Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).
Spectacle vu au TNT de Bordeaux du 25 au 27 mars
Histoire d'un conte
Kate Mcintosh est une artiste néo-zélandaise. Elle a débuté par des études de danse. Depuis 1995, elle se produit au niveau international. Aujourd’hui, elle fait du théâtre, de la vidéo, et des performances (elle vient de présenter Dark Matter au Centre Pompidou). Elle fait également parti du groupe punk-rock Poni, et est basée à Bruxelles. Pour l’écriture de Loose Promise, elle a fait appel à cinq écrivains, auxquels elle a donné les mêmes éléments narratifs à intégrer au texte. Loose Promise est un solo autour du rapport entre le corps et l’histoire qui explore la manière dont-elles se mêlent entre-elles, et nous traversent. C’est un spectacle qui laisse parler le sensible tel qu’il est, au naturel.
Kate McIntiosh décide pour Loose Promise de faire une commande de contes à cinq écrivains anglophones Tim Etchells, M. John Harrison, Deborah Levy, Richard Maxwell et Jo Randerson. Ces écrivains sont issus de différents horizons. Ils sont poètes et souvent polyvalents : performeurs, romanciers, metteurs en scène etc. Chacun de ces textes sont imprégnés de l’approche artistique et sensible de chaque écrivain. Par exemple, dans son travail d’écriture Tim Etchells s’intéresse à trouver de nouvelles approches par la forme, il cherche à explorer les limites de la langue. Il pratique ainsi le collage de textes pour créer des collisions entre des récits issus d’univers différents et qui n’ont apparemment pas de connections. Il utilise par exemple des slogans publicitaires qu’il soude au jargon technique internet, à des citations de série-B ou des phrases de contes de fées. John Harison lui, a un style plutôt lyrique caractérisé par la contradiction, le mysticisme et le réalisme. Ils traitent d’expérience magique infortunées dans avec un pays imaginaire, ainsi que de thèmes gnostiques.
Kate McIntosh apparaît seule sur scène pour le public. Elle évolue dans une scénographie épurée. Plusieurs objets sont disposés sur le plateau dans une logique apparemment aléatoire. Un micro renversé, une échelle, une photo représentent les lieux de chacune des histoires. L'artiste convie, le temps d'un soir, le public à écouter ses contes extraordinaires. Par le regard : les espaces merveilleux évoqués par les "choses" peuplant la scène, les apparitions de marques ou de matières sur le corps de Kate McIntosh ainsi que les gestes qui accompagne la voix de l'interprète, témoignent de cet aspect stupéfiant. Ces témoins se retrouvent aussi dans l'écoute : le spectateur suit les péripéties imprévisibles et tragiques -pour certaines- de chacun des personnages des fictions.
Le merveilleux, présent dans les textes, et le cynisme qui les caractérisent secouent le public. Le jeu de Kate se décale de la saturation du grincement et de l'irréalité des univers des contes. Elle reste statique pendant un long moment dans les lieux des histoires. Ces espaces subtilement représentés reflètent l'intimité que Kate McIntosh cherche à donner à Loose Promise. Elle donne, dans son jeu, des impressions qui soulignent l'irréalité des monologues, mais est aussi là pour ajouter d'autres sentiments que ceux provoqués par la narration. Après le rire crissant et jaune, l'égarement s'installe chez le spectateur, son amusement s'efface pour laisser la place à la tristesse et à la culpabilité d'avoir ainsi ri du malheur des personnages.
Kate McIntosh aborde la scène à la façon d'une confession. Avec ses histoires, elle s'adresse directement aux spectateurs. Elle n'est pas ici pour une représentation mais pour offrir! Loose Promise pourrait être considéré comme l'oeuvre d'une conteuse à part entière. Elle ne raconte pas une histoire, elle la vit. Elle ne survole pas le public, elle le tient, le regarde, lui chuchote à l'oreille... La voix, le corps, le jeu, tout ici est dédié à l'autre, il n'y a pas de demi-mesure! Le quatrième mur, est alors, éliminé. Un spectacle à la One-Woman Show mais avec une sincérité à fleur de peau.
Jade Lucca, Rapahel Hoarau, Alison Inard, Aurélien Dubreuil.