Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).
Au cours de mes deux années d'études à l'université, j'ai pu aborder principalement deux types d'écrits. L'an passé, nous avons travaillé essentiellement sur la critique journalistique, tandis que cette année s'est basée sur la critique universitaire. De ces deux années, j'ai donc acquis une pratique en tant que critique. Avec mon expérience, j'ai pu relever les différences entre la critique journalistique et la critique universitaire, de même que les méthodes d'écriture ainsi que les enjeux qu'entraîne une critique.
À travers ma pratique, j'ai pu noter des divergences sensibles entre la critique journalistique et la critique universitaire. La critique journalistique semble se placer du côté des spectateurs. Le journaliste donne un avis de spectateur, beaucoup plus « à chaud » car il dispose de peu de temps pour s'y pencher plus en profondeur. Il se base donc sur ses réactions de spectateur pour donner envie ou pas d'aller voir tel ou tel spectacle. De plus, la critique journalistique doit pouvoir être lue par un large public, et surtout des spectateurs non avertis. C'est pourquoi elle est très descriptive et informative, mais aussi, du coup, plus ouverte, laissant la possibilité au (futur) spectateur de faire sa propre opinion. Cela n'empêche pas le journaliste de donner la sienne, mais il ne fait qu'exposer les points qui lui ont plu et ceux qui lui ont déplu. C'est une vision générale du spectacle qu'il partage. J'aime ce type d'écrit car nous n'avons pas à rentrer dans les moindres détails et à tout analyser. Ce qui est tout le contraire de la critique universitaire.
Celle-ci se place bien plus du côté des artistes et du spectacle. Disposant généralement de plus de temps devant lui pour rédiger son écrit, le critique universitaire établit une réflexion sur le spectacle, il le questionne davantage. Il ne s'adresse pas aux mêmes lecteurs et spectateurs que la critique journalistique : afin de pouvoir lire ce type de critique, il faut bien connaître le milieu, les termes techniques, être au fait de ce qui se passe dans l'univers du spectacle, en somme être un spectateur avisé et expérimenté. Une critique universitaire aborde en profondeur le spectacle, sous tous ses angles, scénographie, performance, déroulement du spectacle etc. Elle rentre donc beaucoup plus dans l'aspect technique et professionnel du spectacle et dans l'analyse. C'est un exercice que je n'aime pas, surtout si j'ai adoré le spectacle. J'ai l'impression de devoir le décortiquer, de le démonter entièrement, or je n'ai pas envie de me poser la question de pourquoi ça a marché, qu'est-ce qui a fait que j'ai été prise dedans, comment ont-ils fait ceci ou cela ?
D'une critique à l'autre, d'un spectacle à l'autre, et d'un critique à l'autre, les méthodes d'écriture diffèrent. Premier point : quand écrire ? Certains aiment rédiger la critique juste après le spectacle, d'autres vont noter les éléments qui les ont marqués, pour ne pas les oublier. Ils écriront la critique plus tard, pour avoir aussi du recul sur ce qu'ils ont vu. D'autres encore aiment à parler du spectacle avec leurs amis, leur entourage avant d'écrire, cela leur permettant souvent du recul mais aussi de relever quelques pistes de réflexions. Personnellement, je serai plus dans ce dernier cas. J'aime à me laisser un laps de temps avant de passer à l'acte d'écriture, laisser décanter mes idées et mes remarques.
Pour ce qui est de l'acte d'écrire en lui-même, plusieurs possibilités là encore : soit c'est la rédaction d'un seul jet et on ne revient plus dessus ; soit un premier jet aussi mais en revenant dessus un peu plus tard ; soit encore écriture en plusieurs fois, ce que je fais, car de toute façon je n'aime pas devoir analyser un spectacle. Mais, dans l'ensemble, une relecture s'effectue par une autre personne, de préférence qui ne connaît pas le spectacle sur lequel nous écrivons.
Là dessus, les avis divergent. Sur quel spectacle écrire ? Sur celui que nous avons aimé ou plutôt sur celui que nous avons détesté ? Écrire sur un spectacle qui ne nous a pas plu semble plus facile, mais cela n'engage que moi. Quand je rédige une critique sur un spectacle que j'ai aimé, ce n'est pas du tout évident car j'ai tellement été subjuguée par ce que j'ai vu que je n'ai pas tout relevé dans les détails, ce qui pose problème pour faire une analyse. De plus, j'ai tendance à ne pas détailler car je ne veux pas voir non plus ce qui n'allait pas, les défauts, et je n'ai pas envie d'égratigner le spectacle. Tandis qu'avec un spectacle que je n'ai pas aimé, c'est tout le contraire. J'ai fait en sorte de relever les défauts pour mieux en parler plus tard, pour avoir de la matière, c'est marqué dans ma mémoire. Je fais également en sorte d'avoir des points positifs pour rester objective. Le critiquer, analyser ce qui ne m'a pas plus, mettre en question le spectacle, me viennent plus facilement, et l'écriture se fait plus rapidement aussi. Enfin, quelque soit le spectacle, j'ai peur de ne pas être assez objective dans ma critique.
Tout cela soulève la question des enjeux d'une critique. En premier lieu, il me semble important qu'une critique reste la plus objective possible, ce qui est loin d'être évident à trouver et à faire. Lorsque nous écrivons une critique, nous donnons forcément notre point de vue, ce qui n'est pas neutre. Nous sommes plus ou moins bienveillants à l'égard des artistes, selon s'ils sont professionnels ou amateurs. Toutefois, l'important est de trouver à un spectacle ses aspects aussi bien négatifs que positifs, et de prendre du recul pour écrire.
D'autre part, quelle est utilité de produire une critique ? Les raisons sont variables, dépendant de la personne qui rédige. Personnellement, j'ai du commencer à en écrire une dans le cadre des cours, donc cela a représenté davantage une obligation, étant donné que je n'aime pas devoir écrire, et surtout analyser un spectacle. Mais pour ceux qui aiment cela, il est important de garder une trace à propos du spectacle qu'ils viennent de voir. Ou encore de lui rendre hommage tellement ils ont été touché et donner envie d'y assister. Certaines personnes écrivent pour avoir la possibilité d'agir sur les gens, elles veulent leur donner envie de retourner voir des spectacles, de la danse, du théâtre, du cirque. D'autres encore veulent faire découvrir des artistes et/ou des petites compagnies.
Pour conclure, une critique est donc à la fois personnelle car elle relève principalement de nos émotions, et publique car pouvant être lue par n'importe qui. De plus, ce n'est pas le même exercice que de réaliser une critique journalistique et une critique universitaire, elles n'ont pas ni les même objectifs, ni les mêmes destinataires. Produire des critiques pendant ces deux années ne m'a pas été facile. À travers elles, j'ai toutefois appris à poser un autre regard sur les spectacles, plus aiguisé, à les questionner et à faire avancer mes réflexions.
Carole PHELIPPOT