Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).
Au bonheur des tubes, un retour à l’essentiel !
(c) Au bonheur des tubes
Il n’est pas de bon ton, aujourd’hui, d’aimer la variété. Dans une société de plus en plus axée sur le paraître, le snobisme bobo impose sa loi : il convient d’écouter des groupes peu connus et de laisser la musique populaire aux « beaufs » qui ne comprennent rien aux chansons à texte. Tous ces tubes aux mélodies faciles et aux paroles simplistes qui ont fait chanter et danser des générations qui pensaient avant tout à s’amuser, sont aujourd’hui dénigrés par une population qui ne considère plus la musique que sous un angle intellectuel.
Et pourtant… Lorsque Roget Louret et sa troupe des « Baladins » proposent à travers un nouveau spectacle de revisiter les plus grands tubes qui ont fait la chanson populaire des années 70 à nos jours, c’est plus de mille personnes qui font le déplacement et remplissent le stadium de la ville d’Agen.
Rappelons tout d’abord qui sont ces Baladins ; tout a commencé avec Roger Louret, Marianne Valéry et Nicolas Marié qui ont un jour fait le pari fou d’investir Monclar, un village de 800 habitants et d’en faire un pôle de création théâtrale. Ainsi est née la troupe des Baladins qui joue dans les petites villes et les villages à la rencontre d’un public rural. Leurs spectacles musicaux (un Molière et cinq nominations) ont permis de les faire connaître à Paris. Et s’ils y ont désormais leur place, ils n’oublient pas leurs racines et vont régulièrement y donner des représentations comme ici dans la ville d’Agen pour ce dernier spectacle, Au bonheur des tubes.
Au moment où les lumières s’allument, une dizaine de comédiens et de chanteurs font leur entrée. Ils feront vibrer, pendant plus de deux heures, leur voix et leur corps pour rendre hommage à la chanson populaire. De Brel à Goldman, de Joe Dassin à Dalida en passant par Claude François ou encore Abba, plus de 200 tubes sont interprétés sous forme de medley. Dès les premières notes d’une chanson, les spectateurs réagissent, heureux de connaitre chaque morceau par cœur.
Et tandis que quelque part ailleurs, un petit groupe de gens « hype » écoutent sûrement un CD de Rock Manouche Japonais, en flottant dans leur sarouel à 70 euros et en mangeant du végétarien bio, un vent de liberté semble avoir soufflé sur le public. Sans plus penser aux dictats de la mode et du paraître, tous chantent à s’en briser la voix, fiers d’être ringards et réunis par la même joie de se laisser enfin aller à fredonner ces tubes de la honte, autre part que seuls dans leur voiture.
Au bonheur des tubes nous rappelle que l’intérêt d’une chanson n’est ni la complexité des accords musicaux, ni la recherche des paroles mais l’émotion provoquée par elle.
Si une chanson est capable de nous rendre heureux, quelle importance qu’elle n’ait pas été écrite de la main de Proust ? Que l’on aime ou non la chanson populaire, force est de reconnaître que chaque tube nous rappelle une période précise de notre vie. Et s’il est vrai que, comme le disait Edouard Herriot, « la culture est ce qui reste quand on a tout oublié », la chanson populaire en fait définitivement partie, puisque plus de trente ans après, ses mélodies ne sont toujours pas tombées dans les gouffres de l’oubli. Les modes passent, les succès restent. Vive la variété !
Claire Giuseppi