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Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).

Compte-rendu de krinomen - Débat avec Pierre Miglioretti autour des politiques culturelles

 

Invité du krinomen sur les politiques culturelles du 4 décembre 2013 : Pierre Miglioretti

 

Animation du krinomen : Elsa Boulay, Hélène Godet, Gaëtan Ranson et Kassandra Rathier

 

Prise de notes et rédaction du compte-rendu : Lola Kolenc et Cécile Vignau-Puget

 

 

 

Le krinomen a débuté par cette vidéo de Coluche disponible sur Dailymotion à l’adresse suivante : http://www.dailymotion.com/video/x1gsdy_coluche-soutient-des-etudiants_fun. Coluche soulève ici plusieurs questions similaires à celles dont a traité le krinomen. Il parle, entre autres, d’une jeunesse déçue par la politique, qui se retrouve pris au piège entre une droite au pouvoir depuis près de 30 ans et une gauche attendue mais maladroite. La situation des élections municipales de Bordeaux se passent dans un contexte un peu similaire : Alain Juppé, représentant de droite, est maire depuis maintenant 14 ans, il effectué deux mandats de 1995 à 2004 puis de 2006 à aujourd’hui. Le principal opposant de ce nouveau « référendum » est Vincent Feltesse, président de la C.U.B, candidat socialiste. Le programme des autres partis n’étant pas à jour pour ce 4 décembre, le débat s’est focalisé sur le programme de ces deux candidats.

 

Il était préférable de commencer par restituer le contexte de ces élections, pour bien saisir l’enjeu et le fonctionnement de cette campagne. Laisser la parole à Pierre Miglioretti était donc la meilleure des choses à faire pour commencer ce krinomen. Doctorant à l’Institut d'Etudes Politiques de Grenoble, il prépare actuellement une thèse qui compare, sur quatre métropoles européennes, la façon dont sont menées les politiques culturelles. Pour ne pas manquer de cohérence et de clarté sur un sujet que nous maîtrisons peu, nous avons préféré vous faire suivre le texte de son intervention, que Pierre Miglioretti a eu la gentillesse de nous faire parvenir. Vous le trouverez ci-dessous, à la suite de ce compte-rendu.

 

 

Les premières réactions

 

Cindy Venant, étudiante en Licence 2, nous a fait remarquer qu’il était difficile de suivre tout ce qui a été dit et de comprendre tout ce système, malgré l’intérêt que l’on peut y porter. Elle a ajouté que bon nombre d’étudiants n’ont aucune connaissance de ce dont il est question. Cela ne fait que valider les propos de Coluche, appliqués aux étudiants : « on a l’impression qu’ils n’ont pas d’opinion, qu’ils sont tiraillés de tous les côtés ». Certains ont précisé que cette intervention leur avait permis d’y voir plus clair.

 

 

Le débat

 

A la suite de cela, les premières questions du débat ont été posées. Tout d’abord, une question sur le fonctionnement de la DRAQ : « Qu’est-ce que la culture d’un point de vue d’un acteur comme la DRAC ? » La DRAC est la Direction Régionale des Affaires Culturelles, à savoir les services décentralisés du ministère de la Culture. Les animateurs ont ensuite précisé leur question : « Essayez de définir les six grands domaines culturels classés par la DRAC ». Les réponses qui ont été données sont les suivantes : le théâtre, le spectacle vivant, la recherche, le patrimoine culturel, le numérique, les expositions, l’audiovisuel. Ce n’était pas loin… La vraie liste est la suivante :

-       Le patrimoine : UNESCO, musées, espaces protégés ;

-       Le spectacle vivant : scènes et salles de spectacles, compagnies, orchestres ;

-       Les arts plastiques : centres, galeries ;

-       Le cinéma ;

-       Les centres multimédias : médiathèques, librairies indépendantes ;

-       L’enseignement des métiers culturels et artistiques.

 

Puis une autre question a été posée : « Est-ce que pour vous cela englobe tout ce qui relie la culture ? Ou bien est-ce trop élargi ? » Et voici la réaction qui s’est le plus faite entendre : « Évidemment, arts plastiques et cinéma ont tout pour eux ». Une question est alors venue de l’auditoire : « Est-ce que la DRAC a un budget défini pour chaque domaine ? Par exemple X % aux arts plastiques, Y% au spectacle vivant, etc. Ou s’adapte-t-elle à chaque proposition pour ajuster ses aides ? » Réponse de Pierre : « Il faut relativiser ce système de classification, qui n’est qu’une manière de voir, celle de la DRAC. La division précise de la culture en différents domaines remonte à un certain nombre d’années, puisqu’elle a été mise en place en 1959, lors de la création du ministère de la Culture en France, et des évolutions progressives font changer la classification au fil des années. La question budgétaire bouge quant à elle tous les ans. Ce système est relativement instable depuis ces dernières années. »

 

Autre question : « Est-ce que les aides concernent toutes les associations artistiques ? » Le problème, c’est que la DRAC a réduit le soutien qu’elle pouvait apporter et donc pour certaines compagnies conventionnées, les subventions se font de plus en plus rares.

 

 

A la suite de ce point sur la culture et sa définition politique, on s’est intéressé de plus près aux sites de campagnes des deux principaux candidats aux élections municipales de Bordeaux : Alain Juppé et Vincent Feltesse. Pour Alain Juppé, tout d’abord, on remarque qu’il revient sur son bilan, qu’il met en valeur des chiffres mais surtout ce qui a déjà été fait : sur le tract intitulé « Partout… dans chaque quartier… bouillonne la culture ! », un code couleur bleu signale ce qui a déjà été fait et un code noir ce qui est à venir ; et on observe finalement qu’il y a peu d’idées nouvelles, par rapport à ce qui existe déjà dans les quartiers. On voit que la stratégie d’Alain Juppé, c’est la défense d’un bilan.

 

Il structure la culture en différents points : 1- l’art dans la rue, la culture parmi nous ; 2- le soutien à la création ; 3- la promotion de l’éducation et de l’enseignement artistique ; 4- l’encouragement à la culture et l’ouverture aux autres médias culturels ; 5- l’embellissement du patrimoine ; 6- le rayonnement en France, en Europe et au-delà.

 

 

On a ensuite essayé de voir quels événements culturels sous Juppé avaient fait parler d’eux ? A été soulevé le cas d’Evento (2009 et 2011) et demandé : « Comment sait-on qu’un événement culturel est un échec ? » Mais avant cela, s’est interposée une autre question : « Qui est allé à Evento ? » Deux sortes de réactions se sont faites entendre, soit plutôt favorables, eu égard au caractère contemporain de l’art qui y est montré, soit très défavorables, eu égard à la platitude de certaines propositions artistiques (comme celle de Pippo Delbono en ouverture de l’édition 2011) et à l’intérêt d’autres choix artistiques (comme les expositions du marché de Brienne et du musée d’Aquitaine). Autre réaction : « Rien n’était là pour fédérer : c’est un mensonge de dire que cet événement avait l’ambition d’une renommée internationale. Elle était vide de sens et sans accompagnement du public vers les œuvres ».

 

 

Par suite, nous nous sommes intéressés de manière plus précise aux paroles des deux candidats sur la culture. Vincent Feltesse, tout d’abord : « Nous voulons une politique plus ambitieuse, plus démocratique et surtout plus audacieuse, confiante dans le talent de ses créateurs, curieuse, ouverte aux avant-gardes et aux expérimentations comme aux cultures du monde, et dans le même temps, à l’écoute des attentes des bordelais. »

 

Pour Pierre Miglioretti, Vincent Feltesse a une posture de challenger : « La posture de Challenger de Feltesse l’amène à prendre position de manière innovante. » Il pense également que Feltesse est proche de la culture, que ce thème le touche : « Si l’opportunité de cette intervention communautaire s’est présentée avec la candidature de Bordeaux 2013, c’est aussi du fait de l’appétence pour la question culturelle de la part de Feltesse, qui outre des raisons personnelles l’incitant à l’investissement autour de cette thématique, en a également fait un élément important de son action à la tête de la mairie de Blanquefort, s’investissant par exemple fortement dans la création de l’EPCC Le Carré - Les Colonnes entre Blanquefort et Saint-Médard-en-Jalles, permettant de redonner une place importante à la structure blanquefortaise. »

 

Pour Alain Juppé, quant à lui : « Il y a 2 objectifs pour Evento : faire de Bordeaux une grande métropole européenne et faire en sorte que les Bordelais s’approprient leur territoire. C’est ça le plus difficile ».

 

Les citations ci-dessus ont servi de support au débat, où de vives réactions ont été entendues. Certains participants ont notamment trouvé que dans les citations, la culture était plus présente comme manière de légitimer les candidatures des deux candidats que pour elle-même. D’autres ont dit que la question culturelle était un moyen d’attirer des habitants ou des touristes, qu’on fait finalement de la culture pour attirer la masse. Un autre étudiant a soulevé le fait que la culture est en quelque sorte le ciment de l’humanité ou d’une nation. Par rapport au 19ème siècle, on peut cependant dire qu’aujourd’hui on vit dans une nation moins homogène et plus diversifiée.

 

 

Puis d’autres citations ont été montrées afin de connaître un peu plus en profondeur le discours sur la culture de l’un et de l’autre : Vincent Feltesse : « Adopter dans les arts un positionnement résolument contemporain en valorisant particulièrement l’architecture, les musiques actuelles et la bande dessinée, en facilitant l’accès des acteurs culturels au numérique et en transformant le CAPC en un CAPC 3.0 dédié à l’exploration de toutes les formes d’interactions entre pratiques artistiques et outils numériques. » Sur le même sujet, Alain Juppé a quant à lui déclaré : « Je veux en faire le fer de lance de la ville » ; « le nouveau directeur devra faire preuve d’imagination dans les co-financements et susciter du mécénat ». Après la lecture de cette citation, un certain nombre de réactions se sont exprimées, notamment celle-ci : « Juppé ici montre une vision réductrice de l’art, car dans son discours, l’imagination sert à faire de l’argent, c’est une vision assez atroce… ».

 

 

Pour finir, on peut ouvrir le débat en posant quelques questions en continuité avec ce qui a été discuté : « Quel est le rôle de la culture dans une action publique ? » ; « En quoi la culture serait-elle nécessaire au rayonnement ? » ; « Quand l’Etat intervient-il dans la culture ? » ; Enfin, « va-t-il y avoir une réelle politique culturelle de la part des candidats qui se présentent aux élections municipales de Bordeaux 2014 ? »

 

Concluons en citant Pierre Miglioretti : « [Alain Juppé et Vincent Feltesse ont] donc deux visions assez différentes de l’action culturelle et notamment celle de la géographie de la culture. Quand Juppé met en avant la création de nouvelles bibliothèques de quartier, Feltesse veut travailler la mise en réseau des équipements à l’échelle métropolitaine. A ce titre, la position actuelle de l’un et de l’autre est un élément essentiel de compréhension de leurs positions réciproques. »  

 

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