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Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).

"Come Out, pour sortir de son placard", par Pierre Puech

Critique de Come out, de Jérôme Batteux, Cie Les Petites Secousses

 

 

«  20h30 Palais omnisports de Paris Bercy. 20 000 spectateurs surexcités.

Les lumières s’éteignent. La foule clame ».

 

 

Ainsi commence le spectacle Come Out de la compagnie Les Petites Secousses. Plaisant mensonge puisque la salle intimiste de la Boîte à Jouer ne comporte qu’une soixantaine  de places.

Quant au public, il ne clame pas. Pas encore.

Le théâtre fait salle comble et deux dates supplémentaires sont annoncées.

 

 

Jérôme Batteux, metteur en scène de Come Out, ses deux comédiennes et ses deux comédiens avaient participé en 2013 à l’écriture et au tournage de quatre scènes de théâtre afin de créer une plateforme interactive sur le site internet d’Arte France sur le sujet du coming out. L’idée était intéressante mais les maladresses de la plateforme étaient nombreuses. S’il eut été facile d’arrêter l’aventure ici, c’est plein de curiosité que je découvre le spectacle amorcé par les vidéos.

 

C’est une famille.

Une famille comme on en trouve partout.

Une famille comme les autres.

Il y a Maman. Trop imposante.

Il y a Papa. Trop invisible.

Il y a Pauline. Trop ignorée.

Il y a Olive. Trop différent.

 

C’est une famille au quotidien. Une famille où on ne parle pas en dehors des banalités. On parle de l’école, des camarades, du passé regretté de Maman, des tendres plaisanteries de Papa. Jusqu’au jour où Olive parle d’autres choses.

- "Je suis pédé" -

"Come Out, pour sortir de son placard", par Pierre Puech

 

Prenant connaissance du sujet nous pourrions attendre de Jérôme Batteux qu’il prenne la voie d’un théâtre éducatif, au risque de devenir légèrement moralisateur. Mais il nous épargne le personnage trop attendu du méchant adolescent homophobe. Au lieu de cela, ce sont les actes homophobes qui sont pointées du doigt et non leurs auteurs/trices. Nous pourrions aussi nous attendre, nous public, à la généralisation de diverses expériences en une seule, et à des personnages paresseusement stéréotypés. Il n’en est rien car, dans Come Out, la généralisation ne se fait pas sur la différence mais sur les points communs. La difficulté de compréhension entre les générations, par exemple, est une expérience commune a beaucoup de spectateurs/trices.

 

 

         La scénographie n’a rien d’exceptionnel. Deux simples cubes blancs sont posés sur scène et trois kakémonos destinés à la projection sont accrochés en fond de scène. Le seul effet notable de la scénographie est l’utilisation d’une ampoule multicolore qui surprend un peu le/la spectateur/trice. Cependant, le jeu d’acteur/trice est tel qu’il compense largement cela. La diction des comédien-ne-s est impeccable et chacun-e semble trouver sa place sur le plateau sans écraser ses semblables.

 

         On parle du monospace, du chien, du partage des corvées et c’est cela Come Out. Le sujet principal n’est pas l’homosexualité mais bien le quotidien ; la différence n’existe qu’en parallèle à la norme. C’est d’ailleurs toute la force de l’écriture de Jérôme Batteux qui nous offre une part du monde, une part de lui peut-être et sans doute une part de nous-mêmes. Le texte n’est pas réservé à un spectateur homosexuel ou ayant côtoyé l’homosexualité puisque le coming out dépasse ici celui d’un jeune homme. C’est toute une famille qui sort du placard. Deux actrices et deux acteurs qui laissent apparaître le mal-être de chaque personnage, le besoin de s’exprimer que rien n’empêche mais que personne n’autorise. Par exemple, toute une scène est consacrée à la séparation des deux parents et cette séparation n’a pas pour but de dramatiser l’histoire. Elle sert en fait les premiers/ères concerné-e-s, à savoir les personnages de Papa et Maman. Ainsi l’action se décentre du jeune homme et révèle toute la richesse de ce spectacle.

 

 

         Oui, le spectacle de Jérôme Batteux mérite d’être vu, car il ne réduit pas le coming out à un simple devoir d’homosexuel-le. Il le présente plutôt comme une alternative à l’acceptation de nos peines et de nos différences. Et peut-être aidera-t-il certain-ne-s à sortir de leur placard, qu’ils soient artistes, spectateurs/trices, homosexuel-le-s ou non.

 

 

Pierre Puech

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