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Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).

Maître Puntila et son valet Matti - Bertolt Brecht / Guy Pierre Couleau

 

 

Présenté au TNBA du 11 au 15 mars 2014

 

(c) Agathe Poupeney

 

Maître Puntila et son valet Matti est une pièce écrite par Bertholt Brecht en 1940. C'est une pièce écrite en collaboration avec Magarette Steffin. Cette œuvre n'a pas pu être jouée avant le 5 juin 1948 au Schauspielhausde Zurich.

Guy Pierre Couleau est un metteur en scène né en 1958 qui a commencé sa carrière comme acteur avant de signer en 1994 sa première mise en scène avec le spectacle Le Fusil de Chasse de Y.Inoué. Mais ce n’est qu’en 1998 qu’il décide d’arrêter le jeu et de se consacrer entièrement à la mise en scène. Depuis, il a réalisé près d’une vingtaine de spectacles (parmi eux Le Baladin du Monde Occidental de John Syng en 1999 ou encore Rêves de Wajdi Mouawad en 2005). Il est depuis 2008 à la tête de la Comédie de l'Est, Centre Dramatique implanté à Colmar en Alsace, autrefois régional mais qui obtient le titre de Centre Dramatique National en 2012. En octobre 2012, il monte la pièce de Bertolt Brecht Maître Puntila et son valet Matti, dans une mise en scène mouvante, prenant le parti de faire ressortir les versants comique et politique du le texte.

 

La scénographie de Maître Puntila

 

C’est une scénographie épurée permettant toutes les modulations de son imagination que livre ici le metteur en scène. De grands châssis blancs encadrent le plateau, leur mobilité servant à sculpter l’espace dans le but de créer les différents lieux de la pièce, passant aisément d’un intérieur à un extérieur, du salon d’une maison à un sauna. Les jeux d’ombre et de lumière possibles grâce à la transparence du tissu blanc composant les panneaux permettent une transformation du corps, le livrant à l’oeil du public sous sa forme la plus pure, la plus simple, la plus dissimulée. Les personnages sont réduits à une simple ombre noire, ils s’uniformisent, se mélangent dans la multitude des secrets de la demeure du patron qu’est Puntila.

Les costumes, quant à eux, bien qu’étant largement inspirés des costumes que l’on pouvait trouver en Finlande à l’époque de l’écriture de la pièce (car à ce moment-là Brecht était exilé en Finlande), ne représentent pas de lieu ni d’époque précis, ceci dans une volonté de Guy Pierre Couleau d’être « dans une allégorie, dans une métaphore et ce qui est en scène doit exprimer sa puissance par sa valeur symbolique »1. Cet aspect est aussi présent dans la scénographie grâce à la forte présence du bois qui, aux yeux du metteur en scène, est un symbole de la Finlande, un rappel du lieu de l’action sans toutefois l’y ancrer. La scénographie fluide ne cadre pas avec une volonté de réalisme. Ces symboles de la Finlande renvoient à l’oeuvre de Brecht et au contexte dans lequel elle a été écrite sans l’y emprisonner afin de laisser au spectateur la liberté nécessaire à son imagination.

Le décor tout de noir et blanc et le jeu au comique de geste, presque clownesque, n’est pas sans rappeler les oeuvres de Charlie Chaplin, contemporain de Brecht. De plus, le coeur de l’histoire (« Aventures d’un grand propriétaire finnois et de son chauffeur. Il est humain uniquement quand il est ivre, car il oublie alors ses intérêts. »2) renvoie au film Les lumières de la ville dans lequel Chaplin se lie entre autres d’amitié avec un homme riche qui se montre gentil à son égard lorsque il est ivre et odieux quand il est sobre, film qui fut de fait une des premières inspirations de Guy Pierre Couleau pour sa mise en scène. Les couleurs sont seulement apportées par les costumes des personnages, particulièrement les féminins avec Eva en rose ou les fiancées de Puntila en rouge, vert, jaune et bleu. Une touche de modernité dans un cadre ancien, un mélange entre le vieux et le neuf, comme si le metteur en scène s’était amusé à colorer les bandes des films de Chaplin aux couleurs de l’écriture de Brecht.

 

Brecht, une écriture de la domination

 

Brecht (février 1898 - août 1956) a fui l'Allemagne d'Hitler au début de la Seconde Guerre Mondiale pour des raisons politiques : en effet, Brecht était marxiste. Son exil le mènera donc du Danemark à la Finlande (où il écrira Herr Puntila und sein Knecht Matti) puis, en mai 1941, il quittera l'Europe pour les Etats-Unis où il fera la connaissance de Charlie Chaplin. Cependant, durant toute sa période d'exil, il continuera à publier des pièces critiquant le Troisième Reich dont, par exemple, La Résistible Ascension d'Arturo Ui, dont le personnage éponyme n'est autre en réalité qu'une représentation d'Hitler.

 

Comme à son habitude, Brecht nous offre ici à voir une pièce visant à élever le public. Maître Puntila et son valet Mattimet en scène les relations sociales qui régissent la société de son époque et dénonce le rapport dominant-dominé qui s'établit entre employeur et employé. Toutefois, cette œuvre-ci est inspirée de l'histoire de l'écrivain finlandais Hella Wuolijoki3 qui a hébergé Brecht durant son séjour en Finlande. Nonobstant, il semble que Brecht ait voulu faire passer son message sur le ton de la comédie « populaire » (il qualifiait lui-même cette œuvre de VolktsÜck) et de la plaisanterie même si on ne peut nier qu'il y ait une certaine gravité dans la tirade de fin de Matti. Brecht communique ses idées aux spectateurs par l'intermédiaire de plusieurs styles d'écritures : tantôt poète, tantôt didactique, mais toujours dans le but de mettre à disposition du public son ressenti et ses idéaux et libre ensuite au public de saisir les outils nécessaire à la compréhension des intentions de l'auteur. Nous pouvons noter une ressemblance frappante entre certains personnages des pièces de Molière, par exemple, et ceux de Puntila et Matti (rapport dominant-dominé abordé avec le même comique, la même énergie), lié (peut-être ?) au jeu des comédiens.

 

La distanciation, un élément brechtien incontournable :

 

Nous retrouvons également le procédé de distanciation cher à Brecht dans son écriture. L'auteur s'inspire de la technique de Friedrich von Schiller, qui utilisait beaucoup le procédé de distanciation. Ce procédé d'écriture sert à faire en sorte que le public ne s'identifie pas aux personnages afin de pouvoir analyser au mieux la situation qui leur est présentée. Cette technique d'écriture amène donc le spectateur à réfléchir au lieu de le conforter dans l'illusion théâtrale. Ce qui permet, entre autre, cette distanciation c'est la prise de conscience de Puntila sur le « fossé » qui le sépare de Matti ainsi que de l'ensemble des ses domestiques, d'ailleurs, lorsqu'il a bu. Effectivement, c'est une manière de dénoncer l'inconscience des patrons sur la domination qu'ils exercent et ceci d'autant plus que, dans la réalité extra-théâtrale, il semble peu probable aux yeux de Brecht qu'un patron puisse avoir cette prise de conscience de manière spontanée.

 

Conclusion

 

Ce krinomen abordera donc les thématiques du rapport entre dominant et dominé, que ce soit entre maître et valet, père et enfant ou homme et femme et de la distanciation, leur représentation dans la mise en scène de Guy Pierre Couleau au travers notamment de la scénographie, entre mouvance et simplicité dont on peut se demander si elle réussit le pari audacieux de porter le texte de Brecht au plateau dans tout son intérêt.

 

Sources :

 

Dossier Pédagogique du spectacle Maître Puntila et son valet Matti réalisé par le TNBA.

URL : http://comedie-est.com/index.php?file=bio-gpc link

URL : http://comedie-est.com/index.php?file=crea_puntila link

URL : http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Maitre-Puntila-et-son-valet-Matti/ensavoirplus/ link

 

Bande-annonce du spectacle : https://www.youtube.com/watch?v=L5_ifEJ4l-s link


 

Quelques critiques sur le spectacle :

 

URL : http://culturebox.francetvinfo.fr/maitre-puntila-et-son-valet-matti-a-strasbourg-brecht-a-la-sauce-chaplin-133875 link

URL : http://www.journal-laterrasse.fr/maitre-puntila-et-son-valet-matti-guy-pierre-couleau-comediedelest-critique-brecht-theatre/ link

URL : http://www.lestroiscoups.com/article-maitre-puntila-et-son-valet-matti-de-bertolt-brecht-critique-de-laura-plas-theatre-firmin-ge-112700114.html link

URL : http://www.telerama.fr/art/maitre-puntila-et-son-valet-matti,91314.php link

 

 

 

Rédaction de l’avant-papier : Chloé Loustau et Emeline Pallatier

 

 

 

1Dossier Pédagogique du spectacle Maître Puntila et son valet Matti réalisé par le TNBA.

2Bertolt Brecht, dans un de ses carnets de travail. D’après le Dossier Pédagogique du spectacle Maître Puntila et son valet Matti réalisé par le TNBA.

3Hella Wuolijoki (juillet 1886 – février 1954) auteure finlandaise et politisée. Elle a également été la directrice de la radio Yle et a joué au théâtre et dans une adaption cinématographique.

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