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Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).

Transfiguration - Olivier de Sagazan, par Pauline Valentin

 

Dans la nef du TNT, unepetite estrade et une grande plaque de métal suspendue attendent le public du festival 30''30'. Un homme en costume noir prend place sur ce petit plateau avec autour de lui des seaux et des pots de peinture. Olivier de Sagazan tout à fait simple, calme, nous apparaît très vite comme un homme en quête d'identité, qui se cherche sans se trouver. Cette tranquillité superficielle sera en effet de courte durée, bousculée par le désir de ce performer d'aller au fond de lui pour connaître son vrai visage. Ses premiers mots sont entre autres « C'est bon, là maintenant, ouvre derrière, là derrière ».



Une transfiguration époustouflante commence alors...

Cet homme sculpte sur sa propre figure à l'aide d'argile, se crée de nouveaux visages, des yeux persans avec deux points de peinture noire qui nous scrutent, nous découvrent pour la première fois. Puis, ce visage laisse place à d'autres, à d'autres formes aussi, qui ne ressemblent plus d'ailleurs à des visages humains mais à des visages d'aliens, de monstres. Ces monstres surgissent, prennent vie de manière terrifiante, comme on égorge quelqu'un. Par exemple, le performer met une couche d'argile sur la totalité de son visage, ce qui l'empêche de respirer, puis, lorsqu'il est à bout de souffle, il tranche une ouverture pour sa bouche et avale une bouffée d'air avec la souffrance d'un nouveau né. La peinture est aussi rouge, et il plante des bâtons (comme des bâtons à brochette) dans son crâne d'argile comme pour percer, embrocher ce qu'il cherche. Au cours de son "périple", il frappe avec son dos, sa tête, ses bras sur la plaque de métal qui résonne dans toute la salle. On ressent la grande douleur de ce corps qui se bat contre lui-même, qui griffe ce mur de fer oppressant derrière lui, qui lui jette de la peinture, de la matière, des coups.

Les questions soulevées pendant son parcours sont existentielles, très vastes, il dit par exemple dans une interview, être atterré que les gens trouvent ça normal et banal d'être en vie. Et on en vient même à se demander s'il lutte pour ou contre cette vie.

Qui est cet être sur le plateau? Est-ce un personnage ou est-ce Olivier de Sagazan en son nom propre? L'ambiguïté entre un hypothétique personnage et le performer est ici assez perturbante puisqu'on se retrouve nous aussi dans une quête identitaire, à savoir, qui est cet autre qui nous parle.

Cette expérience mystique, proche de la folie, de la schizophrénie est d'une violence redoutable surtout qu'au final rien n'est trouvé. La performance s'achève et Olivier de Sagazan quitte le plateau. Reste la plaque de métal et l'estrade, marquées, blessées par son passage, qui laissent apparaître un dernier visage.



L'art de la composition des personnages dans le travail d'Olivier de Sagazan (ces visages qui s'accumulent, se chevauchent sans cesse) est assez intéressant à mettre en perspective avec le travail de Robert Kéramsi, qui a été également présenté dans le cadre de ce festival avec Anima (performance mêlant sculpture et danse avec Anthony Egea). Robert Kérasmi dispose avant l'entrée du public plusieurs de ses sculptures décharnées sur le plateau, puis c'est le corps du danseur qui né de cette décomposition, à l'inverse, les visages d'Olivier de Sagazan naissent pour se décomposer par la suite. Cette inversion des cycles et ces deux esthétiques qui se font écho (matière, sujet, sensibilité), prouve que la rencontre entre différents artistes peut aussi se faire par le biais du public.



Pauline VALENTIN



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