2 se et nous place sur un terrain musical, terrain de jeu pour les interprètes et terrain de création pour le metteur en scène comme pour le compositeur, Pierre-Yves Macé, avec qui il a travaillé pour ce spectacle. Car la musicalité de Suite n°2 n'est pas uniquement celle des paroles « nues », elle est aussi le fruit d’une création instrumentale et vocale, œuvre commune de Joris Lacoste et de Pierre-Yves Macé, le premier ayant demandé au second de « composer des arrangements et accompagnements vocaux pour certains documents, et plus généralement de réaliser le "design sonore" de la pièce ». Car pour eux, « le recours à la musique est d’abord une manière de souligner certaines caractéristiques formelles de la parole », ou « de déplacer l’écoute, par exemple pour redonner une dignité (voire une grandeur) à une parole triviale », ou encore, à l’inverse, « de mettre de l’ironie sur des paroles qui se prennent trop au sérieux ». Et globalement, affirme Joris Lacoste, « la dimension musicale de la pièce aide, je pense, à trouver la juste distance vis-à-vis de scènes souvent très chargées affectivement ou politiquement »[41].
Chez Joris Lacoste, le texte ou la partition sont traités de manière à ce que se distinguent et se composent entre eux trois plans : celui de situations identifiables (par les propos et leur légendage sur l'écran de surtitrage), celui du sens des mots prononcés, enfin « le plan purement sonore ou musical de la langue qui se confond avec le plan des affects et intensités »[42]. Malgré la longueur de certains extraits dans Suite n°2, le travail (des intonations, des rythmes, des accents...) est tel que, nous, spectateurs, ne perdons pas le fil de l'écoute et de l'émotion, les performeurs nous tirent parfois jusqu'à l'asphyxie par leur rapidité d'interprétation, la superposition polyphonique des voix et le tissage des paroles entre elles. Ce qui nous rapproche quelque peu de ce dont Michel Corvin parle au sujet de Novarina, le fait d'amener son acteur « à pousser l'entassement des mots jusqu'à l'asphyxie et le brouillage des sons jusqu'à la fatrasie »[43]. Mais bien sûr, la démarche esthétique et le rapport au langage de Joris Lacoste se distinguent de ceux de Novarina, notamment en ce que le premier travaille la musicalité du langage social, il cherche à réinterroger son sens par cette approche musicale de la parole « ordinaire », quelle qu’elle soit ; Novarina, lui, dont les textes ne sont pas tissés de paroles empruntées à autrui, refuse toute soumission au langage socialisé et cherche à le détruire pour « bâtir sur ses décombres une langue organique » ; il œuvre à « se vider de tout savoir, de tout souci de communication, de tout passé culturel […] en vue de "perdre la parole" »[44].
Comme cela a été relevé plus haut, la musicalité de Suite n°2 procède pour beaucoup de la présence de différentes langues étrangères sur le plateau et d'un traitement de la parole que l'on pourrait qualifier de « parlé-chanté » dans le spectacle. Un travail considérable a été dédié aux sonorités des langues, un travail aiguisé sur la rondeur des mots en arabe, l'élasticité des paroles en espagnol, bref sur la précision vocale et linguistique pour toutes les langues pratiquées dans ce spectacle (les langues qui sont ici au rendez-vous étant, l'anglais d'Angleterre, celui des Etats-Unis ou celui d'Australie, le français, le japonais, l'allemand, le néerlandais, le portugais, le russe, le croate, le lingala, le chinois, le danois et l'ourdou)[45]. Joris Lacoste travaille les mélodies de langues qui ne se ressemblent pas forcément, et le spectacle fait apparaître, par la prestation des interprètes, le travail qu'ils ont accompli sur la modulation des voix pour passer d'une langue à une autre en même temps que d'une parole à une autre, donc d'une gamme de fréquences à une autre, d'un rythme à un autre, d'un accent à un autre, d'une émotion à une autre. Le montage sonore et les différentes formes de discours prennent ainsi vie dans la voix des performeurs, qui donnent chaque parole à entendre dans sa singularité et parfois comme une curiosité (quand lui sont appliqués des traitements « musicaux » étranges ou quand ressort l’étrangeté – pour nous – de la langue dans laquelle elle est proférée)[46].
L'importance accordée à la musicalité des mots que l'on ne comprend pas tous (et dont on n'a pas forcément le temps de lire la traduction vidéo-projetée en fond de scène) et l'absence de trame narrative dans cette « suite » placent le spectateur hors de l'objectif de comprendre tout ce qui est dit, la signification de chaque mot ou de chaque parole. Il s'agit plus d’écouter la manière dont les paroles sont interprétées, leur mélodie, d'entendre chaque extrait comme une chanson, et de se laisser transporter par la mélodie dramatique qui devient vérité à nos oreilles. Tout comme elles le sont, souvent, dans une chanson, les notes du texte sont travaillées pour éviter les redondances et les répétitions plates ; et la musicalité de chaque document sonore réinterprété est quelquefois exagérée par les comédiens afin de marquer les différences entre deux discours qui sont proférés en même temps – par exemple l'un, très long et monotone, et l'autre, court, vivant et à la limite agressif, portés chacun par un comédien dans une langue donnée et sur un mode « chanté-parlé ». Il s'agit de « se mettre à l'écoute d'une variété créative dans des paroles ordinaires ou triviales »[47].
Ce n'est pas le jeu de l'acteur au sens usuel de l'expression que Joris Lacoste cherche à mettre en valeur dans ce spectacle, mais le jeu de la voix, qui lui-même fait émerger la corporalité, la gestuelle, chez le comédien, et en amont les capacités de la parole à mettre en mouvement des corps (d’acteurs, de spectateurs...). Face à ce spectacle de la parole, nous réalisons à quel point la voix est importante chez l'acteur et pour le spectateur-auditeur, car c'est elle, principalement, qui va porter le sens et l'émotion. C'est à travers la voix que le corps se laissera gagner par l'émotion, l'intention, l'intensité, quand l'expression vocale domine l'expression corporelle. Et c’est là l’un des phénomènes que manifeste Suite n°2, ce petit laboratoire d’expérimentation et d’observation des processus de l’oralité, de la parole, que le théâtre accueille et donne à voir aux acteurs et spectateurs assemblés.
La scène du discours du ministre portugais de l'économie dans Suite n°2 © Bea Borgers
La musicalité dans le théâtre renvoie souvent dans la pensée commune (qui se plaît à revenir aux « origines ») au chœur antique, même quand il s’agit de théâtre d’aujourd’hui. Et de fait, dans le théâtre contemporain, le travail de la musicalité comme celui de la choralité est au cœur de nombreuses créations scéniques, dont Suite n°2, qui ne se réfèrent aucunement au théâtre de la Grèce antique. Alors comment et dans quel but la choralité est-elle utilisée par Joris Lacoste dans ce spectacle ?
LA CHORALITÉ DANS LE THÉÂTRE CONTEMPORAIN ET DANS SUITE N°2
1) Définition, histoire et formes de la choralité dans le théâtre contemporain
Le nom des « suites chorales » de L’Encyclopédie de la parole, cycle dans lequel s’inscrit Suite n°2 comme le faisait Suite n°1, incite, à lui seul, à s’interroger sur la choralité (la notion, les formes de la choralité) dans le théâtre contemporain et en particulier, bien sûr, dans la pratique scénique et la pensée théâtrale de Joris Lacoste. Mais qu’est-ce au juste que la « choralité » ? Du grec khoros et du latin chorus, « troupe de danseurs et de chanteurs », « fête religieuse », la choralité désigne littéralement la qualité de ce qui est choral, de ce qui est propre ou a trait au chœur – « terme commun à la musique et au théâtre » désignant, depuis le théâtre grec, « un groupe homogène de danseurs, chanteurs et récitants prenant collectivement la parole pour commenter l’action à laquelle ils sont diversement intégrés »[48], et dont la fonction comme la forme ont beaucoup varié au cours de l’histoire du théâtre. De ce fait, on ne s’étonnera pas que la notion de « choralité » soit si délicate à définir pour le théâtre contemporain, héritier de siècles de pratique et de théorie théâtrales, et que soit si importante « la diversité de sens que peut revêtir [ce terme] dans les discours des praticiens de ces dernières années » : selon Christophe Triau, la choralité constitue dans le théâtre actuel « un champ, plus qu’un modèle établi […], des questionnements plus qu’un procédé »[49]. Cependant, on peut repérer quatre dimensions principales et transversales aux pratiques et théories contemporaines de la choralité théâtrale :
Si au 19e siècle, au temps du réalisme et du naturalisme, le chœur est très peu employé « pour ne pas choquer la vraisemblance » ou s’il « s’incarne dans des personnages collectifs » [51], comme le peuple, au début du 20e siècle, Vsevolod Meyerhold prédisait le retour du chœur antique sur les scènes contemporaines. Et en effet, durant le siècle passé, avec la remise en cause de la dramaturgie illusionniste, le chœur a réapparu « comme moyen de distanciation […], comme tentatives désespérées de trouver une force commune à tous […] ou dans la comédie musicale (fonction mystifiante et unanimiste du groupe soudé par l’expression artistique : danse, chant, texte) »[52]. Mais en regard des pratiques théâtrales contemporaines, peut-on simplement parler d’un retour aux formes « originelles » du théâtre grec antique ? Non, car ce retour « ne se fait pas forcément sous la forme d’un retour ostensible du chœur à proprement parler, mais plutôt sous une forme diffractée, comme un refoulé du chœur ressurgissant partiellement en en déplaçant toujours le modèle »[53] : la choralité dans le théâtre contemporain (dont Martin Mégevand parle comme de « l’effet fantôme du chœur ») se définirait comme « ce qui reste du chœur quand le chœur n’y est plus »[54].
Cette question de la choralité, cette réinscription d’un modèle choral au sein de la représentation (texte et scène), dans le théâtre des deux dernières décennies, a été mise en œuvre à travers la littérature dramatique contemporaine, par des auteurs comme Valère Novarina, Daniel Lemahieu ou Sarah Kane, comme dans la mise en scène de textes récents ou anciens. Dans ces écritures, que Sandrine Le Pors regroupe sous le qualificatif de « théâtre des voix »[55], héritières de la « crise du drame », de la remise en cause des principes du théâtre dramatique analysée par Peter Szondi dans sa Théorie du drame moderne (1956), la place du personnage, du protagoniste (avec celle du dialogue, celle de l’action, celle de la fable, de la narration) est mise à mal si ce n’est effacée au profit de la parole, d’une parole portée par des « figures » ou des « voix » dépersonnalisées[56]. Et c’est dans un esprit de « rénovation de la forme dramatique » que se sont placés les auteurs de cette tendance dramaturgique, en donnant à leur choralité non pas un « horizon idéal d’univocité », comme pour le chœur antique, mais une forme et une dynamique nouvelles : leur chœur, « non-hiérarchisé », tresse ensemble des « voix de toute sorte », souvent solitaires, et « restitue une cacophonie relative dans laquelle s’absorbent les personnages », tel « l’espace stéréophonique du café » décrit par Roland Barthes[57].
Du côté des metteurs en scène des années 1990-2000 qui travaillent (avec) la choralité, les orientations et les problématiques sont multiples, ce dont Christophe Triau rend compte dans son article « Choralités diffractées : la communauté en creux ». Tous ont manifesté le désir de réinterroger une choralité héritée, notamment en refusant le modèle historique du chœur unifié pour construire une dialectique du collectif et du singulier (ceci à une époque où « la question du commun [ou de l’être ensemble] est (re)devenue problématique »[58], du fait de l’effondrement des utopies collectives dans les années 1980 au profit de l’individualisme), mais en empruntant des voies diverses :
Mais où se situe Joris Lacoste, dans ce paysage-là ? Et quelle choralité met-il en œuvre dans Suite n°2 ?
2) La choralité dans le théâtre de Joris Lacoste et dans Suite n°2
Comme nous le disions plus haut, Suite n°2 s’inscrit dans un cycle intitulé L’Encyclopédie de la parole, et succède à Parlement (2009) et Suite n°1 (2013). L’évolution du travail choral et musical sur la parole au cours de ces trois projets est intéressante car Parlement était un solo performatif d’Emmanuelle Lafon, alors que Suite n°1 mettait en scène un chœur, à l’unisson, composé de 11 interprètes, 11 amateurs et un chef. Pour Suite n°2, il n’y a plus que 5 interprètes sur scène et les paroles ne sont plus portées par un chœur à l’unisson, mais souvent, par un interprète seul, parfois par deux interprètes en dialogue ou plusieurs en canon, ou encore plusieurs paroles par plusieurs interprètes superposant leur voix. On pourrait se demander si, dans sa forme, Suite n°2 n’est pas une synthèse des deux spectacles qui l’ont précédé, question à laquelle Joris Lacoste répond positivement dans un entretien sur ce spectacle : « Pour Suite n°2, je voulais revenir à un principe individuel de prise de parole, comme dans Parlement (2009), mais en travaillant la choralité différemment [par rapport à Suite n°1] »[65].
Le travail de choralité, très marqué dans Suite n°1, se décline d’une tout autre manière dans Suite n°2. C’est avant tout le choix des documents traités qui induit cette différence. Les paroles utilisées par Joris Lacoste pour Suite n°1 sont proches d’une parole quotidienne, « banale », et ce sont des « paroles qui, de fait, appartiennent à tous » (d’où la pertinence de l’unisson comme « forme élémentaire de la récitation », de « l’expression commune »[66]). Les paroles sont plus « chargées » et portées, dans leur énonciation originelle, par des individualités (on pourrait même dire des personnalités, dans plusieurs cas) dans Suite n°2 d’où une présence du groupe moins marquée que dans Suite n°1 et d’où un travail différent de la choralité, suivant avant tout le principe d’harmonie : « L’harmonie, en musique, c’est la coexistence simultanée de différents sons. Ici, il s’agit de faire coexister différentes paroles, mais plus seulement dans un montage successif dans les pièces précédentes. A certains moments, on tente de les faire exister en même temps […], de créer […] un faisceau de relations possibles, sur des niveaux à la fois de contenu, de forme et de situations. »[67] . D’un côté, nous avons un travail sur l’individu et la masse, ou le collectif, et leur quotidien, inscrit dans la société, tandis que de l’autre, c’est un regard sur la société – presque un état des lieux – offert à l’écoute par le quintette, soit un groupe miniature où l’individualité est moins effacée que dans le chœur de Suite n°1. Dans les deux Suites, les documents sonores font l’objet d’un montage, d’un tissage complexe, aboutissant à une partition vocale où la parole est agencée, composée, structurée dans sa musicalité, ses résonances et contrepoints ; et cet outil que constitue le chœur efface l’idée du personnage théâtral. Tels sont les deux aspects que nous allons à présent explorer.
a) Un tissage de paroles à cinq voix
Suite n°2 explore donc l’énonciation multiple de paroles diverses (150 documents sonores au total), agencées suivant un principe d’harmonisation (i.e. de structuration d’un ensemble par assemblage d’éléments qui sont en affinité les uns avec les autres), énonciation réalisée parfois en solo, d’autres fois en duos, ou encore avec toutes les combinaisons que permet le quintette composé pour ce spectacle. L’idée de coexistence domine ce travail, on l’a vu. La parole est, dans ce spectacle, une action ; elle a une vie propre et se confronte à d’autres existences, d’autres paroles qu’elle rencontre parfois sur son chemin et avec lesquelles elle dialogue (comme les informations qui nous parviennent chaque jour se carambolent, s’agencent et échangent entre elles dans notre tête). Et le travail singulier de chaque parole – seconde idée centrale dans Suite n°2 – permet de la rendre plus réelle voire de lui donner une nouvelle réalité sur la scène. Ainsi, une parole masculine pourra être prise en charge par une femme, un discours pourra être décliné par plusieurs voix. Alors même que tous les documents sont reproduits avec beaucoup de fidélité – dans les intonations, les accents, les rythmes – sur scène, leur composition et leur interprétation leur confèrent une dimension nouvelle (ironique, musicale…).
Ainsi Joris Lacoste cherche-t-il à faire émerger l’« étrange harmonie »[68] des divers éléments ici assemblés, de créer un ensemble cohérent (si ce n’est une unité), celui de l’œuvre, à partir d’une multiplicité de singularités, qui est celle du monde. Une problématique qui constitue – nous l’avons vu – l’une des voies de la choralité telle que traitée sur les scènes théâtrales contemporaines. Une choralité qui tisse ensemble des voix multiples produisant chez l’auditeur le même effet que « l’espace stéréophonique » du café mentionné plus haut : dans ce café, Joris Lacoste serait en position de regard extérieur, appréciant la musicalité de l’imbroglio de voix qu’il contemple sans pour autant les hiérarchiser – le café étant à l’image de notre monde, traversé par la multiplicité, les différences voire les divergences mais formant, malgré tout, un ensemble cohérent. Ainsi, Joris Lacoste s’est-il attelé à déchiffrer le brouhaha qui nous environne pour lui donner de l’audibilité et ainsi livrer un « portrait sonore de notre monde »[69].
Un tel travail n’est pas uniquement formel ou purement esthétique : il a un aspect politique, à sa manière, qui constitue l’une des dimensions des choralités contemporaines. Lors d’une discussion informelle que nous avons eue avec Joris Lacoste après le bord de scène, le 22 octobre au TnBA, il se disait fatigué par une vision réductrice d’un théâtre politique qui serait la réponse à tous les questionnements sur l’art théâtral mais qui est, pour lui, archaïque. Pourquoi considérer que le théâtre pourrait avoir un impact social comme au temps de la Grèce antique alors que notre société n’est plus la même et que les études sur les pratiques culturelles des français[70] tendent à montrer que le théâtre est une pratique minoritaire. Son travail, qui a lui aussi une dimension politique, consiste dès lors à (re)créer un « vivre ensemble » scénique par le travail de choralité allié à l’effort de diversité et de mise en réseau des paroles qu’il a sélectionnées. Nous appartenons à un monde « interconnecté », « mondialisé », où tout est accessible, où les paroles futiles se mêlent aux paroles graves. C’est de ce contexte que Joris Lacoste voulait rendre compte, tout en suscitant l’émotion dans le futile et le rire dans le grave. Les limites entre les discours sont peu à peu effacées, et l’idée de fable unificatrice écartée pour laisser place à un spectacle fait de fragments du réel qui renvoient aux excès et aux beautés de notre société ; un spectacle qui fait tenir ensemble une hétérogénéité extrême et montre ainsi la cohérence ou l’harmonie que notre esprit peut créer, par le processus d’ « harmonisation », pour appréhender le réel.
En outre, ce « flou » des limites atteint même la figure du comédien. Son identité est perdue ou du moins diluée au milieu de ce flot de paroles auquel il prend part de manière intermittente. Le comédien n’est plus locuteur d’une seule parole mais de plusieurs, très diverses ; et les paroles qui lui sont attribuées n’appartiennent pas qu’à lui seul mais à l’ensemble choral des comédiens qui interviennent, séparément ou ensemble, leurs paroles se soutenant ou se parasitant les unes les autres. Le chœur (ici réduit à un quintette) serait-il donc chez Joris Lacoste un espace de dissolution de l’individualité ?
b) L’individualité et la collectivité
Dans Suite n°2, il n’y a pas de personnages, mais des instants de parole, des fragments de discours et des situations. On ne peut retrouver ni dans le jeu, ni dans le discours, une identité aux contours fixes et définis, une individualité établie et préservée. Ainsi, le jeu des interprètes s’écarte de toute psychologie – l’une des caractéristiques principales du personnage théâtral « conventionnel » –, de toute caractérisation psychologique des locuteurs des paroles portées à la scène. De plus, chaque discours n’est lui-même pas protégé dans son individualité : il peut être coupé ou éclipsé par d’autres paroles qui viennent perturber ou influencer son écoute comme sa compréhension (on pense notamment au discours politique en portugais qui dure près de 10 minutes et se trouve combiné, tout au long de son énonciation, à de multiples autres paroles).
Ainsi, les paroles s’imbriquent, se confondent les unes dans les autres, de même que les comédiens, à travers différents procédés : partage à plusieurs voix d’une même partition, superposition des voix et/ou des paroles... Et le « chœur », quand il se constitue (il ne cesse de se former, se déformer et se transformer) regroupe les multiples paroles et les divers comédiens en un tout. Ainsi, le spectacle commence-t-il avec la parole d’un commentateur de boxe américain qui annonce le match, prise en charge par tous les comédiens : chacun, avec ses nuances, crée les harmoniques qui donnent au chœur une grandiloquence correspondant bien à l’image que l’on peut avoir d’un commentateur de boxe « à l’américaine ».
Pourtant, l’identité individuelle n’est pas totalement effacée au sein du groupe qui, on l’a dit, s’avance et se retire, se compose, se décompose et se recompose tout au long du spectacle. Certes, les comédiens bougent et se déplacent très peu ; il n’y a donc pas affirmation d’une identité propre par la posture ou la démarche, ni expression d’une multiplicité d’individualités au sein d’un même corps, qui reste assez neutre dans sa traversée par différentes paroles. Visuellement, que le comédien parle en allemand, en français ou en arabe, il se présente sous un même corps, une même présence et un même timbre ; mais ceux-ci sont déjà en eux-mêmes vecteurs d’individualité. La singularité individuelle des interprètes s’exprime malgré tout, sans volontarisme, sans effort de distinction, par ce que dégage le travail vocal et corporel de chacun, par des états de corps et des gestes qui marquent les rythmes, les sons, les accents toniques de la parole (comme, durant l’extrait de la réclamation téléphonique en espagnol, le mouvement de bras répétitif exécuté par Emmanuelle Lafon qui ressemble à celui du chanteur battant la mesure en claquant des doigts).
Ainsi, bien qu’il n’y ait plus de personnages, les identités subsistent encore, même altérées. Ces identités sont un outil pour faire résonner les sonorités des phrases, des langues et des discours, un instrument de la musicalité (dont notre article a déjà traité) ; le comédien n’est plus dans une interprétation-incarnation, il ne doit plus se montrer, se mettre en avant sur une scène mais laisser place à la parole dans ce qu’elle a de musical, de rythmique. On retrouve donc là l’effet de désingularisation-resingularisation qui est recherché dans certaines choralités contemporaines, que nous citions plus haut : l’apparition, à travers le travail de groupe, d’un autre type de singularité individuelle que celle, psychologique, du personnage ou que celle, « starifiante », du comédien-performeur seul en scène. Le personnage principal (unique ?) et la star de Suite n°2 restant indéniablement la parole, inépuisable.
Notre article, qui s’achève à présent, visait à transmettre des connaissances sur la choralité et la musicalité de la parole dans Suite n°2, permettant de nourrir les questions que le débat du krinomen va soulever. La séance sera pour chacun l'occasion de discuter avec d'autres spectateurs de ce qui fait de ce spectacle une expérimentation de la parole et de l'effet qu'il produit sur qui assiste à cette expérience. Pour structurer l'échange, le groupe d'animation va d'abord questionner les étudiants sur L’Encyclopédie de la parole, c'est-à-dire leur demander leur avis sur l'évolution des spectacles qui constituent cet ensemble, le sens et l’intérêt d’une telle démarche encyclopédique. Le deuxième axe de la discussion interrogera la dimension performative du spectacle, d'une part l'action performative de la parole, d’autre part celle des comédiens, interprètes de/face à cette parole-action. Enfin, le débat portera sur la dramaturgie et le sens, ou la cohérence, de Suite n°2, que l’on analysera en regard des catégories classiques du théâtre dramatique.
SOURCES
Bibliographie
- Sur Joris Lacoste et Suite n°2
Joris Lacoste, « Entretien avec Joris Lacoste », propos recueillis par Marion Siéfert pour le Festival d'Automne à Paris, Dossier de presse de Suite n°2.
Joris Lacoste et Nicolas Rollet, « L'impossible tout et les parties multiformes », propos recueillis par Margot Dacheux et Frédéric Maurin, in Alternatives Théâtrales n°119, « Le Grand Format », novembre 2013, p. 63-66.
Joris Lacoste, « L'événement de la parole », propos recueillis par Bruno Tackels, in « Place aux écritures ! La "parole vive" du théâtre », in Mouvement n°14 (supplément), octobre-décembre 2001.
Joris Lacoste, Introduction à W, conférence donnée le 17 octobre 2007 aux Beaux-Arts de Paris (retranscription intégrale de la conférence disponible sur le site Internet des Laboratoires d'Aubervilliers, URL de référence : www.leslaboratoires.org/content/view/213/lang.fr/).
- Sur la parole
François Jullien, Si parler va sans dire, Paris, Seuil, 2006.
Valère Novarina, Le Théâtre des paroles, P.O.L., Paris, 1989, et Devant la parole, Paris, P.O.L., 1999.
Lydie Parisse, "Dramaturgies contemporaines de la parole - Perspectives pour le français langue étrangère", in Synergies France, n°8, 2011, p. 115-123.
Michel Corvin, « Pour une réception "musicale" du théâtre contemporain », in Communications, n°83, « Théâtres d’aujourd’hui », 2003, p. 123-130
Muriel Plana, « Le modèle musical dans les théories de la mise en scène au XXe siècle », communication dans Le modèle dramatique et la question des genres, séminaire « Poétique historique des genres » animé par Céline Bohnert, Université de Reims Champagne-Ardennes, 8 juin 2010.
Christophe Triau, « Choralités diffractées : la communauté en creux », in Alternatives théâtrales n°76-77, « Choralité », janvier 2003, p. 5-11.
Sitographie (sur Joris Lacoste et Suite n°2)
Site officiel de Joris Lacoste : www.jorislacoste.net
Site officiel de L'Encyclopédie de la parole, présentant la collection des documents sonores (dont ceux utilisés pour Suite n°2) dans son intégralité : http://www.encyclopediedelaparole.org/
[1] « Expérience d’hypnose collective au théâtre », entretien avec Joris Lacoste, in Le Monde, 12 novembre 2011, et site Internet de Joris Lacoste, http://jorislacoste.net/#
[2] S.n., Présentation de Joris Lacoste, Répertoire des auteurs de la Chartreuse [en ligne], URL de référence : http://repertoire.chartreuse.org/auteur827.html, et et site Internet de Joris Lacoste, http://jorislacoste.net/#
[3] « Ou, plus précisément, quelqu’un qui agit sachant qu’il est regardé avec quelqu’un qui regarde ce quelqu’un qui agit sachant qu’il est regardé ». Jeanne Revel, Introduction à W, conférence donnée avec Joris Lacoste le 17 octobre 2007 aux Beaux-Arts de Paris, URL de référence : www.leslaboratoires.org/content/view/213/lang.fr/
[4] Joris Lacoste, Introduction à W, art. cit.
[5] Joris Lacoste, « L'événement de la parole », propos recueillis par Bruno Tackels, in « Place aux écritures ! La "parole vive" du théâtre », Mouvement n°14 (supplément), oct.-déc. 2001
[6] Ibid.
[7] Joris Lacoste, « Entretien avec Joris Lacoste », propos recueillis par Marion Siéfert pour le Festival d'Automne à Paris, Dossier de presse de Suite n°2, p. 4.
[8] Joris Lacoste, « L'événement de la parole », art. cit.
[9] Ibid.
[10] Dont le premier volet, Suite n°1 ABC, a été programmé par le festival Chahuts et joué au TnBA en juin 2013.
[11] Joris Lacoste, « Entretien avec Joris Lacoste », art. cit.
[12] Joris Lacoste et Nicolas Rollet, « L'impossible tout et les parties multiformes », propos recueillis par Margot Dacheux et Frédéric Maurin, in Alternatives Théâtrales n°119, « Le Grand Format », nov. 2013, p. 63-66
[13] Marie-Christine Vernay, Présentation de Suite n°2, site Internet du Théâtre de Gennevilliers, URL de référence : http://www.theatre2gennevilliers.com/2015-16/fr/saison/2-joris-lacoste-encyclopedie-de-la-parole