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Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).

Compte-rendu de Krinomen - Swan Lake de Dada Masilo

 

Krinomen du 14 février 2013 préparé, animé et modéré par Victoria de Castro, Anne-Sophie Davidsen, Florent Tournier, Chloé Lousteau.

 

Prise de note et compte-rendu : Alice Canet, Daphné Ricquebourg.

 

 

 

Dans Swan Lac, Dada Masilo revisite le classique Lac des Cygnes de Tchaïkovski. D'origine Sud-africaine, Dada Masilo est une danseuse et chorégraphe issue de l'école Dance Factory de Johannesburg, ayant participé durant deux ans au PARTS (Performing Arts Research and Training Studios), créé par Anne Teresa de Keermarsmaker (grande figure de la danse contemporaine belge et mondiale). Au départ, la danse pour elle n'est que simple divertissement ; mais elle comprend rapidement qu'il est possible d'évoluer avec. 

"Pour cette pièce, je fusionne la danse classique ainsi que la danse africaine. Si j'arrive à remettre en question le genre, c'est tant mieux. L'art doit être remis en question."  Croisant la danse et le théâtre, Swan Lac fait voler en éclat les codes du ballet romantique. L’histoire d’amour entre les deux cygnes devient homosexuelle et les tabous explosent. Avec ses douze danseurs, Dada Masilo souhaite restituer le mythe au cœur de notre époque. Swan Lac est une œuvre qui nous emmène avec elle dès les premières notes de Tchaïkovsky, auxquelles de couplent celles de Saint-Saëns, de Steve Reich, et d’Arvo Pärt.

 

Trame :

Le premier tableau dévoile des pas de danse du vrai Lac des cygnes. Par la suite, un personnage entre en scène pour nous raconter, en version anglaise, le déroulé original d’un ballet, en version comique. Tous dansent ensuite ensemble puis la promise est présentée au prince réticent. On comprend par la suite que l’amant de Siegfried est un homme, le cygne noir. Le mariage est annoncé, tout le monde est en joie sauf le prince. Sa promise lui fait la cour mais il ne montre aucun enthousiasme. Ses parents découvrent finalement son amour et la société entière le montre du doigt. Le dernier tableau présente la mort de la communauté entière, se terminant par celle de la promise et de l’amant, morts par amour.

 

Qu'en est-il de la scénographie et des costumes ?

  

Dans ce ballet, qui présente Siegfried en prince aux amours homosexuelles, la scénographie s’appuie sur les effets de lumières qui mettent en valeur les corps des danseurs. Un large cyclorama en fond de scène et un tapis de danse blanc au sol font apparaître des étoiles ou une lune, et permettent des variations de couleurs plus ou moins chaudes selon les scènes, qui créent différents environnement. Les images sont nettes et empreintes de poésie, comme dans la dernière scène où les danseurs paraissent flotter au-dessus de la scène grâce aux éclairages de coté, faisant refléter les tutus sur le sol. Les costumes sont ceux du ballet : des tutus pour tous, hommes et femmes, ainsi que des crêtes blanches sur la tête pour les danseurs. Le roi est habillé lui aussi d'un tutu et il porte une veste grise à grand col, ce qui lui donne de la prestance. Siegfried lui, est le seul à porter un pantalon.

 

Quelles différences pouvons-nous relever par rapport au baller original ? Qu’est-ce qui fonde l’intérêt de cette version de Dada Masilo ?


Plusieurs éléments rappellent la version originale (entre autres, une part de la musique, les tutus, certains pas, comme dans la scène où les 32 petits fouettés sont exécutés comme dans le ballet original) tandis que d’autres s’en distinguent (les pas et les mouvements venus d’Afrique, comme lorsque les danseurs frappent le sol, les cris, l’enthousiasme et la générosité). L’ambiance africaine sur la musique classique est enivrante.

 

Adaptation ? Appropriation ? Réécriture du ballet original ? Choisir de mêler les influences et les cultures n'est pas chose aisée : au début du spectacle, la différence est visible entre la danse classique et africaine mais, au fur et à mesure que le ballet progresse, on ressent cette impression qu’il n'y a pas deux danses, mais bel et bien une seule, comme si fusion il y avait.

 

La performance des danseurs est remarquable, tant dans la danse que dans les parties théâtrales : les corps sont présents, la communication scène/ salle aisée, rejetant tout quatrième mur. Malgré leurs différences (corps occidentaux, corps africains), les corps sont réunis au point de faire oublier les distinctions physiques et les genres, comme en témoigne la dernière scène où les danseurs sont de dos. De même pour le salut par exemple, les comédiens se retrouvent tous ensemble, symbole d'unité.

 

L'intervention théâtrale du Roi, au début, fait le lien avec le théâtre, la première scène prenant la valeur d’un prologue, et casse les conventions du ballet romantique.

 

"Je ne souhaite pas raconter un conte de fées. Je veux que mon travail soit aussi réel que les problèmes de la société", dit Dada Masilo. Qu’est-ce qui nous le démontre dans la pièce ?

 

La pièce reflète la réalité actuelle. En Afrique, l'homosexualité est encore un tabou, et des difficultés subsistent en France, comme en attestent les débats récents sur le mariage pour tous. A travers son Swan Lake, Dada, à sa manière, casse les tabous. Les hommes sont féminins et les femmes masculines et les sexes ne sont pas des éléments de séparation.

La société fait que nous vivons constamment dans les préjugés. Un danseur noir danse forcément sur de la zumba, du zouk, fait des battles de rues... Alors qu'un danseur blanc fait forcément partie d'un corps de ballet. Ici, à travers le mélange des cultures, le blanc danse sur des sons africains, et le noir sur de la musique classique.

Enfin, la réunion des danseurs et des corps permet ponctuellement de mettre à distance ceux qui sont différents. Ainsi, le Roi et la Reine, qui portent des costumes distincts des autres danseurs, évoquent l’apartheid (rappelons que le spectacle a été créé en Afrique du Sud).

 

 

La question de la tolérance et des sentiments est donc soulevée. Ou, plus largement, cette pièce ne repositionnerait-elle pas la place de l'homme dans la société ? En interrogeant le genre, ne serions-nous pas tous homme et femme à la fois ?

 

 

Et les jeunes filles se transformèrent en cygne à la tombée de la nuit....*

 

 

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