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Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).

Compte rendu de Krinomen - Dom Juan par Laurent Rogero

 

 

DOM JUAN du GROUPE ANAMORPHOSE,

avec

LAURENT ROGERO

 

Spectacle présenté le 26 Mars, salle LE ROYAL (Pessac)

 

 

 

Auteur, metteur en scène, comédien, Laurent Rogero a suivi une formation de comédien au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris. Il co-fonde en 1994 le Groupe Anamorphose. Il commence par mettre en scène des auteurs populaires du XXe siècle. Cherchant un rapport plus intime entre les acteurs et les spectateurs, il décide d’écrire pour la scène, associant des préoccupations dramaturgiques (travail sur les mythes, les contes) et esthétiques (travail sur le corps de l’acteur, la marionnette). La compagnie sort du théâtre, tourne dans les communes rurales et se dote d’un théâtre itinérant. Puis, la compagnie rejoint son chemin artistique, faisant du théâtre de tout objet ou corps et porte un texte accessible à tous.

 

 

La représentation que Laurent Rogero nous donne à voir ce soir-là, n’est autre que le fameux Dom Juan de Molière. Joué pour la première fois le 15 février 1665 au Palais-Royal, Dom Juan, relate la vie d’un personnage infidèle, séducteur, libertin et être de l’inconstance. Ce jeune noble de Sicile accompagné de son valet Sganarelle, accumule les conquêtes amoureuses. Cette activité est sa principale préoccupation et il se soucie peu des conséquences de ces aventures. Il abandonne les jeunes femmes une fois séduites. Ces conquêtes le conduisent à des duels et des défis. Dom Juan aime les défis. Le défi final qui l’amènera dans les flammes de l’enfer : le repas avec la statue du commandeur.

 

C’est alors autour d’un Krinomen, que nous allons débattre sur ce Dom Juaninterprété par la compagnie Anamorphose.

 

Description rapide de la scénographie et des personnages :

 

Nous avons commencé par décrire la scène. Tout d'abord, un homme seul sur scène : Laurent Rogero. Ensuite, il y a un cube rouge autour duquel sont disposées quatre boules d’argiles. Sur le cube est assis Sganarelle, le valet de Dom Juan. Il porte un masque rouge. Dom Juan, lui, garde le visage lisse. Laurent Rogero joue les deux rôles : le maître fou et le valet idiot. L’acteur masqué est Sganarelle, le démasqué est Dom Juan. Les autres personnages se créent grâce aux boules d’argile, au cube rouge, à la veste du comédien et au corps de celui-ci. La seule scénographie est alors le comédien lui-même et ses accessoires qui lui permettront de raconter Dom Juan en illustrant le texte.

 

Les relations entre le texte classique et la mise en scène de Laurent Rogero

 

Pour la plupart des étudiants, il y a une réelle mise en valeur du texte car la scénographie est très épurée, très minimaliste alors l’écoute du texte est mise en avant. Laurent Rogero a rendu une réelle la personnification du texte, un texte qui parvient simplement et avec justesse jusqu’aux spectateurs. Le texte est agréable à découvrir ou à re-découvrir. De plus, Laurent Rogero arrive à tenir SEUL le spectateur, avec une fable pourtant connue pour la majeure partie d’entre nous.

 

«  J’ai redécouvert Dom Juan comme si j’étais un enfant, fasciné par les marionnettes et les personnages construits. C’était vraiment un plaisir d’entendre ce texte de cette manière. »

 

Grâce à ses boules d’argiles, Laurent Rogero fabrique à vue des personnages qui illustrent les images du texte de Dom Juan. Comment la technique et la manipulation de Laurent Rogero tient-elle le spectateur du début à la fin ?

 

 

La question de la technique du marionnettiste dans cette mise en scène

 

Puisque Laurent Rogero est seul sur scène, il est intéressant de se poser la question de la technique. Dans le prolongement de ses membres, des têtes de marionnettes se créent et prennent la parole. Dans le col de sa veste à l’aide d’une boule d’argile, le père de Dom Juan se construit. Pour la scène des Paysannes par exemple, Laurent Rogero utilise deux boules d’agiles qu’il place sur ses genoux qu’il monte lorsque la parole est à une ou à l’autre. Pour Dona Elvire, il retourne sa veste. Ses différentes façons de jouer les personnages rendent un dynamisme malgré le fait que l’acteur soit en rapport frontal, seul sur scène. La frontalité chez Laurent Rogero n’est pas un défaut mais une façon de monter Dom Juan de manière simple et légère. Le cube lui sert de table de modelage, de boîte à accessoires, et d’objet de jeu : pour la statue du commandeur, il la met sur sa tête, il se cache derrière. Cela peut aussi lui servir comme une sorte de coulisse, et le tout, toujours à vue. Mais est ce que ça marche ?

 

« Pour moi, Laurent Rogero n’a pas été un bon marionnettiste, je ne suis pas rentrée dedans. »

 

Il est vrai que les manipulations des marionnettes et leurs enchaînements pouvaient êtres pesants et ne pas créer une fluidité qui permettait de passer d’une image à une autre. Tout se passait sous nos yeux et la fabrication pouvait enlever de la magie, de l’imaginaire. Le spectateur voit tout sur scène, la construction des personnages, la construction du spectacle, et on n’a pas énormément le temps de se poser les questions.

A ce point de vue, une étudiante rétorqua que au contraire pour elle, la manipulation, les enchaînements et les fabrications des marionnettes sous nos yeux offraient un théâtre simple, un théâtre où la marionnette n’était pas de la manipulation de haute technique. Elle présentait un jeu subtil et sobre qui permettait au spectateur de terminer les contours des personnages en imagination.

Cette frontière fragile est intéressante mais ce qui était évident pour la majeure partie des étudiants, c’est qu’il y avait un réel choix à faire entre regarder le marionnettiste ou les marionnettes. Ceux qui regardaient les marionnettes rentraient plus dans l’univers de Laurent Rogero à l’inverse de ceux qui regardaient simplement l’acteur.

Le spectateur est dans la frabique. On ne peut pas nier que ce processus est une création novatrice, même si la technique de l’acteur et les limites de son corps n’ont pas forcement permis une entrée parfaite dans l’univers de la pièce. L'enjeu du spectacle ne se situe pas dans une identification au personnage ni dans une plongée dans la fable mais dans le partage d'un spectacle en train de se faire.

 

 

Dom Juanpar Laurent Rogero : un divertissement ?

 

Lorsque des critiques du spectacle se faisaient entendre dans la salle de Krinomen, généralement, un étudiant ajoutait toujours que le divertissement était avant tout présent et très bien retranscrit. La pièce pouvait alors nous ramener dans l'enfance notamment avec la manipulation de boules d’argile, faisant référence à la manipulation de pâte à modeler. Les personnages fabriqués et la diversité des accessoires relançaient sans cesse la dynamique. Laurent Rogero donnait alors l'image d'un enfant qui s’amuse sur scène. Si la technique n’est pas performante pour tous, en majeure partie, l’opinion des étudiants était que la pièce de Laurent Rogero est avant tout un divertissement. Cet aspect est visible dans le personnage de Monsieur Dimanche. En effet, Monsieur Dimanche est pris dans le public, créant du jeu entre le spectateur et la scène et cela amuse. Le metteur en scène joue avec les codes du théâtre, il fait monter quelqu’un sur scène. Mais est-ce cohérent ? Est ce que cette intervention a cassé l’univers de la pièce ?

Les avis sont mitigés. Une étudiante dira que Laurent Rogero n’a pas, en amont, créé une relation avec le public et, de ce fait, intégrer quelqu’un sur scène à ce moment là a crée une rupture avec l’énergie du plateau. Le personnage de Monsieur Dimanche est un personnage qui ne dit rien, qui demande de l’argent à Dom Juan alors il est assez gêné. Alors pour certain, il était très pertinent de le faire avec une personne du public qui, généralement, ne prendra pas la parole. Il faudrait alors se demander si le public est réellement invité à cet artifice où si cette intervention est simplement là pour dire «  je casse les codes du théâtre. » Cependant, il y a quand même un échange entre le public et la scène mais l’idée principale est que ce moment est amusant, plus que volontaire et impliqué.

 

 

Choix de la pièce et questionnements :

 

Ce qui intéresse Laurent Rogero avant tout c’est le coupe valet/maître. C’est dans ce duo très abouti que la créativité du metteur en scène est à son apogée. Sganarelle ouvre et termine la pièce. Il est le fidèle valet de Dom Juan. Les deux symboliseraient l’ange et le démon. Sganarelle porterait un masque pour ne pas faire face à sa dure réalité, aux conditions difficiles que lui imposent son maître. Il voudrait se cacher et donc le port du masque est approprié. Dom Juan, lui, se révolte. Contre son père, son créancier, sa fiancée, son valet, soit toutes sortes de personnes qui l’empêchent de faire ce qu’il veut. Dom juan veut jouir de tous les plaisirs et ne rendre de comptes à personne. Sganarelle, très proche de son maître porte un demi masque, figé dans une expression de reproche et de peur. On peut également tirer les fils de l'analyse du manipulateur (Don Juan) joué par un manipulateur (le marionnettiste).

 

Tout le monde connaît ce texte mais alors que provoque-t-il ? Est ce que la manière de mettre en scène Dom Juan se rapproche d’un théâtre populaire ?

 

C’est évident, la mise en scène est moderne et offre une nouvelle écoute de la pièce. Le public se trouve face à un théâtre d’objet qui se rapproche donc d’une forme populaire. Même si la notion d’objet et de marionnette reste fragile, Laurent Rogero offre un théâtre accessible où la connaissance du texte n’est pas obligatoire. Tout le monde peut comprendre cette version, à l’inverse des représentations classiques de cette pièce.

 

 

Pour conclure, Laurent Rogero se joue des codes du théâtre et s’amuse à offrir une nouvelle écriture de la pièce tout aussi fluide et compréhensible que si elle avait été jouée par plusieurs acteurs représentant, tous les personnages de celle-ci. À travers cette mise en scène, Laurent Rogero remet également en cause la question du metteur en scène et du comédien. C'est dans un décor minimaliste qu'il donne un spectacle de haute performance au public, autant physique que psychologique. Il fait appel à notre imaginaire dès le début du spectacle, soulignant à la fin que c'est au public d'interpréter et aux comédiens de jouer.

 

 

 

Compte rendu réalisé par Chloé Chabaud et Emmanuelle Monferran

 

 

 

 

 

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