Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).

Entretien avec Samuel Burguière, Les Ogres de Barback par Pierre Retureau

« Essayer d'ouvrir les gens vers un ailleurs »
 Entretien avec Samuel Burguière, Les Ogres de Barback


 

ogres5356.jpg

 

 

 

 

Les Ogres de Barback est un groupe de musique formé par quatre frères et sœurs en 1994. Le groupe tourne actuellement avec leur nouveau spectacle jusqu'à la fin de l'année.

 

 

 

 

 

                             © Dominique Houcmant


Vous tournez actuellement avec votre nouveau spectacle, suite à votre 11ème album Comment je suis devenu voyageur. Cet album laisse apparaître beaucoup de chansons aux inspirations mondiales, tant par les langues que les musiques. On a donc parfois plus l'impression que c'est une invitation au voyage, voire un voyage, plus que vous qui racontez comment vous êtes devenu voyageur.

Ce sont un peu les deux. Nous apprenons beaucoup pendant nos voyages, ce qui se ressent sur cet album. C'est pour cela que nous avons donné ce nom au disque. Quand on l'a écrit et enregistré, on parlait beaucoup des gens du voyage dans les médias. C'était durant l'été 2010, à un moment où le gouvernement voulait expulser tous les roms et l'on a souhaité, à travers ces chansons, adresser une pensée à ce peuple que l'on admire et que l'on aime beaucoup par leur musique, leur façon d'être et leur culture. Puis, il est vrai que nous avons aussi voulu inviter les auditeurs au voyage. Nous voulons essayer, autant avec cet album qu'avec ceux pour les enfants - La pittoresque histoire de Pitt'Ocha et Pitt'Ocha au pays des mille collines - que les gens s'ouvrent plus sur le monde, découvrent des civilisations et qu'ils aillent voir ce qu'il peut se passer ailleurs qu'autour d'eux. Selon nous, la musique est une des meilleures solutions pour oublier les frontières. Nous avons remarqué qu'en France, il se passe un étrange phénomène de repli sur soi-même, par rapport à d'autres cultures. Par exemple, avec les gens du voyage, mais pas qu'eux, il faut s'ouvrir et les découvrir. Avec nos albums, nous espérons servir à cela, ouvrir les gens vers de nouvelles cultures et d'autres horizons. En ramenant des instruments de pays étrangers, c'est une manière de faire découvrir aux gens de nouveaux sons qui viennent d'ailleurs. Depuis que l'on voyage, nous avons oublié les frontières et, de cette manière, nous avons énormément appris. C'est un peu le message caché de notre musique : l'ouverture vers les autres à travers nos chansons et les ambiances des albums. Nous voulons essayer d'ouvrir les gens, à notre niveau et avec les moyens que l'on a, évidemment, comme une petite participation.


Cet album semble être un bilan de votre carrière avec des titres qui rappellent vos débuts (ex : L'ennui et le jour, quant au choix des instruments) et d'autres aux influences mondiales. Peut-on voir cet album comme une synthèse de votre carrière ?

Oui, un peu. Quand on a fait cet album, nous nous sommes dit que l'on allait revenir aux sons des premiers albums, notamment sur l'instrumentalisation, où il y avait une véritable volonté et envie, pour certaines chansons, de revenir à ce que nous faisions à nos débuts. Nous ne voulions pas rajouter d'orchestration ou des cordes comme nous avions pu le faire sur le précédent, Du simple au néant, où nous ne nous étions posés aucune contrainte, sans hésiter à faire de gros arrangements. Nous voulions revenir à la base avec un son très acoustique, brut et sans effets.
Et puis, malgré tout, avec les voyages que nous avons fais, la musique du monde que l'on découvre au fur et à mesure de notre carrière, des instruments de musique que nous ramenons, nous n'avons pas pu nous empêcher d'ajouter des sons que nous avons découverts. Sur cet album d'ailleurs, l'auditeur peut entendre l'utilisation d'un « duduk » ou encore des voix polyphoniques qui sont des procédés musicaux que nous ne connaissions pas. Cet album est un clin d'œil à tout ceux que l'on rencontre, alterné avec un retour vers des ambiances acoustiques, au niveau du son en général.


Comment se déroule le processus du passage de l'album à la scène ? Quelles sont les démarches pour créer un spectacle ?

C'est une période, malgré tout, assez longue. Toutes les idées à propos du spectacle, que cela concerne les décors ou la mise en scène, sont dans nos têtes depuis longtemps. Malgré cela, nous sommes spécialistes de la grande vitesse : les idées murissent en nous et le jour où nous devons créer concrètement le spectacle, mettre en œuvre les idées que nous avons tous eues - pas seulement nous, les musiciens, mais toute l'équipe artistique - nous allons très vite. Ce passage est donc un mélange entre réflexion et rapidité. Tout se fait en quelques mois. Il ne nous faut pas non plus beaucoup d'entrainement avant la tournée. Justement, à l'opposé du théâtre où il faut un certain nombre de répétitions, nos spectacles nécessitent plus de la préparation, ne serait-ce que pour le décor afin de s'assurer qu'il n'y ait aucun danger. Lorsque que ce  travail de construction est fait, nous n'avons pas le besoin de répéter. Le spectacle va se construire et évoluer au fur et à mesure des concerts. Nous n'avons pas la nécessité de faire une ou des résidences dans un certain lieu pour « caler » et mettre au point le spectacle. C'est une période très rapide car les idées murissent en pré-création. Par exemple, nous savons déjà qu'en 2013 nous tournerons avec un spectacle pour les enfants, sans savoir pour l'instant comment sera le décor. Pour 2014 nous avons le projet de faire une tournée sous un chapiteau sur lequel on se pose beaucoup de questions, notamment sur la disposition du public: doit-on fait un spectacle circulaire ? Le public sera t-il debout ou assis ? Faut-il un décor ou non ?
Ensuite, nous ne travaillons avec personne du corps théâtral. Nous créons tout nous-même, sans metteur en scène. Bien sur, nous avons des regards extérieurs, par exemple les personnes qui ont fait le décor. Ils sont venus nous voir lors d'un spectacle pour nous donner leur avis au bout de trois mois de tournée et nous dire ce qu'il fallait améliorer. Nous ne souhaitons pas faire un spectacle tramant une histoire du début à la fin mais plutôt dégager une ambiance. Pour celui-là, Comment je suis devenu voyageur, nous sommes partis autour du tri-postal, qui est une idée que nous avions depuis quelque temps. Nous essayons de créer une ambiance autour de ce choix, ce qui ne nous empêche pas de sortir complétement de cela à certains moments du concert et puis, plus tard,  d'y revenir. Nous ne nous donnons aucune contrainte là-dessus. Nous ne voulons pas enfermer le public là dedans, leur imposer ce choix mais qu'il ressente ce autour de quoi le spectacle tourne, avec ce fil conducteur. Il ne faut pas oublier que le public est là pour assister à un concert avant tout. C'est une chose à doser : si nous leur parlons de lettre tout le temps, ils vont se lasser, mais si on oublie de l'évoquer, ils vont délaisser le thème du spectacle. Tous ces dosages se trouvent au fur et à mesure des concerts. On a commencé la tournée au mois de mars et on change encore des choses dans les spectacle aujourd'hui. Par exemple, après des mois de tournée, nous venons juste de nous rendre compte qu'une partie du décor ne sert à rien pendant toute une partie. Nous allons donc l'enlever. C'est important pour le spectateur, et comme le spectacle dure 2h20, il faut réussir à ne pas l'ennuyer.


Dans ce spectacle, on voit une grande part laissée à la mise en scène. Quel est le rôle que joue cet aspect du spectacle selon vous ? Et plus précisément dans celui-là (avec des costumes de PTT, la scénographie, les acrobates...)

Nous changeons souvent de type de spectacle puisque, comme cela fait dix sept ans que l'on existe et qu'il nous reste encore beaucoup de choses à explorer, nous essayons de ne jamais nous ennuyer, de toujours  rebondir et de faire des nouvelles découvertes. Avec un tel spectacle, où nous avons une imposante scénographie, cela permet de se lancer des défis. Mais rien ne nous empêche de revenir à des spectacles plus simples avec moins de décors comme on l'avait fait l'année dernière, avec le concert Stéréo Pirate. Le fait de faire un spectacle de cette ampleur et de tourner dans de grandes salles, puis de passer à des concerts plus minimalistes ou sous chapiteau, nous permet d'être motivés et de le rester à chacun des spectacles. Si nous faisions toujours les mêmes types de concerts, ce ne serait pas intéressant, autant pour le public que pour nous. Il y a des gens qui viennent nous voir de spectacle en spectacle, il faut qu'ils assistent à de nouveaux concerts à chaque fois.
La seconde raison s'explique par le fait que nous avons commencé notre carrière dans les festivals d'art et de théâtre de rue, notamment celui d'Aurillac. Ce sont des endroits où nous nous rendions tous les ans jusqu'à il y a peu de temps. Dans ces lieux, nous avons rencontré beaucoup de compagnies de rue. Le fait d'avoir un décor nous rappelle un peu cette atmosphère de théâtre et de cette époque. D'autant plus avec cette scénographie qui est fait par des gens qui travaillaient, et travaillent encore, pour certains, avec une compagnie de théâtre de rue que nous apprécions beaucoup, le Royal De Luxe. Nous avons fait appel à eux parce qu'il y a une ingéniosité dans leur façon de faire des décors qui peuvent et doivent se monter et se démonter très rapidement. Il nous faut un décor pratique car il faut que nous enchainions tous les jours, ou presque, dans une nouvelle ville. Pour les costumes, c'est la même chose. C'est la première fois que nous en avons sur scène, cela nous rappelle aussi ces festivals. La scénographie et la mise en scène sont donc aussi un hommage à cette période et à ces différentes troupes que nous avons rencontrées.


Du fait de cette « théâtralisation » des spectacles, on ne peut pas se contenter du terme de concert. Est-il plus juste de parler de spectacle, voire même de théâtre ?

Justement, peut-être pas puisque, comme je disais, c'est une ambiance plutôt qu'une histoire. Nous ne pouvons pas vraiment dire que nous faisons du théâtre. Nous ne nous considérons, en plus, pas bons en tant que comédiens. Ce sont vraiment des ambiances que l'on souhaite dégager. Cela n'exclut pas que, peut-être, nous en ferons plus tard, ou essayerons d'en faire, puisque, comme je l'ai dit, nous avons pour projet de faire un spectacle pour enfants où il y aura probablement une partie plus théâtrale, qui se ressentira plus que dans le spectacle actuel. Mais, pour l'heure, nous ne pouvons pas avoir la prétention de dire que nous faisons du théâtre.


 

Entretien réalisé par Pierre RAUTUREAU

Relu et amendé par Samuel Burguière

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article