Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).
Article en cours de réécriture
Les collectifs sont des groupes d’artistes qui se réunissent afin de mener à bien des créations de projets théâtraux. Ces artistes sont en accord artistiquement les uns avec les autres. Afin de véhiculer leurs projets, ils ont pour ambition de combiner plusieurs disciplines artistiques. Les collectifs prennent la plupart du temps une forme d’association type loi 1901 à but non-lucratif. La direction artistique est souvent assumée directement par les membres du collectif. Pour certains collectifs, ce mot définit avant tout leur manière de travailler au plateau. Tout le monde est très actif selon sa spécificité. Il s’agit de mutualiser les compétences au sein du collectif et de mêler des univers divergeant.
Selon un article publié dans la revue l’Express par Etienne Sorin, le 22/03/2011 : « "Tuer" le metteur en scène, c'est ce à quoi s'adonnent aujourd'hui les collectifs de théâtre qui reviennent en force sur les planches. A ne pas confondre, évidemment, avec les troupes de théâtre. Celles-ci sont structurées et hiérarchisées. Alors que ceux-là réunissent des artistes qui prennent leur destin en main, considérant le comédien comme un auteur/créateur travaillant dans une sorte d'autogestion démocratique. »
Mettre en scène ne va pas sans se confronter à l’exercice du pouvoir. Pouvoir que l’on peut rêver d’exercer seul, renforcé par une vision de l’artiste solitaire et omniscient ; ou pouvoir que l’on partage dans cet exercice à plusieurs qu’est toujours le théâtre, ou les collaborations sont multiples. Pourtant l’acteur et le metteur en scène vivent en complices la même aventure théâtrale, sur des plans différents. Avec le mouvement des collectifs, la dialectique habituellement à l’œuvre entre le metteur en scène d’un côté et les autres collaborateurs de l’autre est radicalement contestée.
Les collectifs œuvrent. A l’issue de cette première décennie du XXIe siècle, bien morose en termes de politique culturelle et défaillante du point de vue des engagements et des luttes communes, force est de constater que bon nombre de jeunes compagnies se réclament du collectif, même si les cas de figure semblent être aussi divers que les groupes. Si le processus de production détermine l’identité artistique, si l’idéologie n’est pas dans le matériau mais dans la forme que l’art utilise, alors que signifie aujourd’hui travailler en collectif ? De quelle image du monde, de quelle parcelle de ce paysage théâtral éclaté, de quelle conception de la collectivité se réclament ces groupes qui se disent « collectifs » ? Il existe parfois, une relation qui se forme avec un metteur en scène, comme c’est le cas du Collectif OS’O qui fit appel au metteur en scène David Czesienski pour la création de Timon/Titus. Toutefois le metteur en scène tranche et prend des décisions finales, mais son nom, moins répandu que celui du collectif, est loin de laisser dans l’anonymat les autres membres des collectifs. Ces derniers n’agissent pas dans l’ombre d’un leader charismatique incontesté. Incontestable point de référence, c’est en constatant le système hiérarchique qui est au cœur du fonctionnement ; ils sont à eux seuls auteurs, metteurs en scène, dramaturges, comédiens et non plus simples interprètes ! Nombreux sont les collectifs qui ont rompu avec le metteur en scène, et revendiquent le partage de sa fonction au sein du groupe, ou sa disparition pure. Ils forment un véritable contre modèle des théâtres institutionnels.
Comment tente-t-on de redéfinir la fonction du metteur en scène dans ces aventures collectives de créations ?
Au-delà de cette idée que le collectif « tue » les metteurs en scène, on peut s’interroger sur la place de l’individu au sein même d’un collectif.
Dans un groupe de création qui se définit comme collectif, que devient l'individu dans sa personnalité, son unicité et sa conscience individuelle ? Le nombre fait souvent la force et celle que l'on peut atteindre en s'unissant, en mélangeant les idées et les pensées, les moyens d'agir, est indéniable. Mais lorsque l'on fait ce choix en matière de création artistique, qu'advient-il de l'individu au sein de ce collectif ? Il est certain que ce mode de création qui place chaque membre au même plan, au même niveau d'importance, va jouer avec l'individualité même des membres. Est-ce qu'en étant dans le collectif, l'individu se voit obligé de céder, de sacrifier un peu de son individualité, de son intériorité, devoir abandonner un peu de soi, de ses idées, de ses désirs, afin que cette union puisse prospérer ? Pour autant, est-ce forcément une mauvaise chose de pouvoir confronter ses idées à ses égaux (hiérarchiquement) et voir celles-ci être limitées, critiquées ou peut-on en tirer plus qu'une simple frustration, sentiment basique de l'individu face à la vie collective ? Au contraire, est-ce qu'une structure telle que le collectif permet à l'individu, dans ces confrontations d'idées, de pouvoir se découvrir, s'épanouir pour évoluer et ainsi développer son intériorité ?
A partir de la question de la place de l’individu dans le collectif, se pose alors la question de l’image du collectif. En effet, le fait que l’individu devienne une collectivité peut donner une image positive et valorisante du groupe.
Le collectif est un mode d’organisation de la mise en scène qui existe depuis environ cinquante ans. Au fil des années, la structure de création a naturellement donné naissance à un moyen de financement. La question qui se pose par rapport à une structure comme celle-ci est : s’afficher en tant que collectif est-il vendeur ?
Peut-on dire que le collectif offre une image médiatique ? Cette structure pourrait être utilisée pour donner une bonne image du groupe. L’image que renvoie ce terme de collectif offre une certaine valorisation au groupe qui peut aller bien sûr jusqu’à une valorisation du spectacle. L’idéologie offerte par cette structure donne en effet un côté plus humain qui touche plus souvent le spectateur. Du coup, on peut penser que le collectif s’inscrit dans une stratégie de diffusion.
Cette idée nous permet d’interroger la place du spectateur. Est-ce que ce qu’on perçoit est différent s’il s’agit d’une performance offerte par un collectif ?
L’image que renvoie un collectif donne, comme nous l’avons dit précédemment, un côté plus humain, plus proche du public. On peut évidemment penser que la proximité offerte par cette structure pourrait éventuellement modifier la perception qu’aurait le spectateur du spectacle qu’il viendrait voir. Lorsque l’on interroge certaines personnes, elles disent que lorsqu’elles vont voir des performances de collectif, elles se sentent dans un environnement plus convivial. Il n’y a pas la distance mise par la présence d’un metteur en scène. Ils excusent plus facilement les erreurs qui peuvent se produire et apprécient d’autant plus le spectacle car ils ont toujours en tête que le groupe qui joue devant eux a créé ce spectacle ensemble.
Le collectif est donc une structure de création théâtrale au sein de laquelle chacun apporte quelque chose. Chacun apporte ses compétences pour une création commune. Toutefois, cette structure semble pour certains être une menace pour le métier de metteur en scène et peut-être même être un problème au niveau de l’individualité même de l’artiste. Pourtant, le spectateur s’attache à ce genre de groupe artistique. C’est pourquoi on peut s’interroger aujourd’hui sur le but réel des collectifs. Cette structure est-elle réellement bénéfique pour la création artistique ou est-ce plutôt pour l’empathie des spectateurs ?