Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).
Rédaction de l'avant-papier : Clémence Biensan et Floran Pedeflous
Pour la séance prochaine, nous vous invitons à participer à une rencontre avec Eric Charbeau, architecte/scénographe, pour débattre de questions sur la scénographie, l’invité venant compléter les propos de l’assemblée. Il sera donc question de la scénographie en général, mais également du scénographe en tant que profession avec une originalité pour notre invité : son point de vue d’architecte. Pour accompagner ce débat, il y aura, en fin de séance pour les plus curieux, une exposition de croquis et de dessins d’Eric Charbeau et de Philippe Casaban (ce dernier étant le binôme d’Éric Charbeau depuis le début de leurs études d’architectes, qui travaille désormais avec lui), ainsi qu’une exposition de livres de référence sur la scénographie.
Eric Charbeau
Son parcours
Il est difficile de parler d’Eric Charbeau sans parler de Philippe Casaban, leur travail étant intimement lié depuis leurs études (à l’Ecole d’Architecture de Bordeaux). Précisons bien que tous deux ont le même parcours et travaillent encore en duo à l’heure actuelle. Après de nombreuses tergiversations, Eric Charbeau est entré à l’école d’architecture de Bordeaux. Pratiquant le théâtre jusque là en tant qu’acteur amateur, il pensait alors devenir architecte dans l’acception plus classique du terme. La naissance d’une compagnie semi-professionnelle avec laquelle il jouait a changé la donne en manifestant des besoins plus pressants qu'une simple troupe d’amateurs (à savoir, des préoccupations de décors et de costumes plus élaborés). Avec Philippe Casaban, ils se sont mis à travailler sur le projet, l’un signant les costumes et l’autre les décors. Pourtant, cette nouvelle approche n’est pas celle qui a fait naître en eux le déclic pour la scénographie. Le pont entre l’architecture et le théâtre s’est fait lors de la recherche de leur sujet de mémoire. Philippe Casaban a, le premier, eu ce déclic et ensemble, ils ont passé leur mémoire en travaillant sur un projet de théâtre sur la rive droite de Bordeaux intitulé : « Le Théâtre des Régions, un théâtre à la Bastide ».
Dès lors, ils se sont auto-proclamés scénographes et ont fait leur entrée dans le monde professionnel (non sans difficultés). Ils ont écumé les institutions culturelles bordelaises en se présentant toujours de la même façon : en tant qu’architectes-scénographes. Cette présentation leur a fait connaître le metteur en scène Gilbert Tiberghien qui les a engagés en tant qu’assistants à la mise en scène pour son adaptation de Vingt-quatre heures de la vie d’une femme de Stefan Zweig, qu’il montait dans le cadre du Festival de Sarlat. Cette expérience de mise en scène leur a fait prendre conscience que ce n’était pas de cela dont ils avaient envie.
La suite leur a prouvé que c’est à la scénographie qu’ils voulaient se dédier. Leur travail avec G. Tiberghien les a convaincus qu’une trop grande différence de génération pouvait être nuisible au travail et les a encouragés à se tourner vers de jeunes metteurs en scène de leur génération qui, au même titre qu’eux, avaient à la fois besoin de se produire et besoin de vivre de leur profession. De là sont nées leurs collaborations avec Laurent Laffargue et Renaud Cojo notamment. Ces collaborations ne se sont jamais interrompues. De jeunes compagnies s’adressent à eux aujourd’hui comme Hors-Série que dirige Hamid Ben Mahi pour le spectacle Apaches créé en 2013 et présenté au Théâtre Louis Aragon à Tremblay-en-France.
Ses travaux dans le théâtre, l’opéra et la danse
Essentiellement scénographes de théâtre (51 réalisations à leur actif), ils ont travaillé en étroite et régulière collaboration avec Laurent Laffargue et sa compagnie Le Soleil Bleu, mais également avec Renaud Cojo, Jean-François Toulouse et Jean-Pierre Beauredon. Ils ont également conçu une dizaine de scénographies pour l’opéra, six pour la danse (particulièrement avec Hamid Ben Mahi et Valérie Rivière), un projet de cirque pour le CNAC, un de théâtre de rue et un projet muséographique.
Eric Charbeau nous rappelle que la scénographie théâtrale est fondamentalement différente d’une scénographie d’opéra : “Au théâtre, la scénographie s’adapte au comédien ; à l’opéra, elle s’adapte à la musique.” Ainsi, on retiendra de l’échange que nous avons eu ensemble qu’il vaut mieux éviter l’erreur qu’ils ont faite dans leurs débuts : une scénographie exclusivement en velours pour un opéra baroque où les voix et la musique ont peu d’intensité par nature.
Approche personnelle du métier - Un travail en duo
Travaillant par habitude à deux, Eric Charbeau et Philippe Casaban forment un tandem complémentaire. C’est un avantage quand on sait toutes les réflexions qu’il faut pour arriver à envisager une pièce dans sa globalité et sentir ce qui est nécessaire pour donner une matérialité à l’espace qui corresponde à cette pièce.
Eric Charbeau et Philippe Casaban travaillent différemment mais ne cherchent pas à se répartir le travail. Chacun à sa manière travaille sur l’intégralité de la pièce par rapport à leur discussion préalable avec le metteur en scène et échangent leurs idées au fur et à mesure.
Eric Charbeau affirme ne pas avoir de références incontournables Il avoue pourtant avoir des scénographes dont il apprécie particulièrement le travail comme Josef Svoboda ou Yannis Kokkos, et d’autres dont il ne se sent pas proche comme Richard Peduzzi, scénographe de Patrice Chéreau. Il préfère dire qu’il faut se nourrir de tout ce qui nous entoure. En l’occurrence, il se rend au musée, lit beaucoup, va au théâtre et à quasiment toutes les générales de l’Opéra de Bordeaux. Il s’agit pour lui de se nourrir suffisamment pour être en capacité de renouveler son travail et d’éviter de se scléroser dans un certain savoir-faire qui risquerait d’être “toujours le même”. Il pense qu’il n’y a pas de sous-culture, que peu importe la référence, l’important est de savoir ce que l’on veut en faire. Il nous a confié se référer à Adolphe Appia, Josef Svoboda ou Ludwig Mies van der Rohe (architecte de renommée internationale). Mais il lui est également arrivé d’avoir pour référence Au théâtre ce soir, un concert de Dalida ou encore un clip de Vanessa Paradis.
Pour lui, “une scénographie se définit souvent par ses limites”. Ainsi, en suivant les tournées de certains spectacles et s’apercevant que pour installer le décor dans certains espaces, il fallait simplifier la scénographie de départ, il a tenté de trouver une sorte de “degré zéro de la scénographie”, comme il se plaît à l’expliquer, et trouver jusqu’à quel point on peut retirer des éléments sans que la scénographie ne cesse d’exister. Avec Philippe Casaban, ils sont allés jusqu’à n’utiliser que la scénotechnique d’un théâtre (les perches, le mur du fond, etc.) pour créer une scénographie sans aucun élément extérieur.
Skaï, Cie du Soleil Bleu/Les Lubies
Considérant notre question sur leur dernier spectacle dont la scénographie n’est pas en frontal (Skaï par la Cie Le Soleil Bleu/Les Lubies présenté au Glob Théâtre en 2012), il nous a confié que des préoccupations financières entrent très vite en considération dans un spectacle en bi/tri/quadri-frontal. Une telle configuration ne permet pas au spectacle de tourner dans beaucoup de salles et ne peut pas accueillir le même nombre de spectateurs qu’un spectacle en frontal.
Nos deux scénographes ne dérogent à la frontalité que lorsque la demande vient clairement du metteur en scène. Ils n’en prennent jamais seuls la décision et pensent que le bi-frontal est un cadeau empoisonné (financièrement tout du moins).
Actualité, projets en cours
Molly Bloom et Apache, spectacles déjà créés, sont en tournée en 2013. Le premier est une adaptation par Laurent Laffargue du monologue final de Pénélope, dans le roman Ulysse de James Joyce. Le second est une pièce chorégraphique d’Hamid Ben Mahi qui cherche une rencontre entre le rock et hip-hop.
Molly Bloom de James Joyce – Mise en scène de Laurent Laffargue –
Théâtre de la Commune
© Brigitte ENGUERAND/Divergence
Apaches, Amid Ben Mahi –
© Laurent Philippe
Scénographie
Selon le Grand Robert :
scénographie [senɔgʀafi] n. f.
ÉTYM. 1545; lat. scenographia, grec skênographia, de skênê.
Didactique.
1 (1752) Art de représenter en perspective. Une/des scénographies : représentation en perspective. Les scénographies de Palladio, à Vicence.
2 (1943) Étude des aménagements matériels du théâtre. Traité de scénographie, de P. Sonrel (1956). ➙ Scénologie.
Pour Eric Charbeau, la scénographie n’a pas de limite claire et définie. Elle se définit par rapport aux exigences de chaque métier qui entoure la création. Le metteur en scène peut l’imposer, la présence d’un dramaturge aussi, tout dépend des personnalités qui collaborent sur le projet. Il est pour lui impossible de théoriser clairement les limites de la scénographie (et de la plupart des métiers qui entourent un projet spectaculaire). Il a en revanche une idée claire de l’endroit où commence son rôle. Pour lui, “la scénographie répond à des intentions de mise en scène”. Il est cependant intimement persuadé que le fait d’avoir, dans son parcours, des études d’architecture l’aide dans l’approche qu’il a de son métier de scénographe.
Références
La plupart des renseignements qui nous ont permis de faire ces recherches proviennent soit des sites Internet et blogs ci-dessous, soit de supports bibliographiques et audiovisuels.
Sites Internet
Voici une liste brève des quelques références web concernant Eric Charbeau :
http://charbeau-casaban-scenographes.over-blog.com
http://www.compagniesoleilbleu.fr/eric-charbeau
http://www.bordeaux.archi.fr/dmdocuments/Fly_made_in_ensapBx-Casaban-Charbeau-WEB_(2).pdf
http://sstockholmdesolenndenis.wordpress.com/tag/eric-charbeau/
http://www.lechampdefoire.org/theatre/lendive-au-vestiaire/
Livres, DVDs
- Qu'est-ce que la scénographie ?, Vol. I et II, Processus et paroles de scénographes, Daniel LESAGE et Véronique LEMAIRE (dir.) ; Vol. II : Pratiques et enseignements, Luc BOUCRIS, Marcel FREYDEFONT, Véronique LEMAIRE et Raymond SARTI (dir.), Revue du Centre d'études théâtrales de l'U.C.L.
- Scénographes en France (1975-2012), Actes Sud, 2013
- Carmen (DVD), mise en scène de Laurent Laffargue, 2010
- Jean CHOLLET, André Acquart, architecte de l’éphémère, Actes Sud, 2006
- Yannis KOKKOS et Georges BANU, Le Scénographe et le héron, Actes Sud, 1989
- Scénographie, 40 ans de création, Luc BOUCRIS, Jean-François DUSIGNE et Romain FOHR (dir.), L’Entretemps, 2010