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Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).

Critique de Transfiguration - O. de Sagazan, par Pauline Eyherabide

 

La transe « dénudée, transformée, malmenée » à l’honneur aux Rencontres du Court

 

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Soirée particulièrement riche au menu de ce dernier vendredi de janvier au TNT. Public en masse, peut-être un peu trop ? Soirée ambitieuse donc, avec la venue de l’américain Steven Cohen notamment, mais dont Olivier de Sagazan et sa Transfiguration retiendra davantage l’attention.  Non que le premier nous soit indifférent, mais il s’agit ici de montrer à quel point la transdisciplinarité inspire nos artistes et programmateurs français: à travers le thème des « corps dénudés, transformés, malmenés », Jean-Luc Terrade met en lumière dans cette 8ème édition du festival 30’’/30’ les Rencontres du Court que le paysage artistique français est loin d’être appauvri.

 

C’est donc au TNT qu’Olivier de Sagazan nous propose une performance d’environ seize minutes. Une petite scène frontale, à seulement quelques centimètres des premiers rangs, où se côtoient terre, argile, eau, laine, et couleurs ; éléments chamaniques qui nous conduiront à sa transe, ainsi qu’à sa transfiguration, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Un corps squelettique, difforme et déformé par l’argile, révélé par la couleur et ponctué de coups sourds assenés sur une tôle en métal, suspendue derrière lui.


Tout au long de cette forme brève, Olivier de Sagazan use et abuse de sa matière corporelle, la modifie à volonté par le biais de divers éléments plastiques. L’argile est la matière première qui l’amène à ces différentes frontières entre l’homme, l’animal et le monstre. Il nous apparaît homme social par son costard/cravate, disparaît sous des amoncellements continus de matériaux et en ressort figure magnifiquement transcendée. Son utilisation des matières nous procure un sentiment trouble : à la fois difforme et splendide, il nous rappelle l’animalité sous jacente et rejetée par tous, mais également le monstre qui peut en ressortir à tout moment. Un Golem puissant, terrestre, intemporel.

Malgré les rires et les acclamations de certains spectateurs, rien ne nous empêchera d’apprécier l’utilisation de matières primaires qui paraît ici primordiale : tout est juste dans leur rapport au corps, au temps et à l’espace. Le son lourd et grave des coups portés sur la tôle accentuera cette mutation, de manière pet être un peu trop exagérée.

Cette Transfiguration, efficace et émotionnellement puissante, soulève de nombreux questionnements : le rapport au corps, la place de la matière dans l’espace, le rapport de l’artiste à son corps et à l’intime. Olivier de Sagazan nous montre ainsi de manière brillante que sa transfiguration se place dans la sphère de l’intime mais aussi de l’impuissance : le peu de mots intelligibles nous indiquent qu’il « ne peut pas », qu’il « n’y arrive pas ».                                                                                                                                

 

Finalement, l’animosité de certains importe peu, il s’agit pour chacun d’y puiser sa force et nous pousser à voir plus loin. Comme l’évoque le performer « Être debout est un acte de résistance, marcher est un déséquilibre ».  En tout cas, nous, on se lève pour saluer son œuvre.

 

 Pauline EYHERABIDE


Sources : http://www.kabbale.org/concepts_golem.htm  + Dossier de presse

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