Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).
Spectacle présenté au théâtre des 4 Saisons le vendredi 21 octobre.
(c) Denis Tisseraud
Animal Attraction est un spectacle hybride entre théâtre, cirque, danse. La mise en scène est signée Gilles Baron, la scénographie Denis Tisseraud et Gilles Baron. Ce spectacle met en scène quatre artistes, différents de formation et d'interprétation, Phillipe Martz (clown), Zoé Maistre (trapéziste), Christian Laporte (jongleur, lanceur de couteaux) et Julia Christ (équilibriste, danseuse). Mais revenons en au metteur en scène. Gilles Baron est avant tout un homme de cirque venant d'Aquitaine, il travaille au croisement des arts en mêlant théâtre, danse et cirque. Il commençe en tant que danseur classique. Il entre ensuite dans plusieurs compagnies où il est tout d'abord interprète dans une vision beaucoup plus contemporaine cette fois. C'est en 1996 qu'il présente sa première création chorégraphique La Huitième fosse, qui obtiendra le premier prix du concours des sens. Durant plusieurs années, Gilles Baron fait le tour du monde, il crée notamment à Tokyo Jardin du ciel en 1998. Dans la même année, il monte Champ d'étoile pour l'Ecole Nationale des Arts du Cirque de Rosny. En 2003, il est engagé par celle-ci en tant qu'intervenant artistique des techniques aériennes de cirque. Il continue donc son travail en mêlant les différents domaines dans lesquels il a évolué, la danse, le théâtre et le cirque, comme le montre Animal Attraction.
« Je cherche à appréhender le temps de l'intime, à lui construire un écrin pour qu'il se réalise à l'abri de la consommation immédiate de la prouesse formelle. Offrir un corps résistant qui rompt le rapport factuel du corps slogan livrant son accomplissement comme une épreuve photographique révèle l'instant ».
Gilles Baron
Ce qui frappe avant tout dans cette représentation, est l'absence quasi totale de texte, il est comme inexistant, de telle sorte que les artistes ne peuvent s'exprimer qu'à travers leurs arts respectifs et dans une intimité qui rend compte d'un passé vieilli et qui n'a plus lieu d'être. On voit ces quatre artistes dans leur dernier souffle, une sorte de dernière représentation qui nous est offerte, rien qu'à nous. Ces hommes et ces femmes sont déchus, leur art se fane et se fragilise et se perd. Durant le spectacle, ils essayant de redonner un dernier souffle à leur discipline, pour se prouver à eux-mêmes qu'ils ne sont pas encore « has been ». Chacun des artistes tente une dernière fois, à son tour, son petit moment de bonheur. La danseuse ouvre la représentation avec une chorégraphie impressionnante mais, à la fin, elle finit à bout de souffle, complètement exténuée. Vient ensuite le tour du lanceur de couteaux, il se met en place après avoir déroulé son grand tapis rouge, tente de toucher sa cible, mais sans succès. Le clown, quand à lui, tente vainement de faire rire, allant jusqu'à s'énerver à son incapacité de provoquer de réactions chez le public. Pour finir, la trapéziste, incapable d'atteindre son trapèze, se fait alors porter sur un rondin de bois. Elle arrivera finalement à l'attraper mais seulement grâce à l'aide du banc. Bien que ces artistes soient amoindris de leurs talents d'antan, on note une lueur d'espoir par ce dernier geste accompli par la trapéziste. Il y a également la présence d'un masque étrange, celui d'une tête de lion empaillée. La tête du roi de la savane questionne et intrigue. Peut-être le trophée d'une bête qui foulait le sol du cirque autrefois, et à laquelle un des acteurs tente de redonner un soupçon de vie en le faisant parader autour de cette vieille piste qui l'avais accueilli autrefois, lors de ses heures de gloire.
Quand est-il de la scénographie ? Sous nos yeux, se déroule une vieille piste de cirque désaffectée, représentée par de grandes planches de bois dressées à la vertical (espacées par endroits, ce qui permettait l'entrée et sortie des artistes) sur lesquelles on discerne des couleurs fades et froides, s'écaillant de plus en plus, abîmée par le temps. Le sol est recouvert de tapis en plastique blanc (certainement des tapis de danse) qui illuminent le plateau. En avant scène, côté cour, est posée une bûche, sur laquelle sont plantés des couteux de lancer. De l'autre côté (côté jardin) un petit chapiteau blanc (fait avec une matière très légère) qui, on l'apprendra au cours de la représentation, dissimule un petit engin téléguidé, ce qui permet de le faire se déplacer. Un peu plus loin, en fond de scène, un banc noir, sobre et simple, qui va être déplacé au fur et à mesure de l'évolution de la représentation, et à ses pieds, une fiole de whisky. De l'autre côté, accroché aux planches murales, un objet étrange en forme de lamelle de souche de bois qui s'avère être une cible pour le lanceur de couteaux. Une ambiance générale de légèreté se fait ressentir tout au long de la représentation, par la souplesse du corps de la danseuse, les mouvements du lanceur par la préparation de ses armes, le corps de la trapéziste sur son trapèze, également la première image scénique (un voile léger et noir cache la scène où l'on voit les comédiens s'agiter) mais aussi la dernière représentée par le vol de la trapéziste, qui clôture le spectacle avec un fondu progressif au noir total...
Des questions, pour aller plus loin :
Peut-on qualifier cette performance de représentation théâtrale ?
Quel intérêt a-t-on de représenter des artistes déchus dans leur art ?
Qu'apporte le mélange de la danse, du théâtre et du cirque à cette représentation ?
Site de Gilles Baron : http://www.gillesbaron.com/
Article réalisé par Thomas Cassan, Flore Liaud et Léa Roux.