Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).
Spectacle créé et présenté au Glob Théâtre de Bordeaux du 10 au 21 novembre 2009
Direction d’acteurs et scénographie : Jean-Luc Terrade
Avec Babeth Fouquet et Daniel Strugeon.
Réalisation décor : Khang N’guyen
Lumières : Jean-Luc Terrade et Etienne Dousselin
Son : Benjamin Ducroq
Costumes : Fanny Mandonnet
Maquillages : Michèle Bernet
Pièce phare de l’oeuvre de Beckett, « Oh les beaux jours » a pour longtemps marqué les esprits par l’interprétation “remarquable” de Madeleine Renaud. L’un des paris de cette création sera de tenter de faire oublier ce beau « fantôme » et ses successeurs, la musique trop familière de ce texte en cherchant à retrouver l’origine et par de-là l’originalité de cette écriture. Et pour cela nous partirons du postulat qu’il est impossible de monter cette pièce » (!), tout en espérant bien que nous pourrons prouver le contraire au fil de notre lecture du texte.
La première image de Winnie sera comme figée dans le temps, comme “automatisée” telle une poupée de cire, une marionnette. Peu à peu le visage se craquellera au fil de la représentation ; la chair reprenant le dessus. Quant aux objets qu’elle pose devant elle, nous donnerons l’impression qu’ils flottent dans l’air comme en apesanteur, hors du temps.
Un autre point nous semble important a questionner , c’est le rythme auquel cela doit se « jouer » ou plutôt se «dire ». Dans « Oh les beaux jours » comme dans la plupart de ses pièces, le rythme est imposé par l’auteur avec des indications souvent chronométrées à la seconde pour les temps de silence entre chaque phrase. Nous nous demanderons si ces textes ne doivent pas aller vite comme autant de soliloques éperdus, toujours à la recherche de quelque chose ; comme s’il s’agissait d’une course avec le silence à remplir de la même façon qu’on s’oblige à remplir ses journées !
Dans ce sens, il est intéressant de voir la différence de rythme quand ce sont des acteurs anglosaxons qui travaillent sur ces textes, comme par exemple Fiona Shaw récemment dans “Happy Days” ou encore Margo Lee Sherman dans “Not I”. Sortir des repères du théâtre français bien sûr et aussi tenir compte du changement d’époque par rapport à la création…
Il nous faudra trouver l’ ancrage particulier de l’humour omniprésent dans l’écriture de Beckett, mais aussi laisser apparaître l’horreur sous-jacente à ce qui se dit par cet humour, comme seul moyen de survie.
Aller vers une rapidité, à la recherche d’une vitalité, d’une joie qui le caractérisent aussi.
Trahir Beckett pour mieux le retrouver… et lui rester fidèle.
Extraits du dossier de presse :
Avec « Oh les beaux jours », Jean-Luc Terrade se propose de faire converger deux « moteurs » qui l’ont animés et inspirés tout au long de son parcours artistique : un cheminement avec un auteur, Samuel Beckett, et le compagnonnage au long cours avec des artistes, ici, Babeth Fouquet et Daniel Strugeon.
A l’origine de ce projet, le désir de Babeth Fouquet de se frotter à ce texte mythique du théâtre contemporain, de se confronter au personnage de Winnie. Suite à la création à Bordeaux de « Gouttes de silence » en 2001 (et tout particulièrement de l’interprétation de “Pas moi”), la comédienne avait sollicité Jean-Luc Terrade de la diriger un jour dans cette pièce.
Samuel Beckett : des rencontres régulières et singulières
Samuel Beckett a accompagné et influencé le parcours et le travail de Jean-Luc Terrade depuis de nombreuses années. Déjà, dans les années 80, Jean-Luc crée à Paris deux spectacles de théâtre « gestuel » inspirés de l’univers des romans et textes de Samuel Beckett. En 2001, la compagnie les Marches de l’été présente «Gouttes de silence : cinq textes de Beckett Fragment de théâtre 2/ Cette fois/ Pas moi/ Solo/ Berceuse », spectacle qui tournera dans toute la région Aquitaine.
En novembre 2008, Jean-Luc Terrade mettait en scène André Geyré et Daniel Strugeon dans deux monologues de Samuel Beckett La Dernière Bande et Cette fois.
Coproduit par la Cie les marches de l’été, le Centre Culturel du Piemont Oloronais, la Cie des Trente-Six Ports et l’Office Artistique de la Région Aquitaine, le spectacle était créé dans le cadre de Novart à l’Atelier des Marches en novembre 2008 et diffusé en janvier et février 2009 dans les Pyrénées Atlantiques et dans la Drôme.
A travers les nombreux stages et ateliers, qu’il a dirigé ces dernières années, Jean-Luc a fréquemment proposé, aux comédiens professionnels ou amateurs, de découvrir ou d’approfondir leur connaissance de l’univers de cet écrivain majeur en travaillant à partir de ses textes (« Dis Joe », « Sans », « Nouvelles pour rien » …)
Beckett est non seulement l’écrivain majeur du 20ème siècle, mais il est également un auteur qui a contribué à faire évoluer profondément le théâtre dans la seconde partie du 20eme siècle. Ses premières pièces, telle « En attendant Godot », s’imposent comme des oeuvres d’avant-garde dans l’époque d’immédiate après-guerre. Mais jusqu’à la fin de sa vie, dans ses oeuvres dramatiques (avec ou sans texte) telles que « actes sans paroles 1 &2 » il continuera par son inventivité et ses audaces à transformer radicalement le théâtre contemporain et à influencer d’autres disciplines du spectacle vivant En outre, beaucoup de démarches chorégraphiques ont découlé de ces dramaturgies : travail sur la répétition l’usure du temps, la spirale jusqu’à l’épuisement de l’image, l’automatisation de l’acte… D’autres textes ont quant à eux une très grande proximité avec un théâtre de récits ou encore un théâtre musical : fragments d’histoires, sans aucune action – apparente - et toujours une parole qui ne s’arrête jamais et que pourtant l’on voudrait faire taire ! « Oh les beaux jours » s’en rapproche. Nous parlerons d’ailleurs plus précisément pour ce texte d’une partition !
Pour en savoir plus, consultez le site des Marches de l'été, compagnie de Jean-Luc Terrade : www.marchesdelete.com