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Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).

Compte rendu de krinomen - Capter les spectacles de théâtre

 

 

 

Krinomen du jeudi 15 octobre 2015 animé par : Pauline Foures, Emma Gassie, Ninon Jamet, Margot Leydet-Guibard, Rachel Masurel et Cyril Teillier

 

Compte-rendu rédigé par : Gala Moreau et Ivana Raibaud

 

 

Ce krinomen se déroule en deux séances :

 

La première séance se déroulait le 8 octobre. Elle consistait en la diffusion d’une captation réalisée par Dominique Thiel. Pour la sélection de celle-ci, il fut alors proposé à l’équipe du krinomen de choisir parmi six captations de ce même réalisateur.

 

Notre choix se portait sur Les étourdis de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff. Il comportait une dynamique dans les plans comme dans les mouvements des personnages ainsi qu’un aspect comique. Avant le visionnage, nous avertissions les étudiants à rester bien attentifs à la construction des plans de la captation, de manière à ne pas être distraits par le récit et garder un œil critique. Pour les étudiants, ce visionnage a permis une première approche à la captation et a servi d’appui pour la rencontre prévue la semaine d’après.

 

La seconde séance a lieu le 15 octobre. Elle porte sur « Capter les spectacles de théâtre » avec comme invité Dominique Thiel, réalisateur de programmes courts, de documentaires, d’activités événementielles et de reportages journalistiques.

 

 

Pour introduire ce krinomen, les animateurs n’ont pas souhaité faire d’animation spectaculaire. A la place, un diaporama est projeté sur une bande sonore[1]. Images, citations et vidéos se succèdent, reflétant ce qu’évoque la notion de captation et le travail de Dominique Thiel pour l’équipe du krinomen.

 

 

Nous remercions Dominique Thiel pour sa présence. Par la suite, il nous apporte des précisions sur son métier.

 

Avant de filmer des spectacles, Dominique Thiel est réalisateur dans différents domaines dont l’institutionnel, l’évènementiel, la production de films d’entreprise ; il est par la même occasion monteur. De fil en aiguilles, il rencontre Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff et réalise pour eux Les Deschiens[2] sur Canal+[3]. Cette collaboration l’a mené dans un domaine qu’il ne connaissait pas vraiment, et même s’il appréciait beaucoup le milieu du théâtre, la captation de spectacle restait nouvelle pour lui.

 

 

Ces propos nous amènent à nous questionner sur la nature de la captation de spectacle…

 

Dominique Thiel en détache alors deux aspects : un réalisateur de captations est à la fois auteur et technicien. Pour le métier d’auteur, la création réside dans ce qu’il apporte aux spectacles comme il est représenté sur la scène. Dans le travail de technicien, il faut toujours restituer le plus fidèlement possible le travail du metteur en scène, car la base première est le spectacle tel qu’il est mis en scène.

 

Nous enchainons sur l’annonce du déroulé du krinomen en précisant la projection de différents extraits de captation réalisés par notre invité, durant la séance. Le premier axe de la discussion est également annoncé : la Présence / Absence.

 

Le premier extrait ouvrant la séance provient d’Instants critiques[4] de François Morel.

 

Dans cette pièce les comédiens Olivier Saladin et Olivier Broche se glissent à travers la peau de Jean-Louis Bory et Georges Charensol, critiques des années 70 dans l’émission Le masque et la plume. Leurs discussions sont ponctuées de danses et de musiques interprétées par Lucrèce Sassella. Dans l’extrait diffusé, les deux critiques sont en pleine discussion sur l’érotisme au cinéma, notamment dans le cinéma japonais. Cette captation a été tournée en avril 2013 à la Pépinière Théâtre à Paris. Ce qui est pertinent dans cette extrait c’est qu’il dépeint la globalité des plans utilisés par les cadreurs dans l'ensemble de la captation. Nous retrouvons le plan d'ensemble, le plan rapproché sur les deux personnages, ainsi que les gros plans sur chacun des personnages.

 

Le deuxième support est extrait du spectacle Les étourdis de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff[5].

 

La captation a été réalisée au Théâtre National de Chaillot, par Dominique Thiel de la Compagnie des Indes. L'action se déroule dans une espèce d’entreprise où se côtoient ses différents membres un peu loufoques. Le décor suggère que nous sommes dans les années 1970, par le choix des objets (notamment en plastique) ainsi que les couleurs vives que nous retrouvons également dans les costumes. L’extrait diffusé expose la scène d’ouverture. Il commence par un lever de rideau nous dévoilant le décor. Un personnage est déjà en place, le chien Lubie. La diffusion d'une musique se déclenche, arrivent alors deux hommes par la porte à jardin ; ils s'installent à côté du chien, chacun un verre à la main. A cour, entre un troisième homme qui se met à danser de manière déjantée sur la musique. Il continue jusqu'à la fin du morceau puis il sort. Les deux autres qui étaient assis boivent leur verre, puis sortent également. Un des deux personnages revient et appelle le chien, qui part à l'opposé.

 

A travers cet extrait, nous pouvons observer différents choix de prises de vue permettant d’exposer au mieux la pièce. Nous remarquons différents plans rapprochés sur les personnages qui sont réalisés au moment d’effectuer une action, de parler, ou de se déplacer. Nous n’apercevons donc pas toujours la totalité des personnages sur scène. Ici, le réalisateur privilégie l’action. Cette scène d'ouverture aussi, est très vivante par la danse délirante traversant le plateau. De ce fait, la captation est rendue elle aussi plus active et attractive puisqu'elle suit le mouvement du personnage, comme le ferait l’œil humain.

 

Survient la problématique du temps. Le théâtre étant un art du présent, beaucoup de metteurs en scène insistent sur l’importance du public. Nous penchons donc sur l’aspect paradoxal que peut avoir le recours aux captations, et demandons aux étudiants (avec en souvenir le visionnage de la semaine dernière) comment ils se positionnent face à une captation.

 

L’un des étudiants rappelle la situation dans laquelle nous étions la semaine dernière (durant la captation du 8 octobre). Situation complètement différente ; nous nous trouvions dans une position de confort et non d'attention et c'est là qu’un problème faisait surface selon lui. Il précise de son point de vue, préférer tourner la tête et suivre les personnages dans une salle de théâtre plutôt que de subir des changements de plans sur un écran. C’est à ce moment qu’il évoque la notion de respect régnant dans une salle de théâtre, en effet durant un spectacle, il nous faut être disponible, éteindre son téléphone et rester assis durant la durée complète. Cependant devant une captation, nous sommes plus libres et pouvons plus facilement être happés par des éléments extérieurs. Cette liberté nous prive de cette attention plus intense qui nous anime devant une représentation théâtrale.

Dominique Thiel confirme que le théâtre est un art du présent, lorsqu’une relation s’établit avec le spectateur. Pour lui, la captation est toujours réductrice puisque, dans une salle, le regard peut se promener, notre attention se porte où nous voulons, sur les détails, sur les éléments de décor… La télévision est réductrice, elle ne prend pas en compte cette notion de respect (fixée par les conventions du théâtre qui consistent à maintenir le spectateur à l’écoute du moment présent sur scène) qui s’impose dans une salle, ce n’est pas la même chose de se retrouver chez soi (plus grande liberté). Avec la captation, il est toutefois possible d’apporter une dimension supplémentaire au téléspectateur : en salle, la position fait varier la qualité d’écoute et le regard. La captation peut offrir un confort visuel à la fois dans l’image et dans le son.

Il suggère d’ailleurs que la meilleure situation pour analyser une captation d'un spectacle, est d’aller voir la pièce au théâtre et ensuite regarder le film réalisé à partir de celle-ci. Une captation réussie permet de voir la subtilité du jeu de l'acteur et de la mise en scène et les détails qui nous échappent lorsque nous sommes spectateurs dans une salle de théâtre. De plus, avant chaque tournage, il va voir et revoir le spectacle dans sa globalité afin de pouvoir travailler sur les plans, les angles de vues etc… ce qui donne des découvertes. Selon lui, le travail est de retranscrire un maximum de subtilités au téléspectateur.

 

Une étudiante partage son ressenti en exprimant l’idée que nous hiérarchisons l’objet filmé, avec ce qui pourrait manquer et ce que cela pourrait apporter. Personnellement, elle affirme les voir comme deux objets à part entière.

Le réalisateur approuve, tout en évoquant que nous pourrions regarder le théâtre avec des caméras très haute définition, mais en ayant malgré tout les contraintes de la représentation du public. De plus dans son travail l’objectif est d’arriver à trouver les endroits qui gênent le moins (pour placer les caméras) et qui donneront un aspect cinématographique. Il utilise également des caméras télécommandées à quelques endroits de façon à ne pas gêner le public.

Une étudiante réagit en complétant que cela peut nous permettre d’apprécier davantage la représentation. Elle énonce la captation Il Silencio[6] de Pippo Delbono où le personnage joue réellement avec la caméra. Il s’adresse face à la caméra, au téléspectateur. Elle évoque alors la question d’une dimension esthétique.

Dans la contrainte de représentation en public, notre invité nous révèle qu’il choisit les meilleurs angles et mobilise les meilleures places. Il avoue même que cela a quelque chose de l’ombre de la « recréation ». Pour le cas de Pippo Delbono c’était un parti pris spécifique en vue d’une captation. Pour Dominique Thiel c’est un peu différent. La plupart du temps, il arrive sur des spectacles qui ont déjà beaucoup tourné. Il se trouve alors dans un contexte de reproduction publique, où les acteurs ne vont pas jouer différemment de ce qu’ils ont l’habitude de faire. Il est obligé de se plier à certaines règles. Les comédiens jouent pour le public. Lui, avec ses caméras. Mais il n’impose en aucun cas au metteur en scène quelque chose de différent. Autrement c’est ce que nous appelons de la « recréation ».

Il nous évoque Vous êtes mon sujet[7], sur France 2, une pièce qui a été jouée trois fois et qui est maintenant terminée. Il en ressort que la particularité de ce type de pièce fait que ce sont des créations faites pour être montrées uniquement aux téléspectateurs. Dans ce cas, la pièce est financée pour le téléspectateur. Se crée donc une vraie distinction entre la captation et la recréation. Dans un cas où nous devons nous adapter, dans l’autre on nous propose des idées.

 

A ces mots, nous nous demandons si notre invité a déjà réalisé des captations sans public.

 

Pour Instants critique sur France 2, pour culture box (site internet de France télévision), il remarque avoir tourné deux fois dans la même journée. Une fois en public, et une fois entre les deux des moments filmés hors publics, car il éprouvait quelques difficultés dans la pièce pour trouver des cadres. Il y a certains plans qu’il ne pouvait réaliser qu’avec une caméra sur scène car il était impossible de la cacher dans la coulisse. Généralement l’espace de jeu au théâtre c’est la scène. Dans le cas de Slava's SnowShow[8], où des clowns investissent la salle pendant l’entracte, montant sur les fauteuils etc., une double implantation était nécessaire : pour la scène et pour la salle. Ce type d’installation oblige de libérer toute la salle. L’intérêt était d’être près de la scène. Il fallait alors douze caméras, ce qui est difficile à réaliser puisque cela condamne un nombre important de places. Le réalisateur a alors couplé un autre tournage avec public.

 

Dans la captation Les Etourdis, nous remarquons que le public était très présent par le rire, de ce fait nous interrogeons Dominique Thiel sur sa manière de travailler avec le son qu’impose le spectateur.

 

Notre invité nous informe que des micros sont dissimulés sur les lointains, sur les côtés et dans les décors, ce qui lui permet presque de récréer une sensation d’immersion, comme au milieu d’une salle. Ensuite il essaie de tendre à la dissimulation des micros cravates sur les comédiens comme nous pouvons souvent le remarquer à l’opéra, où des micros sont parfois cachés dans les cheveux des chanteuses et des chanteurs. C’est ce qu’il essaie d’amener au théâtre. En prenant l’exemple qu’un comédien se retourne simplement, le son n’est plus le même, il peut y avoir des pertes. Mais souvent ce n’est pas dans le budget du théâtre. Cela demande du travail avec les costumiers, notamment avec changement de costumes qui rend la tâche plus compliquée. Pour ce qui concerne les effets dans le public, il n’a jamais rajouté de rires à une captation. Néanmoins, il a déjà légèrement renforcé des rires pour donner un peu plus de « couleur ».

 

Le deuxième axe de la discussion est lancé : la captation / le live. Il se succède par la diffusion de deux extraits.

 

Le troisième extrait est issu d’Un petit jeu sans conséquences de Jean-Dell et Gérald Sibleyras, mis en scène par Stéphane Hillel.

 

Un petit jeu sans conséquences est une pièce ayant reçu cinq Molières en 2003. Cette captation a été réalisée au Théâtre de Paris en avril 2015. Elle a été diffusée sur France 2 à l'occasion des Molières.

 

François et Claire décident de casser leur image de couple modèle auprès de leurs proches en annonçant une fausse rupture. Seulement les réactions sont inattendues et ils sont très vite pris à leur propre jeu. Dans l'extrait choisi, Claire est en discussion avec l'ennemi d'enfance de son « ex mari », François. Ce dernier semble faire du charme à la belle Claire fraîchement célibataire. Ils sont filmés en parallèle par Benoît le mari de Sylvaine.

 

Cet extrait a attiré notre attention car la captation joue un véritable rôle dans la vision de l'action. En effet, la caméra se positionne à travers le regard du personnage en train de filmer la scène dans le texte ; nous avons donc l'impression de voir les images filmées a l’instant même par Benoît, le mari de Sylvaine. Ce va et vient entre la caméra de Benoît et celle du caméraman (que nous pouvons associer aux yeux du spectateur) nous fait voyager dans divers espaces : le grand jardin avec tous les invités, et un positionnement plus intimiste autour des deux protagonistes. De ce fait, cette captation dans son ensemble joue, par son passage de plans larges à des plans resserrés, sur cet aspect de la pièce qui mêle intimité et collectif.

 

Le quatrième extrait provient de Cocorico de Patrice Thibaud, mis en scène par lui-même et par Michèle Guigon et Susy Firth.

 

Cette captation a été réalisée par Dominique Thiel au Théâtre National de Chaillot.

 

Cocorico livre un panel de ce que peut être le métier de comédien, passant par toutes les drôleries et facéties possibles, sans négliger l'importance de la présence physique sur scène. En effet, Patrice Thibaud n'utilise que peu la parole ; il parle tout aussi bien avec son corps. Ce dernier arrive sur scène avec une valise, dont il sortira une marionnette humaine. Petit à petit, le pantin deviendra indépendant dans son expression et ses mouvements.

 

L'extrait choisi se situe dans la deuxième moitié du spectacle, un instant où Patrice Thibaud adapte son corps à toutes les musiques possibles (interprétées par Philippe Leygnac). Et ce, jusqu'à l’épuisement, où le danseur décidera de remettre le musicien dans sa valise. Malheureusement, cela ne suffit pas à rompre le rythme qui habite Philippe Leygnac.

La captation joue avec plusieurs jeux de caméra qui répondent à la complexité de la vision, par la lumière basse ainsi que le visionnage des deux personnages. Le réalisateur doit faire le choix de ce qu'il va et veut montrer, se concentrer sur un personnage ou se focaliser sur les deux. Il utilise pour cela des plans larges et des plans rapprochés nous permettant un meilleur aperçu des visages et expressions des acteurs ainsi que leur complicité.

 

Surpris à la suite de cette diffusion de Cocorico, Dominique Thiel nous informe que l’extrait visionné est une version destinée à la régie. L’écart entre cette captation et une captation professionnelle est intéressant car il nous permet de relever des détails ne fonctionnant pas dans la captation. Ainsi, lorsque la valise se rapproche du piano, la relation des deux personnages se perd. De surcroit, il souligne la présence de zones d’ombres et non visibles à l’image. Quand nous n’avons jamais vu le spectacle, des scènes nous échappent, ce qui peut être gênant. Le métier de réalisateur de captation est basé sur une grande précision sans laquelle un spectacle ne peut être saisi complètement.

 

La semaine précédente nous avions demandé aux étudiants d’être attentifs à la façon dont la captation était filmée. Il nous intéresse de savoir s’ils sont parvenus à observer une technique de réalisation, ou s’ils se sont fait happer par le spectacle.

 

Intervient un étudiant déclarant qu'en tant que spectateur, selon la captation de la semaine dernière, il aurait voulu voir la relation entre trois personnages en même temps. Le découpage de chacun dans un plan nous fait perdre de la simultanéité que l’on peut avoir à ce moment-là.

 

En partant de cela, le réalisateur détache quatre dimensions importantes pour la captation :

 

1. Le point de vue : nous pouvons être à n’importe quel endroit de la salle, nous avons 1/25 de seconde. L’objectif est de proposer au téléspectateur le meilleur angle de prise de vue. Et c’est quelque chose qui ne sera jamais possible pour un spectateur dans la salle. L’angle est instantané.

2. La proximité : quand nous sommes dans une salle, le geste qui, la grimace, la mimique… que nous ne voyons pas forcément, la captation peut la récupérer. C’est le moment où le théâtre rejoint la fiction.

3. Le rythme : aujourd’hui avec l’écriture télévisuelle, tout va vite. C’est comme si il n’y avait plus d’écriture. Devant la télévision, nous pouvons nous questionner : « mais pourquoi changent-ils de plans, cela me sort du discours de cette personne, je comprends moins… » Tout est rapide dans le mode de la consommation. Le rythme a cette dimension qui apporte quelque chose de différent. Il cite en exemple La Mouette filmée à Avignon, qui présentait un plan séquence de huit minutes, ce qui n’existe plus.

4. Le mouvement : dans un lieu extérieur, le public fait partie du décor. Pour en rendre compte, on positionne des grues pour les travelling et des slidecams[9]. L’image est comme un ballet avec une dimension filmique que nous n’aurons pas dans la salle. Nous pouvons longer en travelling ou encore voler dans une salle…

 

Pour continuer, nous nous intéressons au rapport entre le réalisateur et le metteur en scène, ainsi, nous interrogeons notre invité sur la façon de travailler avec un metteur en scène.

 

Il déclare que cela dépend des metteurs en scène, la plupart font confiance d’autres sont plus réticents. Généralement, il s’installe en régie avec un casque sur les oreilles et observe le résultat. A l'issue du tournage, il demande les notes du metteur en scène, ensuite il effectue un travail à la table avec ses cadreurs. Après le montage il envoie toujours une copie au metteur en scène.

A présent, si un metteur en scène souhaite intervenir c’est souvent pour voir la réaction d’un comédien ou demander un plan large. Les actions sont généralement simples. Il faut aussi savoir qu’il existe des metteurs en scène qui sont hermétiques à la captation.

Dominique Thiel évoque un des plus beau compliments que l’on lui ai fait durant sa carrière. Ce fut une parole de Jan Fabre, artiste associé au festival d’Avignon 2005, avec L'histoire des Larmes[10], une pièce tonitruante, une œuvre plastique comportant des longueurs de textes. Il n’était pas content car sa pièce était une création, ce n’était pas un outil. Lorsque Dominique Thiel a fait la captation de son spectacle, il l’a raccourcie. Jan Fabre lui a confié : « ta captation est mieux que mon spectacle ».

 

Nous rebondissons en faisant allusion à la captation qui serait par conséquent une oeuvre à part entière, ce à quoi notre invité répond que dans ce cas oui, il a effectué des coupes et proposé une nouvelle version de son spectacle. En tout cas, rappelait-il, c’est ce qui va rester pour le travail de Jan Fabre : son oeuvre à travers la vidéo, c’est un plasticien… La trace de ce spectacle, c’est la version montée, autrement plus personne ne le verra jamais. La trace filmée est importante, si nous devions voir ce spectacle nous verrions la version montée.

 

Après cela, un étudiant énonce l’événement théâtre et son importance.

 

Notre invité révèle que de l’argent est investi et qu’il implique un diffuseur, une audience… En 2008[11] une de ses captations a réalisé la plus grosse audience de l’année, ce qui indique que ce type de proposition fonctionne, qu’une captation théâtrale peut marcher. Deux, trois millions de téléspectateur lui attribuent cette importance. Ce qui est fondamental, c’est cette mise en danger : créer un évènement télévisuel.

Pour la préparation, le réalisateur note que tous les réalisateurs ne travaillent pas comme cela. Premièrement, ils sont très peu de spécialistes en spectacle vivant en France. Dominique Thiel prépare beaucoup, pour une création il est aux répétitions, aux générales, il y va tous les jours. Pour une pièce qui a été jouée trois cent fois, il s’y rend une ou deux fois. Il fait ensuite un plan de travail à l’aide d’un plan large de la scène, puis seconde par seconde il dissèque tout, et décide de ses plans. C’est ainsi qu’il réalise une « partition » avec un premier plan et un dernier plan qui découpe le spot. Il travaille avec un scripte qui donne des ordres aux cadreurs, quant à lui il coordonne le tout. Le réalisateur s’apparente en fin de compte à un chef d'orchestre avec ses musiciens (les cadreurs). Chaque cadreur détient une fiche sur laquelle il a les numéros de plans, il sait ainsi quand il va se retrouver à l’antenne. De plus, le découpage est conçu à la fois pour le direct et pour le montage par la suite. Cela représente un gros travail de préparation, avec de petites « fenêtres de libertés ». Pour faire en sorte qu’à l’arrivée tout soit fluide, que cela s’enchaine sans de trop gros plans et de faux raccord. L'objectif est d'offrir aux téléspectateurs une bonne lisibilité de la pièce.

 

Le troisième axe de la discussion est partagé : Les usages de la captation, à la suite duquel un dernier extrait est projeté.

 

Le cinquième et dernier extrait est issu de Bien des choses, réalisé par François Morel. Ce spectacle a été filmé à l'Espace Jean Monnet d'Athis-Mons, en mai 2008.

 

Il met en scène une correspondance entre deux familles : les Rouchon et les Brochon. Par le biais de cartes postales, ils racontent leurs vacances aux quatre coins du monde. François Morel et son acolyte Olivier Saladin nous font part de situations drôles et loufoques vécues par ces familles.

 

Dans l'extrait choisi, François Morel tombe sur des cartes composées de photos d'un chien puis d'un chat. Il les montre à Olivier Saladin qui est persuadé qu’il s'agit des animaux de son compagnon, alors que ce dernier lui affirme le contraire. Il tombe ensuite sur une carte un peu particulière représentant deux femmes nues. Il l'amène à Olivier qui croit voir la femme de François et qui finit finalement par faire disparaître la carte... dans ses propres affaires.

 

Nous pouvons voir que la captation de cet extrait oscille régulièrement entre des plans rapprochés sur chacun des personnages quand ces derniers parlent. Les plans plus larges permettent de montrer des interactions corporelles entre eux.

 

Le vidéaste doit adapter son travail suivant les spectacles qu'il capte. Survient alors une interrogation portant sur les différentes contraintes lorsqu’on capte pour la télévision, pour une compagnie ou pour internet.

 

Dominique Thiel souligne que, pour une compagnie, le but est de retenir une trace, une mémoire du spectacle. Il lui est arrivé de donner un plan de travail, un plan large pour permettre le travail du metteur en scène. Toout dépend des moyens, l’audience maintenant internet et la télé se retrouvent pratiquement à égalité. Les budgets ne sont pas les mêmes.

En conclusion cette séance fut animée par les nombreuses réponses qu’apportait Dominique Thiel à nos interrogations, tout en étant ponctuée par les réactions des étudiants.

 

A partir d'extraits projetés, de questions posées, nous avons traité plusieurs axes autour de la captation théâtrale : le recours à la captation, le travail de réalisateur et sa relation avec le metteur en scène et enfin, l'usage même de la captation. Dominique Thiel nous a précisé ses objectifs : en tant que réalisateur de spectacle, il désire montrer aux téléspectateurs des détails de jeu, de mise en scène, que les spectateurs n'auraient pas pu remarquer dans une salle de théâtre. Il nous a, par la suite, expliqué les « coulisses » de son métier, comment faire une captation avec des positionnements de caméras complexes, de mauvaises prises de sons, ainsi que tout son travail avec les monteurs, les scripts et le metteur en scène. Il nous a bien précisé la relation existante entre le metteur en scène et lui car, dans le biais d'une création, ce dialogue se révélait primordial.

 

 

 

[1] Michel Fugain, C’est la fête, 1993, reprise par Catherine Gavrilovic, Les étourdis de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff.

[2] Les Deschiens est une série télévisée créée par Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, diffusée sur Canal + entre 1993 et 2001.

[3] Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, Les Deschiens et Qui va m’aimer, programmes courts mis en images de 900x3’ et les 7 Best Of - CANAL+ / CANAL+VIDEO, 1993-2004.

[4] Instants Critiques mis en scène par François Morel, avec Saladin et Olivier Broche, spectacle créé en 2011 et enregistré à La Pépinière Théâtre en 2013 pour France 2, Paris, La Compagnie des Indes.

[5] Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, Les Etourdis, Théâtre de Chaillot, Direct France 4, La Compagnie des Indes, 2005.

[6] Il Silenzio est un spectacle créé et mis en scène par Pippo Delbono en 2000. Il fait part de la mémoire lié au tremblement de terre qui a dévasté la cité de Gibellina, en Sicile en 1968. Le spectacle est présenté au festival d'Avignon en 2002.

[7] Didier Van Cauweleart, Vous êtes mon sujet, mis en scène d'Alain Sachs, avec Gérard Darmon, Julie-Marie Parmentier, Philippe Lelouche... Création en direct sur France 2, Théâtre de la Garenne, Neutra Production, 2005.

[8] Slava Polunin, Slava's SnowShow, filmé en 2D et en 3D relief (sortie en télédiffusion et multidiffusion, salles de cinéma), Arte TV5 monde, Orange Tv, Théâtre Silvia Montfort, La Compagnie des Indes, 2010.

[9] Caméras disposées sur de petits rails permettant de balayer un espace, se retrouve notamment dans les stades pour filmer les matchs.

[10] Jan Fabre, L'histoire des Larmes, Cour d'honneur du Palais des Papes, Festival d'Avignon, 2005.

[11] En 2008 Dominique Thiel reçoit le Grand Prix du Club HD et le Prix de la meilleure captation de spectacle au HD Film Festival de Paris pour Ola Kala un spectacle des Arts Sauts.

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