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Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).

Article pour le Krinomen - 4 de Rodrigo Garcia

Article pour le Krinomen - 4 de Rodrigo Garcia

(Article en cours de rédaction)

 

Spectacle présenté du 16 au 18 mars 2016 au TnBA

 

Article rédigé par : Mathieu Cuomo, Sarah Ben AMor, Sarah Gandon, Steven Laporte, Romain Bedon, Elodie Thévenot, Pauline Millet et Mélissa Lahalle.

 

Rodrigo Garcia est un artiste hispano-argentin. Il est auteur, metteur en scène, dramaturge et scénographe. Avant de s'engager dans le théâtre il a fait des études de communication ce qui influence énormément son esthétique et son imaginaire, liés à la publicité (il utilise notamment beaucoup de références populaires). Très tôt, il affirme son identité théâtrale avec le Teatro Pradrillo, un espace interdisciplinaire où est favorisé le croisement entre le théâtre, l'art plastique la musique et la danse. En 1989, il fonde son Carniciera Teatro, littéralement : « La Boucherie Théâtre ». Non seulement en référence à la boucherie familiale dans laquelle il a grandi mais surtout c'est tout un programme qu'il annonce. Il suit le même chemin lorsqu'il devient le directeur du Centre Dramatique National de Montpellier en 2011, Le Théâtre Des Treize Vents qu'il rebaptise Humain Trop Humain.

 

 

Inspiré par les dramaturges de l'absurde et par des auteurs argentins fortement marqués par la dictature, il revendique un travail de création qui cherche à dépasser et déconstruire les formes du théâtre traditionnel. Ses créations, souvent provocatrices suscitent chaque fois la polémique. On se souvient entre autres des attaques des associations pour les défense des animaux n'appréciant guère la mise à mort d'un homard dans Accidens ou encore l'intervention de groupuscules catholiques pour Golgota Picnic. R.Garcia est habitué à ces scandales, il en fait sa marque de fabrique. Les uns ressortent de la salle de théâtre comblés et séduits pas la poésie de R. Garcia, s'autres taxent le spectacle de violent, vulgaire ou raté. Son travail se veut esthétique, politique et direct. Rodrigo Garcia apostrophe la société occidentale en questionnant ses modèle, ses excès, son moralisme et son mode de consommation à travers des objets spectaculaires flirtant plus avec la performance (vidéos, arts plastiques, happening) qu'avec le théâtre traditionnel.

 

 

4, comme quatre acteurs et autant de coqs en baskets, est une succession de tableaux sans continuité apparente. Le spectacle commence avec l'entrée des comédiens attachés les uns aux autres par une toile d'araignée où pendent des grelots, vient ensuite une partie de tennis sur un mur où se trouve projetée L'origine du monde de Gustave Courbet, un guitariste à tête de coyote, les volatiles, deux petites filles en talons grimées comme des top-modèles, un samouraï, un drone, deux comédiens sur un savon géant et enfin des plantes carnivores.

 

Sans discours pour les accompagnés, ces images ne sont pas toujours lisibles pour le spectateur. Rodrigo Garcia dit lui-même que « La recherche du thème appartient au spectateur, ce sera son passe-temps, devoir déchiffrer ce qui dans la pièce lui semble familier ou évocateur. ». (cf. Retranscription bord de scène)

 

 

 

Une pièce sans question ni réponse

 

La façon dont est mise en scène cette pièce (encore faut-il s’accorder sur le terme de pièce de théâtre...) montre une certaine insouciance du metteur en scène. Comme il le dit lui-même : « Je n’ai pas vraiment d’explications, j’aime ça » en parlant des coqs en basket sur scène. Rodrigo Garcia ne prête pas vraiment attention aux questions qui entourent son œuvre, il peut en discuter mais ne saurait s'en expliquer car il n'a tout simplement pas de réponse : « En fait, je n'arrive pas à expliquer mon œuvre et ses objectifs car je développe des thèmes, un style, mais pas de questions auxquelles on doit répondre. » Difficile pour le spectateur, parfois démuni, de déchiffrer une signication. Il ne peut pas non plus s'aider du texte pour trouver un fil conducteur car à l'image du reste du spectacle, cet élément n'est pas mis en lien direct avec les scènes présentées.

 

Certains disent que Rodrigo Garcia ne prête pas attention au contexte dans lequel baigne son œuvre, ainsi qu’aux conséquences qu’elle peut engendrer. A une femme qui lui reprochait de ne pas réfléchir à ce qui est montré aux lycéens, R. Garcia répond : « Je fais vraiment la distinction entre ce que vous venez de dire et la littérature de fiction. Je n'ai pas arrêté de lire Céline parce qu'il a écrit son pamphlet sur les Juifs, de même que Heidegger quand on a découvert qu'il avait une affiliation nazie. Moi je sépare tout ça. Je revendique la fiction, je créé de la fiction. » (cf. Retranscription bord de scène)

 

Tel un enfant construisant son imaginaire à travers tout ce qui lui passe par la main, R.Garcia construit sa pièce de la façon la plus insouciante qui soit. Libérée de tout objectif et intérêt, l’œuvre peut dès lors se concentrer sur l’expérience plutôt que sur le résultat.

 

 

 

 

RETRANSCRIPTION DU BORD DE SCENE DU JEUDI 17 MARS 2016

POUR 4 DE RODRIGO GARCIA

 

Retranscription : Elodie Thévenot

 

(Précision : Rodrigo Garcia parlant espagnol,

ce sont les propos de la traductrice qui sont retranscrits ici.)

 

 

Pourquoi le choix de ce titre, 4 ?

 

Rodrigo Garcia : Il a à voir avec la cabalistique, avec la musique aussi (la 4ème symphonie de Beethoven dans le spectacle), avec le nombre de poulets présents sur scène mais surtout avec le nombre d'acteurs, avec lesquels j'ai déjà pas mal travaillé. Ce sont des coïncidences au final donc ça ne veut rien dire non plus. J'aime ce titre parce qu'aucun spectacle ne le porte.

 

/!\ Indication pour la question qui suite : Le jeudi soir, le spectacle s'est déroulé d'une manière particulière. En effet c'est une jeune lycéenne mineure qui a été « choisie » pour la scène des sacs de couchage.

 

Que pensez-vous de la culture du viol ?

 

R.G : Cela a à voir, a un lien avec la pornographie ?... (question répétée et un peu plus explicitée) Je ne comprends pas la question. Ma poétique scénique se base sur un mélange de genres. La représentation du sexe féminin (comprendre la scène de l'Origine du Monde où un des acteurs envoie des balles de tennis avec sa raquette contre un grand panneau où une partie du tableau de Courbet est projetée, ici un sexe de femme) aurait pu aussi bien être remplacée par un sexe masculin mais ça n'aurait pas eu de sens : simuler la pénétration avec le tennis ça ne marche que pour un sexe de femme. Je n'ai pas conscience de faire quelque chose d'agressif par rapport au public. C'est ma poétique et ma liberté. Le public a le choix d'aimer ou pas mon œuvre.

 

J'entends que vous avez cette poétique et ça m'étonne que ça vous est égal, que vous n'avez pas d'empathie alors que vous êtes dans la signification.

 

R.G : Non [je ne suis pas dans la signification], sinon je ferais des spots de publicité ! En tant qu'artiste, je veux livrer un travail obscur, avec de l’ambiguïté. Je pense que le public peut avoir son opinion, son avis, il peut être fâché et j'aime la discussion.

 

/!\ La question suivante fait directement référence à la scène des sacs de couchage.

 

Mais en tant qu'artiste on est responsable de la violence qu'on créée, nous sommes dans un contexte patriarcal, vous n'avez aucune responsabilité, ça renforce la culture de l'homme au pouvoir.

 

R.G : Ma responsabilité c'est d'être libre. Vous pointez du doigt mes lacunes. Dans la culture dont vous parlez c'est inévitable c'est ma carence. Mais c'est ma liberté, et dans ce cas on peut citer aussi Céline, Musil, Cervantes, Dante, Bukowski, Miller... C'est votre choix de trouver ma littérature détestable.

 

Vous créez un mur de communication, il n'y a pas de partage, c'est ma sensation.

R.G : Non, je profite de ce temps avec vous.

 

Pourquoi prendre une fille du public et l'enfermer dans un sac de couchage ? Où est l'intérêt, l'objectif ? En quoi ça rend le propos intéressant ?

 

R.G : Ce qui m'attire c'est l'imprévisible, l'incontrôlable, ce genre de participation publique a déjà été faite.

 

Non, vous contrôlez tout !

 

R.G : Le dialogue [des deux personnes enfermées dans les sacs de couchage] est vif, inespéré et moi j'aime le thème stupide de la conversation. Le « doggystyle » (levrette) est un bon exemple de sujet stupide. Pour moi c'est très drôle, c'est naïf, cela me fait rire.

 

Vous n'y êtes vraiment pas, renseignez-vous sur la culture du viol ! (réaction virulente d'une spectatrice qui quitte la salle en colère)

 

Réaction de la comédienne : Mais non, c'est différent chaque soir, des fois c'est hommes de 60 ans, des fois des jeunes filles mais c'est différent, c'est rigolo !

 

Vous contrôlez tout de l'extérieur ! [inviter des spectateurs à danser la Cumbia sur le plateau puis en prendre un à parti et « l'obliger » à rester sur la scène]

 

R.G : Merde, c'est un jeu !

 

Et les coqs sur scène ? [où est l'intérêt ? L'objectif ?...]

 

R.G : Je n'ai pas vraiment d'explication, j'aime ça.

 

Depuis quatre questions, vous dîtes « je fais ça comme ça car c'est marrant et on n'a rien comme objectif » , moi j'ai besoin d'une vraie explication !

Autre intervention d'un spectateur en réaction avec celle-ci : Mais pourquoi vouloir chercher une explication ? Pourquoi vouloir tout comprendre, tout expliquer ? Si on n'aime pas c'est comme ça !

 

...

 

Le texte a t-il été édité ?

 

R.G : Non pas encore, car il est très récent.

 

Réponse à la question précédente :

 

R.G : En fait, je n'arrive pas à expliquer mon œuvre et ses objectifs car je développe des thèmes, un style, mais pas de questions auxquelles on doit répondre.

 

Je suis d'accord, car pour en revenir à la scène des sacs de couchage, de la sexualité aussi en général, pour moi le spectacle a abordé le thème, la question du plaisir féminin, et pas du tout celle de la culture du viol...

 

...

 

Est-ce un vrai savon de Marseille sur scène ?

R.G : Oui et il pèse réellement une tonne.

 

Quand vous parlez de liberté, notamment par rapport à Céline [Louis-Ferdinand], je pense qu'on n'est jamais totalement libre de ce qu'on fait, pour moi vous n'avez pas conscience de la portée de certaines images que vous diffusez. On peut montrer ce qu'on veut mais on ne peut pas oublier ou en tout cas ne pas prendre en compte les conséquences. Vous avez pensé aux répercussions sur les lycéens ? Vous êtes-vous demandé « pourquoi j'ai présenté ça ? »

 

R.G : Je fais vraiment la distinction entre ce que vous venez de dire et la littérature de fiction. Je n'ai pas arrêté de lire Céline parce qu'il a écrit son pamphlet sur les Juifs, de même que Heidegger quand on a découvert qu'il avait une affiliation nazie. Moi je sépare tout ça. Je revendique la fiction, je créé de la fiction. Et je trouve ça moins violent que ce qui peut apparaître à la télévision ou dans le cinéma commercial.

 

Justement, la fiction n'est pas censée avoir d'effet [dans le réel] sur le spectateur.

Autre intervention public en réponse à celle ci-dessus : Dans ce cas, censurez tous les livres !!!

Nouvelle intervention public appuyant la première : Vous avez pas conscience des possibilités de conséquences en fait.

Dernière intervention public qui tranche les deux points de vue : Je pense qu'on a chacun notre passé, notre représentation [des choses], ça renvoie à un paysage intérieur, il n'y a pas de vérité à proprement parler.

 

Rodrigo Garcia ne s'exprimera pas et ainsi s'achèvera le bord de scène.

 

 

 

 

 

En attendant 4 - Rencontre avec Rodrigo Garcia - Université Paul Valéry - Montpellier 3 - Paris 3.

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