Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).
Spectacle présenté du 20 au 22 mars 2012 au TNBA
Germaine Acogny dans Songook Yaakaar
© Michel Cavalca
« L’auteur-danseuse »
Germaine Acogny est une danseuse et chorégraphe franco-sénégalaise considérée par ses pairs comme la « mère de la danse africaine contemporaine ».
Elle est née au Bénin en 1944. Bercée depuis sa plus tendre enfance, par la gestuelle de sa grand-mère, elle se passionne pour la danse et crée son premier studio à Dakar en 1968. Puis de 1977 à 1982 elle est nommée Directrice Artistique de Mudra Afrique, une école créée par Maurice Béjart et Léopold Sédar Songhor. Grandie par l’expérience acquise au fil des années, elle met progressivement en place sa propre technique de danse africaine moderne. En 1997, Germaine Acogny se voit confier le poste de Directrice Artistique de la section danse d’Afrique en création à Paris. Afin d’initier des danseurs de toute l’Afrique à la danse africaine contemporaine, elle crée au Sénégal, avec l’aide de son mari, l’Ecole des Sables, Centre international de danses traditionnelles et contemporaines d’Afrique. Germaine Acogny rencontre aujourd‘hui un succès planétaire et se constitue en réel émissaire de la danse de la culture africaine.
A noter qu’à cette reconnaissance s’ajoutent de nombreuses distinctions telles que Chevalier de l’Ordre du Mérite, Officier des Arts et des Lettres ou encore un BESSIE Award pour la chorégraphie de la pièce Fagaala en 2007.
Songook Yaakaar
« Songook Yaakaar » ou « Affronter l’Espoir » en langue wolof, est un solo très engagé de Germaine Acogny dans lequel sont traités d’un ton drôle et léger des sujets de fond sérieux comme la mondialisation ou encore l’immigration clandestine. Alliant ses racines africaines à la modernité, la chorégraphe réalise un subtil et harmonieux mélange de danse, de mots, de musiques et de vidéos. Germaine Acogny a fait appel à des professionnels d’horizons différents pour produire son spectacle. Ainsi, dans un esprit de dialogue et de collaboration, Bernard Mousnier (texte), Pierre Doussaint (Chorégraphie), Fabrice Bouillon (Musique), Frederic Koening, Angélique Diedhor et Horst Mulberger (création vidéos, costumes et lumières), par leur hétérogénéité et leur grande complicité artistique ont permis « à la mère de la danse contemporaine africaine » de réaliser un spectacle des plus aboutis. Germaine Acogny, à travers ses pas de danse mûrs et réfléchis, nourris de 35 années d’expérience, cherche à répliquer aux médisants sur l’Afrique. Pour cela, elle utilise la « parenté à plaisanterie », une coutume africaine courante qui consiste à se moquer de soi sans épargner les autres. A noter que, pour la première fois, elle prend la parole, persuadée que le moment est venu de poser des mots sur ses pas de danse.
Lorsque Songook Yaakaar débute, la danseuse se situe dans le public. Elle intègre alors le spectateur dans la pièce en brisant le « quatrième mur ». Sur la scène, ne sont présents que peu d’éléments très simples. En effet, on retrouve une table et une chaise qui pourraient, dans l’absolu, donner l’impression au public d’assister à une conférence. Cependant en renversant ces dernières, Germaine Acogny tient à nous faire comprendre qu’elle ne les supporte plus, les assimilant à une entrave à la liberté de mouvements et de gestuelle. Puis, « la mère de la danse contemporaine africaine », en réalisant une succession de pas, ouvre l’espace, le libère de toutes contraintes et élargit ainsi la scène. A noter qu’en plus du mobilier, se trouve sur le plancher un bol d’eau, symbole culturel de son Afrique natale. A son bras, Germaine Acogny tient un panier dans lequel repose son micro et une casquette qu’elle revêtira dans son show lorsqu’elle répètera « mondialisation ». Le spectacle est animé par des musiques actuelles au rythme des percussions et des vidéos, indices de modernité, représentant la culture africaine par les danses traditionnelles et autres coutumes du berceau de l’humanité et dans lesquelles elle parvient parfois à s’immiscer. Ces nombreuses références témoignent de son attachement à sa terre natale. Et lorsqu’on lui dit : «On est bien ici… », elle rétorque : « oui mais on est aussi bien là-bas ». Malgré tout, lors de traversées de scènes, les pas lourds qu’elle semble exécuter avec difficultétendent à imager l’âpreté de la vie en Afrique. De manière itérative, Germaine Acogny lance « Je suis de passage », insistant ainsi sur le caractère éphémère de sa présence sur scène et sur Terre. Cela pourrait, à l’instant où l’on découvre la signification du nom « Acogny », former une douce et fine antithèse. En effet, la chorégraphe nous apprend que son patronyme signifie « le clan ne doit jamais disparaître ».
Enfin, en ce qui concerne l’éclairage, les jeux de lumières, en nuançant les différentes scènes, sortent le spectacle d’une monotonie et d’une linéarité qui pourraient l’affecter et jouent ainsi un rôle prédominant. Les costumes, quant à eux, restent très simples (justaucorps, tenue noire ou encore robe africaine rappelant ses origines…).
Hypothétique symbole de l’espoir, les pétales de fleurs parachèvent la performance de Germaine Acogny.
Germaine Acogny
© Manon Milley
Pour aller plus loin :
Comment la danse et la mise en scène portent-elle les convictions politiques de Germaine Acogny ?
Comment le spectateur est-il invité / devient-il le relais de ces convictions politiques ?
Quelques liens internet intéressants
Un article de Youssouf Chinois : http://www.au-senegal.com/Songook-Yaakaar-Germaine-Acogny,3160.html
Des extraits du spectacle : http://www.youtube.com/watch?v=tnpC7Joxcp4
Article réalisé par Aurore LARGEAU, Marie GOURGUES et Justine FRAUD.