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Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).

Les Estivants - M.Gorki / E. Lacascade

Spectacle vu au TnBA du 14 au 16 avril 2010

 


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Extraits du dossier de présentation du spectacle :

Comme chaque été, Bassov et sa femme Barbara retrouvent leur datcha et leurs amis. Sont présents Carélie, sa sœur, son jeune beau-frère, son secrétaire, l'ingénieur Souslov, sa femme Youlia, le médecin Doudakov, Olga sa femme, le propriétaire Rioumine. Arrivent également  l'étudiant Zimine, l'oncle Deuxpoints, et Sonia. Les vacances paisibles sont troublées par l’arrivée de l’écrivain Chalimov qui entre en conflit avec le médecin Maria Ivovna. Ce petit monde douillettement embourgeoisé en sera bouleversé. Entre confidences et coups de griffe apparaissent les idéaux reniés, les amours muettes, les lâchetés, les abandons, les déceptions. Poustobafoka, le veilleur de nuit, Kropilkine, le gardien, regardent vivre les estivants.Gorki dit avoir écrit Les Estivants pour redonner des "rêves à l’âme".

"Je suis trop petit pour les choses sublimes et trop grand pour les petites choses"

Maxime Gorki

 

Les Estivants comme une suite des Barbares.

La suite du travail avec ce groupe d'acteurs-là, la suite de notre étude sur Gorki.

Creuser le sillon avec ténacité, insister. Descendre dans les profondeurs. Énerver. Épuiser.

C’est avec cette exigence que tout au long de ces derniers mois, je me suis approprié la matière littéraire pour en faire une adaptation ou plus précisément une articulation qui aboutit à un matériau premier pour le travail de plateau.

 

De Tchekhov à Gorki : deux études parallèles se nourrissant l'une l'autre.

D'un monde qui se regarde mourir à un monde qui se voit naître. Un monde ancien qui dégénère, un monde nouveau non encore parvenu à voir le jour, où, dans le clair-obscur, peuvent surgir les pires monstres comme les plus belles chimères.

 

L'écriture de Gorki ne nous met pas en suspens par rapport au dénouement de la fiction, elle nous oblige au contraire à nous intéresser au déroulement des actions. Au présent de l'acte. Passé et futur viennent de surcroit. Ainsi Gorki est un formidable laboratoire d'analyse comportementale. Situations extrêmes, situations crise, situations crash. Évidemment.

Et ces situations, il ne s'agit ni de les théoriser, ni de les commenter, ni de les imiter, il s'agit d'en être. Gorki ne produit pas un théâtre d'idées mais un théâtre matérialiste, où être est un processus d'adaptation aux circonstances de la vie, chacun devant composer entre son bonheur individuel et son désir d'appartenance à la communauté.

 

 Il ne s'agit pas d'un spectacle de plus, mais de la poursuite d'une recherche sur l'acteur (être), sur notre héritage théâtral (avoir), sur la place du théâtre dans l'époque, sur la place de l'époque dans l'histoire, sur la place de l'humain dans cette histoire-là.

 

Les personnages de Gorki ne sont là ni pour nous divertir, ni pour nous communiquer quoi que ce soit, Ils ne sont là ni pour nous être sympathiques, ni pour devenir nos héros ;  juste ils sont là. Et il faut bien faire avec.  En revanche, et c’est là où ils nous troublent,  leur place et leur rôle ils ont bien du mal à les reconnaitre et à les tenir. L'individu chez Gorki est une découverte permanente et non une donnée fixe et définitive.

 

On aimerait tellement pouvoir s'identifier à des personnages de théâtre, on aurait tellement besoin de guides et de lumières, mais qui voudrait s'identifier à ces gens- là, qui voudrait s'identifier à soi-même, et qui voudrait de soi comme guide?

 

Regardons-les œuvrer dans ce clair-obscur, sans espoir de lendemains qui chantent, sans petites lumières scintillantes dans le lointain. Ces estivants-là tracent leur chemin dans la forêt, et les branches et la pluie fouettent douloureusement leurs visages. Et nous réconcilient avec ce que nous sommes.


Eric Lacascade, novembre 2008

 

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Le metteur en scène :


Né à  Lille en 1959, Eric Lacascade fait des études de droit et parallèlement se forme à tous les métiers du théâtre, au Prato, salle alternative lilloise fondée par Gilles Defacque. Il y rencontre Guy Alloucherie avec qui il fonde le Ballatum Théâtre qui très vite devient l’une des compagnies les plus inventives des années 80. La création de Si tu me quittes est-ce que je peux venir aussi ? en 1988, à Liévin, révèle la compagnie. Viennent la reconnaissance nationale et les tournées internationales

En 1997, le Ministre de la Culture, Philippe Douste Blazy, souhaite ouvrir la direction des Centres Dramatiques Nationaux à une nouvelle génération d’artistes. Eric Lacascade et Guy Alloucherie, sont nommés à la Direction du Centre Dramatique National de Normandie. Conscients que leur art ne pourra progresser désormais que dans le cadre d’une structure stable et pérenne, désireux de s’ancrer dans un lieu après des années de nomadisme, les deux metteurs en scène acceptent l’enjeu. Cependant, Guy Alloucherie reprend très vite sa liberté. Eric Lacascade reste, développe une méthode de travail et élabore un répertoire autour d’une équipe de comédiens fidèles, noue des relations avec les grandes institutions du réseau national- le TNS, l’Odéon, le Festival d’Avignon - et les scènes étrangères grâce à ses tournées et aux accueils en Normandie, expérimente des dispositifs d’accompagnement pour les talents émergents…

Avec le Festival d’Avignon, Eric Lacascade commence une relation privilégiée en 2000 avec la création, dans un même lieu, avec une même équipe de comédiens, de trois pièces de Tchekhov : Ivanov, La Mouette et Cercle de Famille pour Trois sœurs. En 2002, il y crée Platonov dans La Cour d’Honneur cette fois ; le spectacle a un succès retentissant, l’artiste ayant réussi une triple gageure : faire entendre la prétendue intimité de Tchekhov dans la Cour, occuper l’espace dans toutes ses dimensions et donner toute la place à une troupe d’acteurs faisant un travail de  choralité, à l’opposé de la tendance à la « starisation » qui prévaut à l’époque. Cas unique, Platonov est programmé  de nouveau, dans la même Cour l’année suivante, celle de la crise des intermittents qui conduisit à l’annulation du Festival, quelques jours avant l’ouverture. Il reprend possession de cette même Cour d’Honneur, en 2006,  avec la création des Barbares de Maxime Gorki.

De la même manière, par deux fois l’Odéon s’attache la collaboration d’Eric Lacascade : en 1999, avec une nouvelle création d’Ivanov de Tchekhov puis en 2004, avec la création de Hedda Gabler de Ibsen, pièce dans laquelle Eric Lacascade dirige  Isabelle Huppert.

 Après leur création, les spectacles font l’objet de tournées importantes en France et à l’étranger. La première trilogie Tchekhov a été jouée plus de cent cinquante fois, a reçu le Grand prix de la   Critique décerné par le syndicat professionnel de la critique dramatique française et le prix Politika décerné par le Festival de Belgrade. Platonov a tourné pendant deux saisons, le spectacle Hedda Gabler s’est joué en Espagne, en Suisse et en Allemagne.

Parallèlement à ces grandes formes théâtrales, propices à développer des démarches chorales et spectaculaires, Eric Lacascade explore d’autres voies plus légères ou expérimentales suggérées par des comédiennes inspiratrices : Il dirige Norah Krief dans deux spectacles musicaux : Les Sonnets de Shakespeare et La tête ailleurs, sur des textes écrits par François Morel pour la comédienne. A l’initiative de Daria Lippi, il dirige le projet Pour Penthésilée, spectacle pour comédienne seule, sous les regards croisés de metteurs en scènes et chorégraphes.

Pendant les années de direction au Centre Dramatique National de Normandie, Eric Lacascade défend un Théâtre d'Art exigeant et populaire. Ce Théâtre d'Art se concrétise dans une pratique de toutes les composantes de l'art dramatique, dont la première est évidemment sa recherche d'artiste singulier. Son travail se déploie en longues périodes : dans le cycle De la vie, de l’amour, de la mort, s’entrechoquent les écritures de Racine, Claudel, et Durif. Electre, Phèdre, L’Echange sont des prétextes à la composition d’une écriture scénique dont la grammaire s’élabore dans des travaux de laboratoires, préludes nécessaires à une production. Le manifeste de cette recherche  pourrait être Frôler les pylônes, création collective faite pour le TNS en 1998 sous forme d’un oratorio rock.

La recherche personnelle du metteur en scène est inséparable de la question de l'acteur. Eric Lacascade s'est attaché à fidéliser,  tout au long de ces années, un groupe d'acteurs qui est à la fois le fondement et le véhicule de son art. 

 La formation et la transmission font aussi partie intégrante du théâtre tel qu'Eric Lacascade le pratique. Au Centre Dramatique National de Normandie, il expérimente, pendant six ans, une école d’apprentis pour une vingtaine de jeunes artistes immergés dans le théâtre, au contact de maîtres successifs. Cette phase intensive est complétée  par un dispositif d’insertion original, appelé Laboratoire d’Imaginaire Social. La grande majorité de ces jeunes sont aujourd’hui professionnalisés

Enfin, les trois plateaux du Centre Dramatique National, implantés à Caen et à Hérouville Saint Clair, ont accueilli les grands maîtres européens aussi bien que des artistes novateurs et ont été ouverts aux jeunes talents de la région.

"Pendant, longtemps je me suis construit dans la compagnie de Tchekhov" a pu dire Eric Lacascade ;

 Maxime Gorki, autre auteur russe, signe la fin d’une décennie et  inaugure un nouveau cycle de création.



LES COMÉDIENS

UN TRAVAIL DE TROUPE

 

Le théâtre n’est pas l’œuvre d’un seul homme. Le théâtre est pour moi travail de groupe, de collectif, d’atelier. C’est sur cette pratique de l’acteur et du collectif que j'ai bâti une œuvre théâtrale tout au long des années passées en compagnie,  puis des dix autres à la direction d’un Centre Dramatique National.  Le groupe des acteurs est indissociable de mon travail, dans la réflexion comme dans la pratique. Le groupe des acteurs préexiste toujours au premier élan créateur, avant le texte même. Ce qui m’intéresse par delà le texte, c’est la traversée commune  de celui-ci. La prise en charge du plateau est collective. Cette énergie est plus créatrice qu’une quelconque performance individuelle, car elle seule a le pouvoir d’englober le groupe des spectateurs.  Le théâtre que je fais est fabriqué par un chœur sans héros. Dans celui-ci le corps de l’acteur est l’instrument privilégié, la parole naît du plateau, elle surgit du quotidien, du corps, du travail physique, de l’improvisation. Elle se cristallise et devient essentielle. Le  texte survient comme le souffle, il part de l’organicité de l’acteur, de l’urgence qu’a l’acteur à dire, à un moment, un mot, une phrase, en situation. C’est toujours une parole personnelle, intime. Il s’agit toujours de constituer un corps scénique. Mon théâtre est un chœur sans héros. Il n’y a pas de premier rôle, il n’y a pas de rôle secondaire. C’est la choralité qui fait la force de ma démarche artistique.

Je ne peux envisager de continuer mon parcours et l’approfondissement de mon art et d’une méthode de travail, sans la présence de ma fidèle équipe artistique dont les piliers sont : Jérôme Bidaux,  Jean Boissery, Arnaud Chéron, Arnaud Churin, Alain d’Haeyer, Christophe Grégoire, Stéphane Jais, Christelle Legroux, Daria Lippi, Millaray Lobos, Frédérique Duchene… Leurs expériences sont différentes, certains ont été formés au Conservatoire National Supérieur de Paris, d’autres ont l’expérience d’une école moins connue, Limoges ou l’Académie de l’Université Catholique du Chili ; certains autres ont débuté avec moi, chez Gilles Defacque, d’autres ont commencé leur carrière dans mon atelier. Leur talent tient aux voies qu’ils explorent et dont ils se nourrissent mutuellement pour former le chœur créatif qui est l’essence de ma pratique.

Eric Lacascade

Pour aller plus loin, une critique sur Fluctuat : http://theatre-danse.fluctuat.net/blog/42773-les-estivants-drame-burlesque-de-gorki.html

Une autre dans La Terrasse : http://www.journal-laterrasse.com/les-estivants-1-5147.html

Puis dans Rue du Théâtre : http://www.ruedutheatre.eu/article/753/les-estivants/?symfony=c74e3d6d29c1f1af6f0577b05f5ca982

 


 

 

 

 

 


 


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