Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).
Spectacle présenté au TNBA du 4 au 8 décembre 2012
« Je suis mal dans ma peau ! Ce n'est pas un problème de sexualité mais d'identité. J'ai les genres qui s'emmêlent ! »
Vanessa van Durme, comédienne belge, est née homme en 1948. Elle fait ses études au conservatoire de Gand, dans la section art dramatique. Elle intègre rapidement la compagnie Nederlands Toneel Gent, nommée aujourd'hui NTGent. Dans les années 1970, elle décide de changer de sexe. Elle quitte alors la compagnie et décide de rompre avec l'art dramatique. Elle est opérée en 1975 à Casablanca. Vingt ans après, elle décide de renouer avec le théâtre. Elle se met à l'écriture et publie sa première comédie. Elle écrit également pour la télévision et la radio. Ce ne sera qu'en 1999 qu'elle remontera sur les planches ; le chorégraphe Alain Platel, de la compagnie les ballets C de la B, fera appel à Vanessa pour jouer le rôle de Tosca, une mère de quatre enfants dans Tous des Indiens. Après plusieurs productions théâtrales, elle décide d'écrire son histoire. Elle publie son autobiographie, Kijk mama, ik dans, « Regarde maman, je danse ». Son histoire est mise en scène par Frank Van Laecke ; elle l'interprète à de nombreuses reprises en Belgique mais aussi à l'étranger à partir de 2006. La tournée de ce spectacle fait l'objet d'un documentaire de Jean-Baptiste Dumont, qui s'intitule Vanessa danse encore. Lors de sa prochaine production, elle parlera de la maladie d'Alzheimer dans son spectacle intitulé Avant que j'oublie.
« Si l’on pose que le théâtre vit par la grâce de l’opposition entre voiler et démasquer, Regarde maman, je danse, est la sublimation des deux. Mettre Vanessa en scène est une manière unique en son genre de partir en voyage. Elle seule connaît la destination finale… moi, je suis le système GPS. » écrit le metteur en scène Frank Van Laecke.
Frank Van Laecke est un metteur en scène belge. La presse le surnomme « le magicien » en raison de ses divers talents. En effet, il met en scène des pièces de théâtre mais aussi des opéras et des comédies musicales. Il a reçu de nombreux prix en Belgique mais aussi à l'étranger. Il fut nommé Ambassadeur de la ville de Gand en 2000. En 2005, il lit Kijk mama, ik dans de Vanessa Van Durme et décide de le mettre en scène. La pièce est présentée pour la première fois en 2006, au théâtre de la ville de Gand.
Le spectacle s'ouvre sur la description d'une scène quotidienne au supermarché entre un homme et une femme. Cette scène permet à l'auteur de mettre l’accent et de critiquer la société trop machiste et effrayée par la différence, de nous dévoiler ses idéaux et son combat pour la femme. Regarde maman, je danse est un monologue dramatique, mais avant tout l'histoire d'une vie, un voyage, une quête d'identité ; celle de Vanessa Van Durme. Elle retrace avec nous le fil de son drôle de voyage ; à commencer par son enfance. Elle dépeint ce petit garçon mal dans sa peau, celui qui se déguisait avec les vêtements de sa mère, qui voulait danser, et jouer Juliette plutôt que Roméo. Cet adolescent attiré par les hommes qui désirait ardemment être une femme. En 1975, elle décide de mettre fin à son malaise et part au Maroc, à Casablanca, pour changer de sexe. Commence alors une période de transition dans laquelle elle va accepter sa différence et chercher à ce que les gens la comprennent. Progressivement, elle devient cette femme qu'elle a toujours voulu être. Même son père la trouve belle et la respecte. Désormais, c'est une femme accomplie. Après nous avoir parlé de son mariage ainsi que du décès de sa mère, elle termine son récit en reprenant l'image du supermarché. Une question reste en suspend, la même qu’au début de la représentation, a-t-elle fait le bon choix ?
« Changer de sexe dans les années1970 témoigne d'un courage exceptionnel, car c'était un parcours du combattant qui coûtait du sang et des larmes. L'histoire de Vanessa, qui touche au plus profond, est une véritable leçon d'humilité. Que celui qui ose se proclamer « normal » jette la première pierre » Alain Platel, metteur en scène, Cie les ballets C de la B.
Au jardin, deux poupées, un garçon et une fille d'environ 50 centimètres. La fille est blonde avec une robe blanche attachée par un ruban rose. Le garçon est brun et porte une salopette verte kaki et une chemise orange. A la cour, une table et deux chaises se font face. Sur la table, une bouteille d'eau et un verre. Seule l'avant scène est utilisée, le public se sent alors plus dans l'intimité. La comédienne est pieds nus et porte une perruque et une nuisette rose. On a l’impression qu’elle nous livre son récit dans l’atmosphère intimiste d’une cuisine.
Les deux poupées soulignent sa différence et lui rappellent que sa place est entre eux deux. Elle souffre : « J'ai les genres qui s'emmêlent ! ».
La lumière est brute, elle ne fait rien pour adoucir son image. Son allure masculine est dévoilée au grand jour. Il n'y a qu’un changement de lumière dans toute la pièce, à la fin, une douche éclaire la comédienne tenant les poupées dans ses bras. Il n’y a pas de musique, sauf dans cette dernière scène. Cette scénographie épurée coïncide avec le récit de Vanessa Van Durme.
Durant tout le spectacle, la comédienne joue avec son public en amenant tantôt des moments humoristiques, tantôt des moments d'introspection, de repli sur soi. Lorsqu'elle incarne des personnages, tels que ses parents ou le couple du supermarché, la comédienne choisit de le faire avec humour ; mais lorsqu'elle parle d'elle et de son passé, qu'elle est mise à nu devant son public, elle ne peut plus se cacher, elle est là, face à nous, et elle doit affronter la vérité. Elle passe de la première à la troisième personne en décidant de jouer son propre rôle, ou d'incarner un personnage.
(Pour les l’analyse, voir le compte-rendu du krinomen).
Pour aller plus loin :
Le spectacle étant en grande partie autobiographique, quel regard le spectateur porte-t-il sur sa performance ? Incarnation, performance, mise à distance, quel jeu(x) ce texte engendre-t-il ?
Humour cru, défense, provocation, quelle est la teneur de l’humour mis en jeu ?
Quels rires le traitement de ce sujet tabou provoque-t-il ? Si le rire est toujours celui d’un groupe, les rire que provoque Vanessa Van Durme sont-ils ciblés ?
Si l’actrice reconnait que son spectacle porte des enjeux qui dépassent le cadre du théâtre, sa manière de les porter au plateau est-elle convaincante ?
Liens utiles :
Interview de Vanessa Van Durme sur le spectacle Regarde maman, je danse : http://www.youtube.com/watch?v=Q8YwsPTkfLQ ( si la vidéo ne marche pas cette même vidéo est sur le site de Vanessa dans l’onglet : « media&presse » )
Site officiel de Vanessa Van Durme :
Site du Journal de la culture Arte :
http://www.arte.tv/fr/regarde-maman-je-danse-vanessa-van-durme/1193074,CmC=1486988.html
Site critique du Télérama ( Emmanuelle Bouchez - Telerama n° 3063) :
http://www.telerama.fr/art/regarde-maman-je-danse,33831.php
Article rédigé par Olga Benard, Julie Martin Cantero et Lorea Chevallier.