Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).
Le Jeu de l'amour et du hasard. Marivaux. Mise en scène de Laurent Laffargue
Spectacle présenté le mardi 1er Mars 2016 au Galet, Pessac
Article rédigé par : Charmila Abou Achiraf Ali Bacar, Chloé Bidau, Cassandre Duflot, Emma Gassie, Laura Jouannel, Jeanne Lartaud, Nassourania Soilihi et Maxime Suaire
Nous avons vu ce Mardi 1er Mars, au Galet à Pessac, Le Jeu de l’Amour et du Hasard, texte de Marivaux publié en 1730 et mis en scène en 2016 par Laurent Laffargue. Il n’est pas étonnant de retrouver le metteur en scène girondin dans cet « exercice de style ». En effet, dès le début de sa carrière, Laurent Laffargue se démarque par son traitement des œuvres du répertoire auxquelles il consacre une grande partie de son travail. En outre, c’est avec des textes de Marivaux, Molière ou Feydeau qu’il commence sa carrière. Ce qui n’étonne pas non plus, c’est l’utilisation de tournettes comme élément scénographique. C’est l’un des procédé les plus récurrent de son esthétique ; on le retrouve notamment dans Molly Bloom, son précédent spectacle.
Concentrons nous maintenant sur le texte et son auteur. La pièce reçoit un accueil élogieux ; dès ses premières mises en scène en Janvier 1730, la pièce connaît un succès populaire et critique qui envahit tout l’Europe. C’est notamment en Allemagne que Le Jeu de l’Amour et du Hasard rencontre le plus franc succès. Elle sera d’ailleurs déclinée en deux traductions : Die Verkleidung (Le Déguisement) ou Maske fûr Maske (Masque pour Masque). La pièce de Marivaux reste jusqu’à la fin du 18° siècle un des textes les plus représenté et adapté en Europe, à cette époque. Elle est d’ailleurs, encore aujourd’hui, le texte le plus mis en scène, et le plus populaire de Marivaux.
Néanmoins, le texte devient, au cours du 19° siècle, un exercice d’exhibition pour les jeunes acteurs et actrices qui veulent faire leurs preuves. On les dirige dans un style très outré qui est en correspondance direct avec le style italien (La Comedia dell’arte).1 En outre, beaucoup de jeunes actrices en « vogue » ont endossé le rôle de Sylvia (Mademoiselle Mars ou Mademoiselle Plessy par exemple) ; ce rôle étant un des grands rôles féminins du répertoire car il est le premier rôle à montrer les enjeux de la condition féminine dans la vie amoureuse. À bien des égards, on peut considérer (aussi par provocation) les œuvres de Marivaux comme profondément féministes2. Il est d’ailleurs intéressant de voir dans quel contexte agit cet auteur pour souligne les enjeux de son écriture.
Marivaux (Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux de son vrai nom) s’impose comme un grand auteur -polymorphe- du 18° siècle, contemporain du siècle des Lumières. Il est autant romancier que journaliste ou auteur dramatique. Marivaux né en 1688 à Paris où il mourra à l’âge de 75 ans. Marivaux est souvent jugé comme un témoin-sociologue essentiel de l’étude des mœurs et la sociologie amoureuse. Ce sont les thèmes récurrents de ses pièces abordés par le prisme du travestissement et de la crise identitaire (L’île aux esclaves ; Les fausses confidences ; La Double inconstance, etc.) Il se démarque dans son écriture par une esthétique tiraillée entre la fougue et la sophistication ; cette sophistication lui vaut cependant d’être parfois jugé frivole ou superficiel. On retient d’ailleurs de son nom le terme « marivaudage » -terme néanmoins galvaudé 3- qui qualifie, aujourd’hui, un excès de finesse (excès présent aussi dans le genre « précieux »4).
On retrouve souvent dans les -approximativement- quarante pièces que nous a laissées Marivaux un semblable renversement des hiérarchies sociales au travers de l’idée du travestissement. En ça, on peut déceler chez Marivaux une certaine contestation sociale qui s’opère par la crise identitaire dont nous parlions plus haut. Les personnages se retrouvent souvent face au dilemme amoureux induit par leurs conditions sociales. Face à ces dilemmes sentimentaux, le travestissement amène un ressort comique lié aux situations burlesques et aux quiproquos. Néanmoins, chez Marivaux, cette contestation sociale est très rapidement désamorcée. Cet effet est grandement lié au registre qu’il adopte, la Comédie5. Il n’y a pas d’autres possibilités que la fin heureuse (Don Juan ou le festin de pierre de Molière est quasiment l’unique contre exemple qu’il est possible de citer). La Comédie fonctionne avec une fin apaisée, une fin où tous les conflits et intrigues sont résolus pour qu’enfin les personnages puissent vivre en paix, sortis des méandres, des frasques et enchaînement de quiproquos. Finalement, le renversement social ne s’opère que ponctuellement et n’agit en rien sur le monde, il n’agit que dans un cadre restreint. Les codes rigoristes de la société du 18° siècle n’en sont donc pas réellement bouleversés, car les personnages finalement inscrivent leurs vies dans ces mêmes codes dont ils se sont joués plus tôt. Alors, chez Marivaux, le renversement social n’est qu’un temps de licence, un jeu sans consistance. Le jeu étant souvent porté par des jeunes premiers, on (la bonne société du 18° siècle) peut alors facilement leur pardonner leurs subventions tant que tout est remis à sa place à la fin du jeu.
C’est face à ces enjeux et tout ce contexte que Laurent Laffargue doit faire face. Comment rendre compte de la subversion (plus ou moins effective) de l'œuvre de Marivaux ; comment la traduire pour qu’on la comprenne encore aujourd’hui avec nos yeux du 21° siècle ? Voilà le questionnement de Laurent Laffargue face au texte de Marivaux. Et d’ailleurs, qui est Laurent Laffargue ? D’où vient- il ? Quel esthétique met-il en œuvre ? Il est aussi important de comprendre l’esthétique de ce metteur en scène pour la confronter aux enjeux de Marivaux.
© Victor Tonelli
LAURENT LAFFARGUE
Laurent Laffargue est un acteur, metteur en scène et réalisateur né en Gironde (Bazas). Il a vécu de nombreuses années à Casteljaloux dans le Lot-et-Garonne, ville qui lui inspira, d’ailleurs, deux pièces ainsi qu'un long métrage Les Rois du Monde, sorti le 9 septembre 2015. Après avoir suivi une formation au Conservatoire Régional de Bordeaux, il débute sa carrière dans les années 90. En 1992, à la sortie du Conservatoire, il crée la Compagnie « Soleil Bleu » avec laquelle il continue de travailler à ce jour. La Compagnie Soleil Bleu est conventionnée par l'État depuis 1999. Elle a notamment pour volonté l'insertion des jeunes artistes avec sa cellule de soutien à l 'émergence « La Pépinière du Soleil Bleu ». La compagnie remporta en 2006 le « Molière de la Compagnie » et en 2007 le prix ADAMI des Molières. Ses créations oscillent entre son éternel amour du théâtre classique et sa curiosité du théâtre contemporain. Ses premières créations tournent autour des textes de Marivaux, Molière, Feydeau mais aussi Pauline Sales, Daniel Keene, Harold Pinter, Ingmar Bergman, Luigi Pirandello, Edwardo De Filippo et James Joyce. D’ailleurs, il remporte en 1998 le prix des Rencontres Charles Dullin avec sa pièce Sauvés adaptée de son recueil Entretien avec Edward Bond à la suite de sa rencontre avec le dramaturge et metteur en scène en 1995. Plus tard Laurent Laffargue se frotte à Shakespeare en montant un diptyque qu'il appelle Nos nuits auront raison de nos jours. De 2009 à 2012 il devient associé du Théâtre de la Commune d'Aubervilliers.
Laurent Laffargue met aussi en scène des opéras. Associé à l'Opéra National de Bordeaux, sa première mise en scène d'opéra fut le Barbier de Séville en 1999, s'ensuivit Don Giovanni de Mozart en 2002, Les Boriades de Rameau en 2005 ( à L'Opéra National du Rhin à Strasbourg), La Bohème de Puccini en 2007, Carmen de Bizet en 2010 et enfin Les Noces de Figaro de Mozart en 2012. Depuis ses débuts, le metteur en scène travaille avec les scénographes Eric Charbeau et Philippe Casaban, les créateurs lumières Patrice Trother et Alain Unternehr et le costumier Hervé Poeydomenge.
Le jeu de l'amour et du hasard a été mis en scène en mars 2014 au Théâtre de l'Ouest Parisien. Dans cette pièce de Marivaux, Sylvia et Dorante ont étés promis l’un à l’autre en mariage par leur père, qui sont d’ailleurs de vieux amis. Les deux jeunes fiancés sont effrayés et veulent s'assurer des qualités de leur futur conjoint. Pour ce faire, ils usent sans le savoir du même stratagème pour rencontrer incognito leur destiné(e) : ils endossent les habits de leurs serviteurs respectifs, Arlequin et Lisette, et échangent les rôles. Orgon, le père de Sylvia, au courant de la supercherie, se réjouit du spectacle qui se trame. Lui et son fils, Mario, s’amuseront à tirer les cordes de ce jeu de l’amour et du hasard.
Laurent Laffargue traite cette ronde amoureuse et sociale avec une esthétique « d’aujourd’hui ». Pour lui, cette pièce raisonne encore car notre société, malgré une apparente égalité, une « sois-disant » évolution des codes sociaux, reste cloisonnée. Le journal La Terrasse parle de « Bourdieu avant l'heure ! ». Les jeunes comédiens habillés en tenues actuelles (Par exemple, Lisette porte une robe rose pâle et des baskets de marques assortis ; Sylvia est habillée comme une femme d’affaire : pantalon et blazer noir) remettent aux goûts du jour la pièce la plus jouée de Marivaux sur un espace en mouvement constant composé d’une double tournette représentant les différents états moraux des personnages. Cet intérieur dans lequel ils évoluent fait penser à un appartement « design » et froid. Le mur et le sol sont blanc et ils sont éclairés par une lumière bleutée. L’espace semble alors impersonnel, inhospitalier ; c’est aux comédiens d’y apporter la vie, le jeu.
Dans la suite de cet article, nous allons tenté d’analyser la volonté de Laurent Laffargue de mettre en avant le questionnement social posé par Marivaux pour ensuite le transposer dans notre temps. Nous aborderons aussi la question du travestissement lié à l’idée « du théâtre dans le théâtre » (a fortiori de l’esthétique du masque) avec l’inversion des rôles entre maîtres et serviteurs.
© Victor Tonelli
DESCRIPTION DU SPECTACLE
Commençons d’abord par une description, plus approfondie de ce travail sur la mise en scène du Jeu de l’amour et du hasard. Laurent Laffargue [et son équipe] a choisi de faire évoluer les personnages de l’oeuvre de Marivaux dans un cadre contemporain, les costumes sont des vêtements que l’on peut reconnaître et porter aujourd’hui, le décor quant à lui évoque plus un salon du 21° siècle qu’un intérieur du 18° siècle. Dans notre cadre contemporain, les codes de l’amour, le cloisonnement des classes se sont grandement effacés. Pourtant, aujourd'hui encore, certains signes et codes soulignent une hiérarchisation sociale. On peut donc retrouver l’usage du portable, des vêtements et du mobilier moderne… Cette forte contemporanéité se fond au texte de Marivaux, dont aucune ligne n’a été modifiée pour la mise en scène. La langue de Marivaux n’a pas vieilli, mais Laurent Laffargue la fait résonner dans un monde où le mot liberté est une pierre angulaire pour les pays occidentaux, donc par extension, la liberté d’aimer. « Tout est possible, tout est réalisable… ». En outre, on pourrait croire, à tort, que notre société offre une plus grande ouverture à la mixité sociale, ayant mis fin au cloisonnement des classes sociales. Néanmoins, et c’est ce qu’entend dire Laurent Laffargue dans cette mise en scène du Jeu de l’Amour et du Hasard, le cloisonnement reste encore bien présent.
« C’est toute la mécanique subtile de cette double partition amoureuse et sociale, que je souhaite
mettre en scène, m’appuyant sur les codes actuels. Car bien qu’en apparence plus égalitaire, notre
société reste pourtant cloisonnée. » Laurent Laffargue
Finalement, dans cette proposition de Laurent Laffargue, l’enjeu n’est plus tant de trouver satisfaction dans un mariage qui est d’abord imposé à Sylvia et Dorante, mais bien celui de la rencontre d’où né le sentiment amoureux. C’est d’ailleurs de jeunes comédiens, tout justes sortis d’école d’acteurs (Conservatoire Supérieur d’Art Dramatique et le Théâtre National de Strasbourg). Ce sont ces jeunes acteurs qui se cherchent au plateau et qui découvrent un sentiment nouveau, l’amour. C’est un amour qui effraie car il ne répond pas aux codes auxquels ils doivent correspondre, ce n’est pas leur destiné ; mais un amour qui est totalement fascinant car ce sentiment à réussi à transcender (en apparence) la hiérarchie sociale.
Il y a, dans cette mise en scène, une esthétique poussée du tourbillon, le tourbillon amoureux. La scénographie, nous le disions plus tôt, fonctionne avec un système de double tournette dont le mouvement, de l’une et l’autre, est opposé. Les comédiens sont énergiques, on ressent cette volonté d’emporter l’ensemble du public dans les mêmes sensations. C’est une mise en scène qui crée la complicité avec le public par le prisme d’un sentiment ressenti universel, l’amour.
« Derrière le rire et la danse allègre des mots, se devinent la panique intime et l’âpreté de ce
combat entre soi et soi, jusqu’à ce que la vérité advienne par le mensonge... et le jeu du théâtre »
Les décors sont une création d’Eric Charbeau et de Philippe Casaban représentant la maison d’Orgon. Cette scénographie se module, tourne, change découvrant ainsi plusieurs façades de la maison. La volonté semble donc de représenter la spirale dans laquelle sont pris les personnages, ce mélange entre leur véritable identité, leurs sentiments et leur rang qu’ils doivent malgré tout tenir dans la société. Il y a une plaque centrale et une deuxième qui tourne autour d’elle, les changements de décors sont introduits par une musique douce et entrainante au piano. Les murs aussi sont amovibles, les comédiens les poussent pour moduler à leur aise leur espace de jeu. Ils évoluent sur ces deux plaques tournantes, on pourrait y voir le temps qui passe, rappelant, encore, le tourbillon de l’amour.
Cet espace scénique est intéressant car il permet de donner à voir une multitude de lieux, il est adaptable et changeant. Dans cette conception scénographique, le duo Charbeau/Casaban a mis en avant cette idée de jeu ; la scène est en jeu au même titre que les comédiens. L’espace se modifie selon les envies et besoins des comédiens. Les changements se font toujours avec une douceur qui contraste avec le jeu très énergique des comédiens.
Les costumes sont de notre époque. Les personnages masculins de la pièce sont habillés de manière assez classique : la base pour tous étant le pantalon et le blazer. Mario est le plus sobre, il porte une chemise bleu et une cravate mais il adopte, en contraste, une attitude très maniérée ; Orgon et Arlequin ont, quant à eux, les costumes les plus extravagants : Orgon porte un pantalon et un gilet d’une couleur différente, et Arlequin apparaît avec un style trop habillé pour la vie quotidienne et les chaussures aux motifs léopard amènent la dernière touche de ridicule. Enfin, Dorante, alias Bourguignon, est habillé comme un dandy poète, il a des petites chaussures montantes, un chapeau, il nous renvoie assez clairement à l’image du vadrouilleur, du vagabond stylisé.
Pour ce qui est des personnages féminins, qui ne sont que deux contre quatre hommes, elles ont chacune une identité visuelle très affirmée. Elles se démarquent plus l’une de l’autre que les personnages masculins entre eux. Au début de la pièce, dans leurs costumes habituels, Lisette a un aspect très girly, elle porte une robe rose pâle et des baskets assorties. Elle a une voix nasillarde, elle est pétillante. Elle a l’image du féminin insouciant ; d’ailleurs, dans le texte, Lisette ne parvient pas à comprendre les préoccupations qui habitent Sylvia, sa maîtresse. En outre, le personnage de Sylvia s’oppose, autant visuellement que dans son caractère, à Lisette. Elle apparaît habillée tout en noir alors que sa suivante aborde des couleurs ; elle est sobre, son discours s’articule souvent autour de réflexions intérieures, personnelles. A travers sa tenue, le personnage de Sylvia renvoie à une femme bourgeoise, une cadre, une femme d’affaire. Enfin, un personnage sûr de lui même, de ses convictions. Finalement, on voit bien que les deux personnages féminins de la pièce se démarquent clairement du reste des personnages ; l’histoire est d’ailleurs centrée sur Sylvia, ce qui est très rare pour le 18° siècle. Nous disions plus haut que l’on pouvait considérer l’écriture de Marivaux comme féministe. L’importance donnée aux personnages féminins en est un argument décisif. La seconde chose très importante, c’est que Sylvia est l’un des rares exemples de personnage féminin dans le répertoire classique qui se définit pour lui-même, par lui-même. Elle a ses propres enjeux qui ne dépendent pas des intérêts des personnages masculins. Elle est maîtresse de son histoire et choisit elle-même son destin. C’est justement elle qui décide du plan pour espionner Dorante (bien qu’elle demande l’approbation de son père).
On retrouve dans le spectacle une réelle complexité par rapport aux personnages. Il y a le père Orgon, qui est au courant de tout, il prend un réel plaisir à manigancer les rencontres, à tirer les ficelles sans prendre pour autant de risque car il s’assurera que Sylvia tombe amoureuse du gentilhomme qui lui est promis. Il est subtil mais a cependant du mal à cacher son hilarité devant certaines situations. Ensuite Mario, le frère, s’amuse à faire semblant. Il va jouer le rôle de l’amant de Sylvia pour rendre jaloux Dorante, il a un rôle déconcertant et s’allie très bien avec son père. On retrouve une image de père-fils complice, espionnant et se régalant du spectacle qu’ils ont
organisé dans leur propre maison. Ils sont spectateurs comme nous. Sylvia est une personne torturée entre la raison et l’amour. Elle refuse d’avouer son amour pour Dorante, balance entre son rôle dans sa catégorie sociale et son désir d’épouser une personne qui l’aime vraiment.
Les comédiens adopte un jeu rempli de malice, Arlequin très grossier et exubérant va, ponctuellement, briser le « quatrième mur » en étant dès le début de la pièce dans le public. Il va faire sonner son téléphone portable, arriver sur scène et commencer son rôle de maitre exagéré. Le public a une relation très proche avec les personnages. Les comédiens évoluent autour de nous, le frère nous prend à partie plusieurs fois. Nous connaissons toutes les ficelles de l’histoire ce qui nous permet d’avoir une certaine complicité avec Orgon et Mario, et, a contrario, une certaine empathie pour les autres personnages, pris au piège du jeu de l’amour et du hasard.
CONTESTATION SOCIALE : Le spectacle de Laurent Laffargue face au texte de Marivaux
Le travestissement du Jeu de l'amour et du hasard met en place un échange ludique entre maîtres et valets. D'un côté il y a le duo Sylvia/Lisette face au duo Dorante/Arlequin. La dualité des rapports maîtres/valets amène un caractère ludique duquel le spectateur est complice via les personnages d’Orgon et Mario. Il n'y a pas de suspense réel. Le spectateur est au courant des actions, des enjeux des couples maîtres/valets, mais le comique est amené par le jeu et le dénouement de cette pièce. Ce travestissement pour Marivaux est le moyen de pratiquer une contestation sociale qui se retrouve également dans d'autres pièces de l'auteur, telles que L'Ile aux esclaves (travestissement contraint entre Iphicrate et Arlequin mais aussi entre Euphosine et Cléanthis), dans Les fausses confidences (le travestissement est moins explicite mais transcrit un mépris d'identité entre Dorante et Dubois). Ce traitement du travestissement humoristique peut permettre à Marivaux d’amener une critique de la société par des clichés instaurés et des codes de reconnaissance tels que le vocabulaire, les manies, les costumes, que Laurent Laffargue va également exploiter .
Pour mettre en place toute cette intrigue amoureuse, Laurent Laffargue fait appel à des codes/ clichés tels que Lisette, la coiffeuse de Madame, blonde, costume rose avec un verbiage familier. Lorsque Sylvia prendra son rôle, celle-ci imitera même une façon de parler « vulgaire » dans une posture du corps peu avantageuse ( jambes écartées, corps avachis et façon de parler grossière ). Elle amplifie donc son jeu dans le cliché pour ne pas être démasquée. Mais malgré tout, sa nature profonde finit toujours par ressortir. Les costumes lient dans le détail les personnages. Lisette porte un sous-vêtement léopard assorti aux chaussures d'Arlequin qui est vêtu comme un milliardaire arriviste. Ce dernier n'hésite pas à accepter les verres de Scotch que lui propose le père de Sylvia, drague la bonne ( Sylvia dans le rôle de Lisette ) assez vulgairement, et son apparition est plutôt remarquée par le public. Son téléphone sonne et il répond sans gêne en interrompant le jeu qui se déroule sur scène. Dorante se place comme un observateur dans son attitude mais semble immédiatement sincère vis à vis de ses sentiments qu'il ne tardera pas à dévoiler malgré sa condition sociale. Justement, le fait de trahir sa condition malgré le travestissement pose question. Chez Marivaux, le travestissement opère, non seulement comme un masque, mais aussi comme un dépassement et une contestation de sa condition et des codes qui lui sont affiliés
LE TRAVESTISSEMENT : ou comment renverser la hiérarchie des classes sociales ?
Dans le jeu de l'amour et du hasard, les thèmes de l'amour et du statut social sont omniprésents et conditionnent le jeu . Entre les questionnements des personnages sur leur ressenti, les manipulations du père et du frère de Sylvia qui se jouent du badinage des deux duos et le dénouement, le statut social est constamment mis en avant. Dorante est prêt à tout abandonner pour l'amour. Silvia refuse de suivre les sentiments qu'elle éprouve car elle croit que Dorante est une simple valet. En parallèle, Dorante autorise Arlequin à demander la main de Lisette à condition que celui-ci lui avoue n'être que le valet de Dorante. Lisette, aussi, est contrainte à la même chose par Silvia et son père. Les deux valets amoureux se déclarent leurs sentiments et leur statuts en faisant promettre à l'autre l'amour sans condition. Mais malgré les travestissements : « Il faudra bien qu’ils se parlent souvent tous deux sous ce déguisement. Voyons si leur coeur ne les avertirait pas de ce qu’ils valent » (Acte I ; Scène IV). Alors ici le conditionnement des statuts sociaux est dénoncé avec comique et rebondissements . En outre Arlequin travesti en maître dévoile une volonté de monter en grade. Lisette n'a pas cette prétention. Silvia contrôle ses sentiments au plus haut point et cherche encore à faire prouver son attachement à Dorante une fois l'identité de celui-ci révélée. Et ce dernier semble tiraillé entre la raison et le coeur.
En jouant de l'antithèse Amour/Raison, en jonglant avec la polysémie des mots, Marivaux décortique le paraître, les mensonges, les sentiments et l'appartenance à une classe sociale. Il pousse jusqu'à la caricature l’aspect formel des rapports de classes. C’est finalement dans cette dualité que Marivaux construit sa critique, par des jeux d'amours complexes tournés en dérision.
Cette dérision est présentée par la mésalliance dans cette pièce (mariage entre deux personnes dont l'une d'elle est considérée comme inférieure par sa fortune et/ou par son statut social). Par conséquent ce qui apparaît comme la véritable problématique pour les deux couples qui ont troqués leurs rangs, c’est la frontières qui sépare leur différente classe sociale. C'est la question de cet obstacle qui fait appel aux préjugés. Cet idéal mondain est donc contesté par Marivaux qui dénonce ce conflit entre bonheur et castes sociales. « Vous m’épouserez malgré ce que vous êtes, malgré la colère d’un père, malgré votre fortune ? » est le grand questionnement de Silvia à propos de l'amour qu'elle espère sincère de Dorante. Celuici rétorque : «Mon père me pardonnera dès qu’il vous aura vue ; ma fortune nous suffit à tous deux, et le mérite vaut bien la naissance ». Le spectateur comprend donc que les pères respectifs des maîtres seraient capables d'accepter de telles conditions pour leurs enfants car ceux-ci privilégieraient leur bonheur. En contrepartie, Lisette et Arlequin dénotent un certain naturel dans leur jeu amoureux. Ils sont plus sincères et sont moins soucieux du respect du « protocole ». Mais malgré leur peur de décevoir l'autre, ils ne jugent pas la sincérité de leur coeur. Cela dit, l'argent reste un thème prédominant qu'on constate également avec la réplique d'Arlequin : « Votre dot valait mieux que vous, maintenant, vous valez mieux que votre dot » lorsqu'il connait la véritable identité de Lisette.
Un fin heureuse conclue cette intrigue avec la vérité qui éclate. Les sentiments peuvent être vécus au grand jour, puisqu'au final l'ordre social et les moeurs sont rétablis, comme si les conditions sociales prédéfinissent comment l’être humain doit agir et qui il doit fréquenter. Les adages « l'habit ne fait pas le moine » et « qui se ressemble s'assemble » ont ici une véritable vocation d'être.
© Victor Tonelli
LE THEATRE DANS LE THEATRE
La pièce de Marivaux est une pièce qui laisse place au comique et à l'ironie. Le rire naît ici de la situation du trompeur-trompé, des quiproquos : c’est une véritable farce. L'un pense tromper l'autre en jouant un jeu d'échange d'identité mais en réalité il est tout aussi trompé. Marivaux pousse ses personnages à devenir en quelque sorte des clowns et la mise en scène que propose Laurent Laffargue accentue les détails enfantins et clownesques de l'intrigue.
En effet, on retrouve, dans sa scénographie, un tourniquet, un module que l’on peut trouver dans un parc de jeux
pour enfants. Il y a aussi cette tournette qui permet de faire évoluer le décor et d'obtenir différents plans de jeu. Il y a une véritable ambiance de cour de récréation, où tous les jeux sont possibles, c’est aussi ce qui est porté par le jeu des comédiens. Mais on pourrait aussi dire que cet espace de jeu apporte aussi un côté cirque par le jeu des comédiens. Par exemple Arlequin symbolise à lui seul dans la pièce, le mot comique. Grâce au costume, par exemple, le personnage d'Arlequin est le clown du spectacle, le jeu, empreint de cabotinage, en est son essence. La langue de Marivaux permet de différencier un comique de jeu mais aussi un comique de situations car l'histoire apporte à elle seule le rire. Les duos d'amoureux, Lisette / Arlequin ou encore Dorante et Silvia prouvent
que le rire n'est pas seulement écrit. Derrière une véritable contestation sociale, les duos sont liés au burlesque, c’est à dire lié à la farce, au comique de situation. La mise en scène de Laurent Laffargue met en avant les quiproquos et la place des deux trompeurs trompés. Le comique soulève une opposition des conditions Maîtres / Valets, par l’opposition du langage « précieux » des maîtres et le langage populaire des valets. Le langage trahit dans la pièce la véritable identité des personnage et Laurent Laffargue a mis en évidence cette différence de langage et d’élocution (Silvia à un accent très bourgeois tandis qu’Arlequin parle fort). Les maîtres usent d"une langue poétique et raffinée tandis que les valets ont recours à une langue familière voire maladroite. C'est avec cette accentuation du langage différent que Laurent Laffargue met en évidence le côté enfantin de la pièce qui peut paraître niais mais qui fait preuve d'esprit en parallèle. Cependant, on ne se retrouve pas toujours ancré dans un rire et comique absolue, on traverse la pièce en alternant scènes très comiques et scènes plus grave, dramatiques. Le rire est donc à chaque fois le bienvenu car il permet de libérer la tension accumulée dans les scènes de situations conflictuelles.
La scénographie réalisée par Eric Charbeau et Philippe Casaban permet à la pièce de s'inscrire dans un mouvement chorégraphié et de jeu d'enfant. Elle prend au mot ce que Laurent Laffargue voit de la pièce de Marivaux : l'amour fait tourner la tête et en même temps fait souffrir.
Laurent Laffargue a volontairement choisi de faire tomber le quatrième mur. La salle fait partie intégrante de la scène. En effet, tout au long du spectacle, le public est à plusieurs reprises pris comme témoin. Commençons par le commencement. L'entrée de Silvia et Lisette au début du spectacle se fait par une porte qui se trouve en bas, côté cour, devant la scène. Donc en dehors de l'espace de jeu habituel. Le public est officiellement mis en condition dans l'histoire qui commence. De plus, la scène du Théâtre Le Galet de Pessac, possède une marche sur laquelle les comédiens viennent s’asseoir. Le plus souvent ce sont des réflexions intérieures, des confidences qui se font en avant scène. Parfois même, on retrouve quelques regards pour les spectateurs comme Orgon et Mario qui lisent la lettre du père de Dorante dans laquelle il explique que son fils à eu pour idée de prendre la place de son valet pour voir si la belle Silvia mérite son coeur, ils n'attendent qu'une seule chose, voir la suite de l'histoire. Lors de ce moment on peut remarquer que les deux personnages jouent véritablement avec le public, on est peut-être même devenu un personnage témoin de certaines situations.
Le rapport entre la scène et la salle est alors complètement ouvert à partir de l'entrée d'Arlequin. Le spectacle suit son cours quand soudain, un téléphone sonne dans la salle. A ce moment là, c'est le chaos tout le monde parle, tout le monde est choqué, la personne répond à son téléphone, se lève et finit par monter sur scène. Enfin, après plusieurs passages et regards au public, la pièce se finit comme elle avait commencé, une scène et une salle totalement ouverte. Dorante part dans le public, dans une allée, en disant adieu à sa belle Silvia avant de revenir sur scène et que la pièce se termine. Laurent Laffargue a su donner à son spectacle une idée de partage et de meilleure compréhension de l'histoire en intégrant le public dans sa mise en scène. Le public fait partie intégrante du spectacle et réagit même de façon plus importante aux situations. On est sollicité pour certaines réactions, les comédiens jouent de façon naturelle avec les réactions du public. La salle et la scène ne font qu'un. Il n'y a plus de frontière, seulement un espace dans lequel se déroule une histoire de jeu, d'amour, et de hasard.
L'EFFET MIROIR
La pièce est construite sur une évolution de deux actions en parallèle, celle des maîtres et celle des valet/suivante. Sans le savoir des deux côtés, chacun des maîtres va inverser son rôle avec son valet / sa suivante pour en apprendre plus de son / sa prétendante. Les deux situations, Lisette et Arlequin, mais aussi Silvia et Dorante forment déjà un effet miroir, car le cheminement des deux couples va de la découverte d'un nouvel amour à l'aveu final de leur véritable identité. Pour chacun des deux couples, c'est le prétendant qui avoue sa véritable identité en premier.
La pièce de Marivaux est composée d'une autre pièce : la comédie des amoureux travestis où les uns et les autres jouent un rôle. C'est une sorte de jeu de poupées russes qui emboîte plusieurs situations et plusieurs jeux dans d'autres situations et d'autres jeux. Il y a derrière cet effet de miroir, une similitude des sentiments éprouvés dans l'histoire par les différents couples :
- Lisette alors déguisée en Silvia doit « normalement » rencontrer Dorante, qui est ici en réalité Arlequin. Lisette sous sa condition de suivante tombe sous le charme de Dorante (Arlequin). Pour elle cet amour est impossible car ils ne partagent pas la même condition sociale. Pour Arlequin, déguisé en Dorante, le même sentiment apparaît (l’effet miroir).
- Silvia, travestie en Lisette doit elle aussi, « normalement », rencontrer le valet de Dorante. Elle rencontre donc Bourguignon (qui est en réalité Dorante), les deux tombent réciproquement sous le charme de l'autre. Mais cet amour leur semble impossible (encore une fois l’effet miroir intervient).
Les rapprochements entre les deux couples marquent aussi en plus des différences sociales, les différences dans la manière d'exprimer leur sentiment, ce qui amène le public à être plus attentif au langage des personnages. Un écho différent entre le langage du couple de valet / suivante et celui des maîtres. Les serviteurs tiennent entre eux une conversation plus directe, plus franche et rapide, voir même joyeuse. Ils se retiennent moins par rapport au couple de maîtres qui sont sur la réserve. Ces situations engendrent des quiproquos et larges complications, mais finalement pour peu que les hommes finissent par avouer leur véritable identité, ce sont les femmes qui avouent leur sentiment en premières.
Dans ces effets miroir, on retrouve d'autres effets liés à la condition sociale des personnages, ou encore liés entre les duos féminins et masculins. Un gigantesque jeu de poupées russes dans lequel se perd une histoire d'amour qui finit, malgré tout, bien. Un jeu où tout et tous se mélangent. Laurent Laffargue a su jouer du travestissement doublé dans lequel nait un sentiment d'amour, où les coeurs sont emportés dans une folie enfantine.
Pour introduire l’idée centrale de sa mise en scène, Laurent Laffargue cite un aphorisme de Georges Poulet (1949) "Ce que je sais, c’est ce que je suis. Ce que je ne sais pas, c’est ce que je suis. "
Derrière la contestation sociale et la comédie que présente Marivaux, il faut également lire un questionnement de l'identé, une quête de soi. Il ne faut pas oublier que Marivaux est un écrivain contemporain du siècle des Lumières. La société dans laquelle il évolue est en plein trouble. Au 18° siècle, on est en train de déconstruire les schémas de pensées qui étaient au centre du fonctionnement de cette société. Avec la Renaissance, on repense le rapport de l’individu face au monde, face au divin et à sa loi. Si le courant humaniste a permis de repenser la construction de l’individu à sa société, les pouvoirs en place n’en avaient pas encore été franchement ébranlés. L’Homme de tous les jours est encore asservi par un pouvoir qui légitime son positionnement par le divin, alors même que le divin quitte peu à peu la vie quotidienne (attention, l’influence de la religion reste encore très puissante). Alors, les penseurs des Lumières (Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Diderot,…) vont s’attaquer à l’exercice du pouvoir, levpouvoir royal totalitaire. Mais, où se trouve la place du peuple dans ce grand échiquier si Dieu et le Roi en sont évincés ? Comment expliquer son positionnement ? Pourquoi rester dans la servitude alors même que les hiérarchies sociales ne peuvent plus se légitimer ? C’est ce qui semble commencer à émerger dans l’écriture de Marivaux, la crise du code. Les anciens référentiels disparaissent et il faut maintenant composer avec de nouveaux. C’est donc toute une identité, un référentiel de codes a réinventer ; comment le bourgeois peut se comporter face à l’aristocrate ou face à un homme du peuple ? Ces questionnement, chez Marivaux, tournent principalement autour de l’exercice de l’amour et ce par le prisme du travestissement, du jeu ludique. C’est en abandonnant leurs costumes quotidiens que les personnages de Marivaux abandonnent leurs anciens codes pour tenter d’en porter de nouveaux. Malgré tout, Marivaux ne fait jamais aboutir le jeu qui reste à l’état d’expérience car cette nouvelle construction de code se construit sur la scène avec le double regard du « premier spectateur » (le metteur en scène) et du public. C’est alors aux comédiens de porter le rôle d’un personnage qui se déconstruit, qui ne sait plus comment il doit parler ni agir, c’est aux comédiens de construire malgré la déconstruction. D’où l’idée de théâtre dans le théâtre. Les comédiens jouent des personnages qui jouent des rôles. Par l’attitude cabotine adoptée par les comédiens, c’est le jeu que Laurent Laffargue met en avant.
C’est donc ces enjeux qu’entend défendre Laurent Laffargue avec sa mise en scène du texte de Marivaux. Si, bien sûr, notre société contemporaine est bien loin de celle du 18° siècle, certains enjeux restent encore très présents. Nous aussi vivons une crise globale ; une crise qui nous amène à devoir repenser nos systèmes qui commencent, aujourd’hui, à être perçus comme caducs. Cette volonté de changement s’exprime au travers d’actions militantes ou politiques comme celle du mouvements des « Indignés » ou bien avec le collectif politique « Nouvelle Donne » (les votes allant aux partis nationalistes sont aussi interprétés comme une volonté de bousculer la société). Nous sommes donc dans un contexte dans lequel des mouvements vont contester la légitimité des pouvoirs qui nous gouvernent nous amenant, ainsi, à repenser notre place dans la société. En outre, le symptôme le plus notable d’une crise de soi est la dépression qui est qualifiée comme « le mal du siècle » dans les journaux . Bien que de manière beaucoup plus insidieuse, notre société est régie par une série de codes, de diktats cherchant ainsi à uniformiser le monde. Ce sont peut-être les dérives du système néolibéral. L’école, les grands médias, … apportent une uniformité de pensée. On apprend donc comment être beau, comment être intelligent, comment avoir du succès, réussir sa vie (que l’on définit par la réussite professionnelle et sociale; donc atterrir au bornant social). Ces attentes très fortes ne peuvent convenir à tous et mènent à un sentiment d’échec. C’est justement par cet échec d’être soi comme on l’attend de nous qu’arrive la dépression. Par extension, c’est notamment dans cette réflexion que le texte de Marivaux peut continuer à résonner à notre époque, toujours à travers cette idée du travestissement et de la remise en cause du monde social. Ce pari est-il réussi pour Laurent Laffargue ?
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1 C’est avec la Comédie Italienne qui Marivaux commence à monter Le Jeu de l’Amour et du Hasard. Voir : Micheline Boudet, La Comédie italienne : Marivaux et Silvia, Paris, Albin Michel, 2001, p. 261
2 Argument développé plus bas.
3 Ce galvaudage du mot et aussi dû au fait des cabotinages et lazzis progressivement imposés comme une règle de direction pour les textes de Marivaux au cours du 19° siècle. Voir : Jean Fleury, Marivaux et le marivaudage, Paris, Plon, 1881.
4 Frédéric Deloffre, Marivaux et le marivaudage : une préciosité nouvelle, Slatkine, 1993, 617 p.
5 On entend bien sûr ici La Comédie de Répertoire, « classique ».