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Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).

Nos parents - Hervé Guibert, collectif Crypsum

 

 

Un spectacle du collectif Crypsum, d’après le roman Mes Parents de Hervé Guibert, créé et présenté du 10 au 19 décembre 2013 à la Manufacture Atlantique


Rédaction de l'avant-papier : Céline Mouchard, Thomas Buffet et Hugo Antoine

 

 

Avec Elodie Buisson, Alexandre Cardin et Miren Lassus Olasagasti. 

Construction et lumières : Jean-Luc Petit

Vidéo : Alexandre Cardin et Thomas Rathier 

Production : Crypsum 

Co-réalisation : Glob théâtre - Bordeaux, OARA - Office Artistique de la Région Aquitaine. 

Soutiens : Pôle Culturel Intercommunal - Billère, TnBA - Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine, La Grange - La Réole, La Caravelle - Marcheprime, Glob Théâtre - Bordeaux. 

Partenaires : Mairie de Bordeaux, Conseil Régional d’Aquitaine 

 

 

© Collectif Crypsum

 

Hervé Guibert (1955-       )


Hervé Guibert est un auteur français. Il rend souvent visite à sa grand-mère paternelle qui lui raconte des abominations sur sa mère. Il a tout juste vingt-deux ans quand son premier livre, La mort propagande, est publié. En 1977, il rencontre Michel Foucault qui, impressionné par son talent, l’encourage dans son travail d’écriture. Hervé Guibert est recruté au journal Le Monde par Yvonne Baby comme chroniqueur photographique. En quelques années, il rédige plus de quatre cents articles pour la rubrique « Photo » et devient un critique d’autant plus reconnu qu’il signe en 1981, L’Image fantôme, devenu depuis un classique en photographie.


En 1983, Hervé Guibert est co-scénariste avec Patrice Chéreau du film
L’homme blessé, réalisé par ce dernier. En 1985, il quitte Le Monde. L’écrivain entre à la rédaction de l’hebdomadaire L’Autre Journal. Converti à la photo, il est aussi photographe à ses heures perdues. Menant plusieurs vies, Hervé Guibert est également romancier et signe Des aveugles après avoir été lecteur bénévole à l’Institut des jeunes aveugles.


En 1990, il publie aux éditions Gallimard À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, où il révèle sa maladie au public. Ce livre, qui fit scandale, le fait connaître du grand public. À trente-six ans, gravement diminué par le sida, il tente de se suicider pour mettre fin à ses souffrances et décèdera des suites de son acte à l'hôpital.


Dans
Mes parents, Hervé Guibert dresse violemment le portrait de sa famille en racontant son enfance, son adolescence et en dévoilant leurs secrets.


 

Le collectif Crypsum

 

Suivant les propos d’Olivier Waibel, cofondateur du collectif, « “Crypsum”, c’est un esprit “couteau-suisse”, [où] tout le monde peut passer du stylo au tournevis »[1]. C’est un collectif créé par des comédiens qui travaillent sur des textes non spécifiquement écrits pour le passage en scène. Le nom « Crypsum » vient d'un roman argentin qui use de ce terme pour désigner une glande imaginaire qui provoque le passage à l'acte. Le collectif réunit des acteurs, des auteurs, des graphistes, des vidéastes ainsi que plusieurs créateurs qui ne se dédient pas nécessairement aux arts vivants. Le collectif est né d’envies de mises en scène où l’adaptation et où la place du spectateur est sans cesse réinterrogée et où les rôles entre les artistes s’échangent. Ainsi, un comédien peut y exercer comme auteur, un auteur comme scénographe, un régisseur comme comédien… et ainsi de suite.

 

Le collectif a été créé en 2003 par des comédiens issus de l’Atelier Volant du Théâtre National de Toulouse. Après plusieurs participations aux Rencontres du Court – Festival 30’’30’ et la création de différentes formes pluridisciplinaires – (dans) tes yeux d’après David Lynch, La geste des endormis de Virginie Barreteau, Index d’après Peter Sotos, Cirrus d’après Fernando Pessoa –, le collectif Crypsum s’implante à Bordeaux en 2010 et propose un cycle consacré à l’écrivain et photographe Hervé Guibert, débuté par Vice et poursuivi par le spectacle Nos Parents.


Pour la saison 2011-2012, en partenariat avec l’OARA, le TnBA et L’Escale du Livre, le collectif Crypsum se consacre à la littérature américaine contemporaine et travaille à l’adaptation scénique du roman de Don De Lillo, L’Homme qui tombe, dont une première version est présentée au Molière Scène d’Aquitaine. En 2013, Crypsum est en compagnonnage artistique avec La Manufacture Atlantique de Bordeaux et propose Les Banquets, rendez-vous théâtraux, littéraires et culinaires : La Moussaka de Desdemona d’après Jeffrey Eugenides et Les Tourtes d’Irène  d’après Chuck Palahniuk. Pour la saison 2013-2014, Crypsum reprend le spectacle Nos Parents, co-accueilli par le TnBA et La Manufacture Atlantique, et La Moussaka de Desdemona à l’occasion du Festival Novart, sur une proposition de la librairie Mollat.


(Les parties précédentes sont issues du dossier de presse du spectacle)

 


Le dispositif scénique

 

Lorsque le spectateur entre dans la salle, le comédien est assis sur une table côté jardin, qui sera utilisée pour la construction de plusieurs espaces de jeu. Il rembobine plusieurs fois la caméra qu’il tient dans la main, pendant que sur deux paravents côté cour est projetée la vidéo du comédien qui se confie, tel un journal intime numérique. Un troisième paravent est disposé au fond à jardin et délimite un autre espace. Ces trois surfaces mobiles sont à la fois des écrans, des cadres et des décors, qui permettent de cacher un espace pour en construire d’autres, en particulier des espaces quotidiens, comme une chambre d’adolescent ou la cuisine familiale.


En fond de scène sont disposés plusieurs cartons remplis de costumes et d'accessoires qui seront utilisés pour la création des personnages (l’adolescente qui se déguise en femme, sa sœur qui revient d’Allemagne, le père…). On trouve divers objets qui alimentent le jeu des comédiens tout au long de la pièce : un frigo, une poubelle, une urne, une télé, une radio, des valises, des jouets. La scénographie est évolutive par le biais des paravents qui délimitent plusieurs espaces suivant leur position.

 

© Collectif Crypsum

 

L’utilisation de la vidéo

 

La projection vidéo tient une place centrale dans la construction de l’espace scénique, créant des décors virtuels. On note par exemple le papier peint de la cuisine, ainsi que la route prise par la voiture qui amène le personnage principal et ses parents en vacances. Des photos défilent également sur les écrans, à la manière d’un album de famille. Le souvenir est mis en scène par l'image, fixe ou animée, qui agit ainsi comme repère temporel.


Les vidéos projetées ne sont pas que des vidéos de souvenir, elles relaient l’image des comédiens pendant la représentation, grâce à leur caméra. La scénographie utilise trois écrans mobiles, ce qui permet de réunir ces images et d'en isoler des éléments afin d'en appuyer certains points, par exemple pour remodeler le souvenir diffusé, l'atténuer ou le rendre plus douloureux.


Le média vidéo permet aux comédiens d'introduire le spectateur dans leur intimité et de partager avec lui les réminiscences de leur passé. Chacun peut ainsi s’identifier à certains des épisodes familiaux (le départ en vacances, les fêtes, un mariage). L’arrêt de la vidéo ramène les personnages au moment présent, à leur réalité.


De plus, la vidéo constitue l'outil le plus concret pour servir l'adaptation de Mes parents, un texte non destiné à la scène. La vidéo tend à rendre spectaculaire ce qui est écrit, prolongeant le travail d'adaptation et révélant son élaboration, mettant le spectateur à contribution pour qu'il génère ses propres images et complète ainsi le spectacle.

 

 http://www.crypsum.fr/wp-content/gallery/nos-parents/4-vacances.jpg

© Collectif Crypsum

   

 

L’adaptation du roman à la scène

 

Quand on demande aux membres du collectif pourquoi ils ont fait le choix d'adapter Nos Parents, Olivier Waibel répond que « c'est le mélange et l'ambiguïté entre vrai et faux, fantasme et réalité » qui lui a plu. Alexandre Cardin, lui, était intéressé par les mécanismes de travail de Hervé Guibert : « il détaille la construction des actes en même temps qu’ils ont lieu, ce qui est aussi l’un des axes de travail de Crypsum : montrer comment les choses se font sur le plateau – l’aspect technique fait partie de la mise en scène. Ainsi, les comédiens assurent aussi la régie, disent les textes d’un autre tout en mettant leur propre intimité en jeu »[2].

 

L'un des principes fondateurs du collectif Crypsum est d'adapter à la scène des textes qui n'y sont pas destinés. En cela, le roman d'Hervé Guibert convient particulièrement à cette démarche, puisqu'il est déjà lui-même une adaptation d'extraits de journaux et d'annotations d’Hervé Guibert. Le spectacle, comme le livre, présente une suite de situations, de souvenirs, qui se suivent chronologiquement mais sans réel liens de causalité. On a par exemple la scène du retour d'Allemagne, la scène des lettres de son ami, la scène du maquillage, etc. C'est une écriture fragmentée, on n'a pas les moments de calme, ceux qui précédent les scènes familiales : ce qu'on voit est le moment-clé de leur vie.


Le collectif Crypsum manipule les fantômes de l'histoire individuelle de Hervé Guibert, il éclate la cellule familiale en mettant en scène trois comédiens qui interprètent à eux seuls chacun des rôles de la famille. Par exemple, le travestissement du personnage d’Hervé Guibert figure sa mère, une comédienne joue à la fois le père, la sœur et la tante. Le récit à la première personne devient pluriel, masculin et féminin.

 

Hervé Guibert, par l'écriture, offre aux lecteurs une partie de sa vie, des moments importants qui l'ont marqué. Le collectif Crypsum joue sur ce partage en divisant le texte entre tous les comédiens. Chacun est un tout. En interprétant plusieurs personnages, ils présentent aux spectateurs un panel de figures familiales, représentant une famille qui n'aurait jamais été aussi proche que dans ce spectacle.

 

On trouve dans le spectacle plusieurs signes de distanciation, comme l'adresse à la régie, le changement de costume face au public, la dispute des comédiens au début qui ne savent pas quel rôle jouer, l'adresse au public et même du narrateur/comédien envers lui-même, qui prend de la distance sur son propre récit. Cette notion se rattache à l'interrogation du collectif Crypsum sur les principes de représentation : « comment trouver dans le récit le moyen d'exploiter spatialement et dramaturgiquement la parole d'un auteur, de la projeter sur un espace public ? »[3].

 

 

Sources et liens :

 

Le site du collectif : http://www.crypsum.fr/

 

Des informations et des documents sur le spectacle :

- http://www.tnba.org/home.php

- une vidéo ainsi que des images sont disponibles sur la page suivante : http://www.crypsum.fr/?p=1

 

Une critique du spectacle : http://unfauteuilpourlorchestre.com/nos-parents-dapres-hguibert-par-le-collectif-crypsum-festival-une-semaine-en-compagnie/

 

Le dossier de presse TnBA de Nos parents

 

Le bord de scène du 12 décembre 2013, avec Olivier Waibel et le sociologue Arnaud Alessandrin

 



[1] O. Waibel, Dossier de présentation du spectacle.

[2] Id.

[3] Id.

 

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