Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 09:57

 



 Still life, L'Essay et Mañana es mañana

Trois spectacles présentés le 3 février 2015 au Galet (Pessac),

dans le cadre du festival 30''30'  - Les rencontres de la forme courte

Partie 1 de l'article rédigée par : Nina Ciutat, Pauline Fourès, Céline Mouchard, Marine Soulié et Juliette Villenave


 

Note introductive

 

Pour plus de lisibilité, cet article est séparé en deux parties distinctes car il porte sur divers sujets et comprend un grand nombre d’informations et de réflexions. La première partie de l’article porte sur le cas spécifique du festival 30’’30’ et les propositions artistiques du 3 février dernier, présentées au Galet, à Pessac. Elle comprend d’abord la présentation des spectacles et des artistes & compagnies qui en sont à l’origine : ainsi seront abordés Still life, présenté par le Cirque Bang Bang, L’Essay, présenté par Hugo Mega et enfin Mañana es mañana présenté par la Cridacompany. Puis vient la description de ces spectacles. Enfin l’on abordera la question du nouveau cirque, des points de vue économique, social et culturel, en rappelant notamment les notions importantes et les chiffres clés qui le concernent. En annexe, vous trouverez les propos de la co-fondatrice du Cirque Bang Bang recueillis en interview par Juliette Villenave et Céline Mouchard au sujet du spectacle Still life, de la forme courte et de 30’’30’.

 

La deuxième partie de l’article traite des festivals en général et de ceux consacrés à la forme courte en particulier. Elle commence par la définition, l’histoire culturelle et la situation économique des festivals en France et en Europe, et se porte ensuite sur les différents festivals d’art et de spectacle vivant dédiés à la forme courte qui existent sur le territoire français et au-delà, en Belgique. En annexe, vous trouverez l’extrait d’un dossier du ministère de la culture sur le théâtre en France.

 

 

 

PARTIE 1 SUR LES SPECTACLES AU PROGRAMME ET LE "NOUVEAU CIRQUE"

 

 

Mardi 3 février 2015 s'est tenue au Galet (Pessac) la soirée 30'' 30' « Performances et arts du cirque ». Programmée dans le festival 30'' 30' - Les rencontres de la forme courte, cette soirée se compose de trois formes circassiennes de 10 à 35 minutes chacune : Still life, L’Essay et Mañana es mañana.

 

 

I- PRESENTATION DES SPECTACLES ET DES ARTISTES AU PROGRAMME DE LA SOIREE 30''30'

 

1- Still life

 

La soirée a commencé à 20h30 avec Still life, une création 2014 du Cirque Bang Bang. Créé et interprété par Elsa Guérin et Martin Palisse, ce spectacle est une performance de 22 minutes pour deux jongleurs : le duo évolue sur un tapis roulant de 7m de long et évoque, à travers ce numéro, une réflexion sur notre rapport au temps, sur l'interdépendance entre les êtres vivants1. Still life est le troisième spectacle que ce duo a produit au sein du Cirque Bang Bang, compagnie pluridisciplinaire née de la collaboration entre les deux artistes. Leurs deux précédentes créations, Blind/Action et POST, datant respectivement de juillet et d’août 2011, sont implicitement liées par leur désir de mêler jonglage et intérêt dramatique, de ne pas se limiter à un aspect uniquement spectaculaire, et de mettre en avant les relations humaines à travers leur duo. POST cherche à jouer sur la verticalité et Blind/Action sur l'aléatoire, puisque les artistes y jonglent littéralement à l'aveugle.

 

Still life reprend la voie de ces expériences originales à plusieurs égards : dans sa volonté de mêler la performance et la jonglerie d'abord, mais aussi dans son retour à la verticalité, expérimentée dans POST et retrouvée ici, à l'aide de l'élément scénique du tapis roulant. La volonté du duo dans ce spectacle est de mesurer leur corps à l'espace de jeu, au mouvement et à l'objet, dans une énergie de vie toujours perpétuée. « S'avancer doucement, sauter à pieds joints dans la vie, se laisser emporter dans l'espace-temps, entrer en jonglage comme dans un tunnel obscur, le souffle court… faire corps, être ensemble, trébucher, s'effondrer, reprendre du poil de la bête, être encore en vie... » 2 : voilà l’horizon artistique que Martin Palisse a donné à Still life, qui se veut le premier volet d'un projet en deux parties – la deuxième sera certainement Slow futur, spectacle tout juste présenté sur le site Internet de la compagnie et qui semble vouloir reprendre l'élément du tapis roulant.

 

Touchant aussi bien à l’interprétation scénique qu'à la mise en scène, en mêlant le jonglage, les lumières et les costumes, la compagnie développe ainsi, de spectacle en spectacle, sa volonté de créer un univers personnel et original. Beaucoup des créations de la compagnie sont nées de la collaboration avec divers artistes (Philippe Ménard, Johanny Bert, Hélène Ninérola, Hervé Diasnas, Manu Deligne, Romuald Collinet…), qu'ils soient issus des milieux du cirque, du théâtre, de la musique ou de la danse, ce qui favorise le mélange des genres.

 

Par ailleurs, depuis 2006, la compagnie travaille avec son propre chapiteau, implanté en Auvergne, dont elle a fait un outil de partage, notamment à travers divers stages et ateliers qu’elle y organise pour un public varié. Aujourd'hui, la compagnie est conventionnée par le Ministère de la Culture et entretient un partenariat fort avec Sémaphore et la Ville de Cébazat, avec qui vient d'être signée une nouvelle convention triennale d'accueil.

 

 

 

Still life, une performance pour deux jongleurs – © Philippe Laurençon

 

Qui sont-ils ?

 

Touche à tout, Elsa Guérin est à la fois jongleuse, actrice de cirque, auteur, metteuse en scène et chorégraphe de ses spectacles. Elle suit d'abord des études d'arts plastiques à l’École des Beaux-Arts de Clermont Ferrand avant de se tourner vers le jonglage en 1997. Elle est aussi, entre autres choses, interprète dans Rain/Bow de Jérôme Thomas en 2008 est cofondatrice du Cirque Bang Bang en 2000.

 

Tout comme Elsa Guérin, Martin est à la fois jongleur, acteur, auteur, metteur en scène et chorégraphe. Il suit une formation de clown à l’École du cirque de Yole, puis de jonglage en 1997. C'est en 2000 qu'il rencontre Elsa Guérin, avec qui il se formera auprès de Jérôme Thomas. De cette rencontre naît leur désir de travailler ensemble dans le cirque contemporain. Par ailleurs, depuis 2013, Martin Palisse dirige le Sirque, Pôle National des Arts du Cirque à Nexon dans le Limousin.

 

 

Bien que les spectacles réunis dans cette soirée 30’’30’ présentent une orientation disciplinaire propre à chacun, tous se rejoignent sur la forme expérimentale qu’ils ont prise. C’est donc également le cas du deuxième spectacle.

 

 

2- L’Essay

 

S'est ensuivi à 21h25 un numéro de tissu aérien, L'Essay, créé et interprété par Hugo Mega. Une performance de 10 minutes qui montre l'artiste dans un univers de science-fiction, essayant de sortir de sa chrysalide aérienne, mêlant la force et la grâce du corps3 . Cette récente création, l’artiste l’a présentée au 35ème Festival Mondial du Cirque 3 Demain à Paris en 2014 ; et s’il n'y a pas remporté de prix, certains jugeant sa pratique trop éloignée du tissu aérien traditionnel, il s’est malgré tout démarqué par ses qualités techniques et ses choix originaux et inattendus.

 

 

 

L'Essay, un numéro de tissu aérien dans un univers de science-fiction – © D. Guyomar

 

Qui est-il ?

 

Hugo Mega est un jeune artiste portugais qui commence dès 6 ans une formation d'acteur et de danseur au Conservatoire National de Danse de Lisbonne. Il passe ensuite par l'école de cirque Chapitô, où il découvre la pratique du tissu aérien. Il poursuit ses études à l’École Supérieure des Arts du Cirque du Bruxelles en 2009, où il commence une recherche sur la matière plastique, que l’on retrouve dans son numéro L'Essay, le premier projet public du jeune artiste.

 

 

Si Hugo Mega n’en est qu’à son premier spectacle, ce n’est pas le cas des derniers artistes présentés, qui sont même en passe de devenir des habitués de 30’’30’.

 

 

3- Mañana es mañana

 

Enfin, à 21h45, la soirée se termine avec Mañana es mañana de la Cridacompany, compagnie franco-catalane née en 2006 de la collaboration entre Jur Domingo Escofet et Julien Vittecoq et installée à Toulouse. Créée et interprétée par les deux fondateurs, associés pour l’occasion au jongleur Gabriel Andrès Agosti et au clown Anicet Leone, cette forme de 35 minutes mêle le cirque, la danse et la performance, et se joue ainsi des codes pour inventer un nouveau langage, comme les précédentes créations de la Cridacompany. À la recherche de formes étranges, dépouillées et originales, la compagnie cherche en effet, à travers le mariage de différentes disciplines (cirque, danse, chant et performance), à créer un langage propre pour traduire, avec un certain humour, les situations du quotidien. Ainsi, dans Mañana es mañana, le quatuor met en scène, avec fragilité et virtuosité, des personnages humoristiques pris dans des situations cocasses, entre douleurs et sentiments4 . Il emploie le corps comme un moyen d'expression essentiel pour témoigner de l'empêchement, de l'obstacle et de la déformation.

 

Mañana es mañana est la sixième création de la compagnie, aussi singulière que les précédentes, puisque les spectacles créés par Jur Domingo et Julien Vittecoq ne se ressemblent guère, si ce n'est dans leur rapport à la musique qui est très présente, et dans la recherche visuelle qu’ils mènent pour chacune de leurs productions. Ainsi Follow me s’est basé sur une série de croquis, réalisés par Jur Domingo, et a pris des allures de combat de boxe entre deux ânes, dans Motor Home ont été utilisés des clichés photographiques pris lors d'un road trip, et Malabo se basait sur les créations musicales du groupe JUR, dont Jur Domingo est la chanteuse. Il apparaît donc que les spectacles de la compagnie ont des inspirations très diverses mais qu’ils passent tous par une recherche scénique pluridisciplinaire.

 

Signalons enfin que la compagnie, dont de nombreuses productions (spectacles, expositions et concerts) sont plurinationales, est conventionnée depuis 2014 par le Conseil Régional Midi-Pyrénées et soutenue par la DRAC Midi-Pyrénées, qui lui apporte une aide à la structuration.

 

 

 

Mañana es mañana, ou le corps comme moyen d'expression illimité – © Eperra

 

Qui sont-ils ?

 

Comédienne, chorégraphe, metteuse en scène et chanteuse espagnole, Jur Domingo commence une formation des arts de rue à l’École de Madrid Carampa en 2001, puis à l'École Rogelio Rivel de Barcelone en 2002. À 23 ans, elle arrive en France où elle se forme au Centre des Arts du Cirque de Toulouse, le Lido. C'est là qu'elle rencontre Julien Vittecoq, avec qui elle écrit des chansons en espagnol, catalan et français. Elle fonde le groupe JUR en 2007, ainsi que la compagnie Cridacompany qui l'aide à produire ses albums.


Julien Vittecoq est un comédien, chorégraphe et metteur en scène toulousain. Formé à l’École Internationale de Mimodrame Marcel Marceau de 2001 à 2002, puis au Centre des Arts du Cirque de Toulouse, le Lido, il a travaillé avec de nombreux artistes issus de différentes pratiques artistiques (danse, théâtre, performance et cirque). En 2006, il crée avec Jur Domingo la Cridacompany.

 

 

Passons maintenant à la description des deux spectacles qui nous intéressent pour ce krinomen : Still life et Mañana es mañana (L'Essay n'est pas inscrit au débat).

 

 

II- DESCRIPTION DES SPECTACLES AU PROGRAMME DU KRINOMEN

 

  • Still life

 

Still life est un duo circassien et performatif de 20 minutes, interprété par deux jongleurs du Cirque Bang Bang, Martin Palisse et Elsa Guérin. Son originalité tient à la présence sur la scène d'un tapis roulant long d'environ 7 mètres, sur lequel les deux artistes évoluent pendant toute la représentation. Accompagnés dans leurs actions par deux morceaux de musique électro, les interprètes n'offrent pas un numéro de jonglerie traditionnel, dans le sens où il ne s’agit pas pour eux d’effectuer des enchaînements spectaculaires face au public. Dans un premier temps, les jongleurs suivent la trajectoire du tapis, de cour à jardin ou de jardin à cour, et chacun reste sur « sa » moitié : la femme devant, l’homme derrière ; leurs gestes se répondent comme s'ils étaient le décalque l’un de l'autre. Chacun manipule ses trois balles en les plaçant et déplaçant entre le creux de son cou et de ses coudes avec des gestes raides et rapides.

 

La jonglerie ne commence réellement que dans un deuxième temps, quand les balles sont envoyées en l'air, tandis que les jongleurs se déplacent sur le tapis. La trajectoire des jongleurs est liée à ce tapis roulant, mais ils n'hésitent pas alors à marcher à contre-courant, à échanger de place et se croiser, sans jamais entrer en contact. Les deux artistes affichent tout au long de la représentation une expression neutre sur leur visage : les yeux tournés vers l'horizon, sans jamais (ou presque) échanger un regard entre eux. Il en ressort une impression de déshumanisation, ainsi qu'une mise en avant très nette de la machine – le tapis roulant – de l'objet – les balles – et de la linéarité – que ce dispositif impose.

 

 

  • Mañana es mañana

 

Dans ce spectacle pluridisciplinaire de 35 minutes, qui mêle le cirque, la danse, le chant et la performance, la Cridacompany met en scène un quatuor de personnages humoristiques se retrouvant dans des situations cocasses. Le comique qu’ils produisent vient également des éléments utilisés au sein des numéros, lesquels se succèdent tout au long du spectacle comme dans un concours d’absurdités (plus ou moins) virtuoses : ils n’usent que d’éléments peu communs dans l’univers circassien, comme le jonglage avec des pommes de terre ou avec des balles de ping-pong (mais uniquement avec la bouche), ou comme la danse endiablée d'un personnage portant un masque de souris. Ce comique d’un genre singulier vient lisser la technicité des acrobaties, par exemple lorsque le corps de l’interprète féminine, manipulé comme un mannequin, voltige dans tous les sens, porté par les trois interprètes masculins et accompagné dans la salle par autant d’exclamations que de rires.

 

D'autres numéros plus proches du cirque traditionnel, comme le piquet ou le jonglage avec ses pieds, viennent ponctuer le spectacle. Le quatuor infernal intègre aussi une séquence vidéo au sein de sa forme courte. Ainsi, dans cet enchaînement de numéros, le corps, quelle que soit la manière dont il se donne à voir, devient un moyen d'expression essentiel de l'empêchement, de l'obstacle et de la déformation. Le spectacle (et la soirée) se clôture avec un mini-concert de cinq chansons du groupe JUR, composé de l’interprète féminine du spectacle qui en est la chanteuse, et d'un interprète masculin, qui se fait guitariste. Les chansons, écrites par l'interprète en espagnol, en français ou en anglais, et présentées par elle, au début du concert, comme des « chansons tristes », sont empreintes d'un mélange de cultures française et espagnole qui leur donne un caractère aussi singulier que le spectacle dont elles ont fait le contrepoint.

 


Pour comprendre les différences entre cirque traditionnel et nouveau cirque, catégories auxquelles se rattachent les différents spectacles de la soirée 30''30', faisons un point sur les caractéristiques de ce que l’on nomme « nouveau cirque », sur son histoire, ce qui lui a permis de se développer et son état actuel en France.

 

 

 

III- LE "NOUVEAU CIRQUE" EN FRANCE

 

Aujourd’hui et depuis plusieurs décennies à présent, en France comme dans de nombreux autres pays, il existe différentes formes de cirque : le cirque traditionnel n’est plus tout seul, un cirque dit « nouveau » s’étant développé depuis plus de quarante ans, et beaucoup d’artistes de cirque sont dans une recherche de renouvellement de cet art. On a petit à petit abandonné (ou presque) la tradition du chapiteau, de la piste circulaire, de la succession d’exploits, ainsi que les numéros de fauves. De plus en plus souvent, les spectacles ont une trame non conventionnelle, et cherchent à raconter une histoire.

 

Mais alors qu’est-ce que le « nouveau cirque », comment est-il né et comment s’est-il développé ? Venons-en donc à son histoire, mais aussi aux différents types d’enseignements du cirque, et à sa situation en France.

 

 

1- Histoire du nouveau cirque

 

Le nouveau cirque se développe dans les années 1970, du fait de la chute de popularité du cirque traditionnel. Ce nouveau cirque est à la recherche d’un « art total »5, c’est-à-dire qu’il est pluridisciplinaire, que les spectacles ne sont plus seulement faits de cirque, mais aussi de théâtre, et pourquoi pas de danse ou même de vidéo, etc. Ce cirque total est à la recherche d’une unité de vie ; il n’enchaîne plus les numéros sans lien logique, les spectacles ne sont plus présentés par un Monsieur Loyal, les artistes ne sont plus en costumes à paillettes, et il n’y a plus d’animaux (ou alors plus les mêmes animaux que dans le cirque traditionnel : on peut parfois voir des poules, des chiens ou des chats, ou même des chèvres... ainsi, le cirque Trottola dans son spectacle Matamore donne à voir un numéro de domptage de petit chien ; la famille Morallès, quant à elle, intègre  régulièrement des animaux dans ses spectacles tels qu’une poule dans sa dernière création, In Gino Veritas...). De plus, pour des raisons économiques, de nombreuses compagnies circassiennes abandonnent le chapiteau pour se produire plutôt dans des salles de théâtre. Le nouveau cirque (ou cirque contemporain) expérimente également de nouveaux dispositifs scéniques (par exemple, Les Arts Sauts installent le public dans des chaises longues afin qu’il puisse mieux admirer les trapézistes qui volent au-dessus de lui6).

 

Les anciens codes du cirque sont donc pour beaucoup abandonnés. De plus, dorénavant, les spectacles de cirques ce concentrent principalement sur une discipline unique, comme le trapèze ou la jonglerie ou encore les acrobaties... Les artistes de cirque commencent à se demander ce que leur numéro raconte, il n’est plus question de simplement éblouir le public avec une performance physique hors du commun ; ils se mettent à travailler avec des chorégraphes et des metteurs en scène. Il s’opère donc une théâtralisation du cirque. D’ailleurs, on trouve de plus en plus de cirque dans les programmations des théâtres (tel que les Scènes Nationales), ou des festivals comme le 30’’30’ à Bordeaux. Jean-Luc Terrade, le fondateur du festival 30’’30’ témoigne de l’ouverture de son festival au cirque notamment : « Depuis vingt ans, on change de formes. Le théâtre conventionnel se perd de plus en plus. Auparavant, il y avait 80% de théâtre et 10% de danse. Aujourd’hui, les choses ont basculé, le spectateur s’est ouvert à beaucoup de disciplines, le cirque est entré dans les théâtres, la pluridisciplinarité est partout. »7

 

De plus, de nos jours, tout comme nous pouvons assister à des festivals de théâtre, ou de formes courtes, nous pouvons assister à des festivals entièrement dédiés au cirque, tels que Circa, un festival de cirque actuel situé à Auch (créé en 1987, il se déroule sur dix jours lors des vacances de la Toussaint et depuis 2001, est organisé par le Pôle National des Arts du Cirque.) et le festival Hautes Tensions, à Paris, dédié aux cultures urbaines et aux formes circassiennes (créé en 2011, il se tient au Parc de la Villette durant une dizaine de jours, au mois d’avril).

 

On le devine ou on le sait, le développement du nouveau cirque n’a pu se faire de manière autonome, l’aide des pouvoirs publics et des institutions culturelles a été déterminante, comme nous allons le voir plus bas. Mais voyons d’abord le rôle, également majeur, que les écoles de cirque ont joué dans ce renouvellement esthétique que le cirque a connu à partir des années 1970.

 

 

2- Des écoles spécialisées au cœur du renouvellement du cirque

 

Le développement du nouveau cirque doit également beaucoup à l’ouverture de nombreuses écoles de cirque, à partir des années 1970. Après le déclin du cirque traditionnel dans les années 1960, Alexis Gruss est le premier à diriger la toute première école de cirque de France, en 1974. Faire en sorte que le cirque puisse être pratiqué par des gens qui ne font pas forcément partie d'une grande famille circassienne, tel est l’objectif de cette école et ce qui va permettre de relancer le cirque, de dessiner son avenir. A ce sujet, Alexis Gruss affirmaite, en 1974 : « Il y a longtemps que je pensais à une école de cirque. Je crois qu'une école est fondamentale pour l'avenir de notre profession » ; mais également que « l'école de cirque était la seule solution pour essayer de sauver le cirque, pour monter des numéros nouveaux. »8 Depuis cette époque, nombre d'écoles se sont développées, telles que le CNAC (situé à Châlons-en-Champagne), L'Académie Fratellini (à Saint-Denis) ou l'Ecole Nationale de Montréal.

 

Dans ces écoles, qui ont vite accueilli de nouveaux artistes, tels que, par exemple, des artistes de rue, on n’apprend pas seulement aux élèves à perfectionner leur agrès de prédilection, mais aussi et surtout à créer quelque chose à partir de leurs capacités, à développer un propos à partir de leur corps. Marie-José Mondzain, professeur au CNAC, l’explique ainsi, dans le journal La Terrasse : « Dans un domaine comme le cirque, où pèsent les contraintes imposées par les agrès et l’acquisition de la pratique, le débat porte sur les conditions de la liberté, sur les rapports entre la maîtrise, le désir, l’émotion et la liberté que l’on doit conquérir pour pouvoir l’offrir aux autres. C’est l’affaire d’une vie… L’école ne peut qu’œuvrer pour déployer en eux toutes les ressources de la maîtrise d’une discipline tout en visant à son dépassement, c’est-à-dire en préservant la liberté de ceux à qui elle transmet les règles de l’art. »9]

 

La création d’écoles de cirque a donc été un élément des plus importants dans le développement du nouveau cirque. La transmission des « arts de la piste » est particulièrement soutenue par les DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles), ainsi que par les DAAC (Délégation Académique à l’éducation Artistique et à l’action Culturelle) ; le cirque dispose donc, comme nous pourrons le constater dans la partie suivante, d’un soutien institutionnel qui a été décisif pour son essor et le reste.

 

 

3- Un soutien institutionnel décisif pour le nouveau cirque

 

En France, le cirque, qui était ous la tutelle du ministère de l’Agriculture, passe sous celle du ministère de la Culture en 1978 ; c’est Jean-Philippe Lecat (ministre de la Culture sous Giscard d’Estaing) qui décide dans les axes prioritaires de sa politique, de reconnaître de nouvelles formes artistiques telles que le cirque[10]. C’est un énorme progrès pour le cirque, qui est désormais considéré comme une forme artistique à part entière11. De plus, des associations sont mises en place pour soutenir le cirque, dans son renouvellement artistique comme dans sa transmission : l’Association pour la Modernisation du Cirque en 1979, ainsi que l’Association pour l’Enseignement des Arts du Cirque en 1980, qui seront développées par Jack Lang lors de son arrivée au ministère de la Culture en 1981 12. Puis sont créés trois syndicats : le Syndicat des Nouvelles Formes des Arts du Cirque, en 1998 (aujourd’hui devenu Syndicat du Cirque de Création), celui des Cirques Franco-européens, et le Syndicat national du cirque. Le centre de ressources HorsLesMurs, créé quant à lui en 1993 par le ministère de la Culture, a pour responsabilité de contribuer au développement des arts de la piste et des arts de la rue. Enfin, onze Pôles des Arts du Cirque sont créés en 2001 sous l’initiative de Catherine Trautmann, qui ont pour objectif la production et la diffusion des Arts du Cirque, et c’est en 2010 que le ministère de la Culture crée le label « Pôle National des Arts du Cirque »[13]. Le cirque est donc ainsi soutenu par divers types de structures qui participent à son institutionnalisation et intégré au spectacle vivant.

 

L’aide publique apportée au cirque, à sa structuration, à sa vitalité créative et à sa diffusion, est apportée à plusieurs niveaux. Le soutien qu’apporte au cirque le ministère de la culture permet aux différentes compagnies circassiennes de mieux diffuser leurs productions, d’être accueillies dans des structures diverses et de bénéficier de dispositifs de création adaptés à leurs besoins artistiques singuliers. Une Charte d’accueil des cirques a également été mise en place dans les communes en mai 2001 ; Emmanuel Wallon en témoigne dans le journal La Terrasse, en octobre 2014 : « Cette opération nationale menée par le ministère de la Culture à l’instigation et avec l’appui de HorsLesMurs se décline dans de nombreux domaines. (...) elle  vise aussi à améliorer les conditions d’accueil des cirques et à sensibiliser les collectivités au potentiel artistique de ce secteur avec la signature d’une Charte d’accueil des cirques dans les communes par le ministère de la Culture, l’Association des Maires de France, la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la Culture et les trois syndicats. L’effort porte également sur la formation à travers le soutien d’écoles préparatoires aux établissements supérieurs, sur la recherche et sur la constitution de ressources. »14

 

Le nouveau cirque marque donc son territoire et se structure depuis les années 1970, mais quelle place le nouveau cirque occupe-t-il en France et quels sont ses divers visages aujourd’hui ?

 

 

 

4- Etat des lieux du cirque contemporain

 

Alors que le cirque traditionnel vise un public jeune ou familial, le nouveau cirque, lui, s’adresse plus à un public adulte[15]. Le public du nouveau cirque n’a pas non plus les mêmes attentes que le public du cirque traditionnel : il cherche généralement quelque chose de novateur, qui pourra l’étonner[16].

 

Par ailleurs, la période de création pour un spectacle de cirque contemporain est plus importante que pour le cirque traditionnel qui se « contente » d’ajouter ou de modifier des numéros à une trame préexistante ou un répertoire, et les artistes ne sont plus interchangeables, mais attachés au spectacle sur toute la durée des représentations. Le nouveau cirque a donc besoin d’autant de temps que tout autre spectacle vivant pour créer un spectacle à présenter, mais il faut que le spectacle plaise suffisamment pour qu’il puisse assurer plusieurs représentations et être rentable. 

 

En outre, si le cirque traditionnel paie un droit pour pouvoir implanter son chapiteau et jouer là où la commune le veut bien (par exemple sur la place des Quinconces à Bordeaux), le cirque contemporain, lui, s’insère dans les programmations et les salles de spectacles des CDN (Centres Dramatiques Nationaux), des festivals, des Scènes Nationales ou même dans les théâtres municipaux, qui sont devenus adeptes du nouveau cirque. Mais leur enthousiasme est souvent freiné par la complexité des fiches techniques, et un coût souvent élevé pour assurer les besoins plateau[17]. Toutefois, le cirque contemporain est dans l’ensemble soutenu par des subventions, et ainsi encouragé à constamment se renouveler et à créer de nouvelles formes, pour satisfaire un public toujours plus avide de nouveautés[18].

 

 

Dans le cadre de la soirée 30’’30’ au Galet, nous avons pu assister à trois spectacles de cirque. On ne peut s’empêcher de constater que les spectacles avaient tous trois des formes bien différentes. Si nous voulions les « ranger » dans des catégories, nous pourrions rattacher Still life au cirque contemporain, alors que Mañana es Mañana correspondrait plutôt à du nouveau cirque traditionnel. Mais qu’est-ce-que donc que le nouveau cirque traditionnel, exactement ?

 

Le nouveau cirque traditionnel cherche à créer des spectacles de cirque novateurs, du cirque de recherche et de création qui s’ouvre à d’autres formes que les formes circassiennes traditionnelles, à d’autres artistes venus d’écoles, tout en gardant plusieurs des codes du cirque traditionnel, par exemple l’enchaînement de numéros bien construits, et en restant ancré dans le passé et les traditions, par exemple le caractère souvent familial du nouveau cirque traditionnel. « Ces spectacles se rapprochent du nouveau cirque par nombre de procédés : collaboration entre plusieurs créateurs, ouverture à la pluridisciplinarité et aux élèves sortis d’écoles, mise en scène d’un projet écrit, demande de subventions, etc. Cependant, le numéro est respecté dans son entier et la création porte surtout sur l’ambiance, l’habillage et les enchaînements. »[19] Ce cirque a donc un pied dans chacun des deux univers esthétiques que constituent le cirque traditionnel et le nouveau cirque, mais il s’appuie davantage sur un pied que sur l’autre : « ce cirque qui se lance dans le futur en gardant un pied dans le passé, évolue de manière plus radicale qu’il ne le croit. Le nouveau regard porté sur le cirque et sur soi, sur les modifications dans la manière de faire, la mise en place d’un processus de création ont pour conséquences un recul de l’intégration de l’individu dans le groupe, une baisse de la mobilité, des modifications dans la manière de vivre, de pratiquer le cirque et de l’enseigner. Pour les enfants de ces "nouveaux traditionnels", le cirque devient un choix, une approche parmi d’autres. Tandis que la culture familiale et professionnelle s’apprend par les livres et les professeurs tout autant, sinon plus, que par les gestes et les paroles des aînés, la tradition du cirque prend un autre sens : pour Valérie Fratellini, elle est devenue à la fois "un héritage spirituel" et "une odeur particulière"...»[20]

 

Mañana es Mañana pourrait, nous l’écrivions plus haut, correspondre à du nouveau cirque traditionnel, du fait tout d’abord que l’on ressent dans leur groupe cet esprit familial propre au cirque de tradition ; en effet, les artistes qui sont sur scène paraissent être très amis et se connaître depuis toujours, ils forment une sorte de famille dans laquelle le spectateur face à leur spectacle, se sent comme intégré). Les artistes font le lien entre le public et le plateau, et même si le spectacle se situe sur scène et non sous chapiteau, on retrouve tout de même cette forme de convivialité propre au cirque traditionnel. De plus, leur spectacle est formé par un enchaînement de numéros sans liens logiques véritables, accompagnés d’applaudissements à la fin de chaque démonstration spectaculaire.

 

Still life, en revanche, se démarque par le quatrième mur qu’il instaure entre scène et salle, il n’y a que peu de lien entre le plateau et le public, du fait de la position qu’occupent les deux jongleurs (qui ne se présentent aux spectateurs que de profil) et du dispositif scénographique qui s’impose par sa spectacularité technique, occupe toute la largeur du plateau, et oriente les mouvements de jardin à cour (et réciproquement). C’est donc un spectacle monodisciplinaire et très scénographié, qui met la jonglerie en avant, sobrement, sans que les deux artistes n’aillent dans l’extravagance ou la démonstration. Ici, pas de numéros enchaînés les uns à la suite des autres, mais une longue traversée performative qui joue sur les variations subtiles de directions et de postures, de mouvements et de gestes, de rythmes et d’intensités, dans la durée.

 

Mais nous avons également assisté à un troisième spectacle dans le cadre de cette soirée : L’Essay, un spectacle qui présente une certaine ambigüité entre nouveau cirque et nouveau cirque traditionnel, puisqu’il correspond aux deux à la fois. Dans sa forme, ce que Hugo Méga présente correspond à du cirque traditionnel, sa prestation s’apparentant plus à un « numéro » qu’à un spectacle à part entière ; un numéro de tissu aérien, qui dure une dizaine de minutes, et durant lequel on ne peut qu’admirer l’aisance avec laquelle il dompte son agrès. Mais pourtant, dans son contenu, sa performance se rattache au nouveau cirque, car elle montre sa volonté de raconter une histoire, de faire passer une émotion ; la performance est scénographiée, l’artiste joue un personnage et essaie de créer autour de lui un univers imaginaire. Ainsi, même si la forme donne à voir un numéro, le contenu fait de L’Essay autre chose qu’un simple enchaînement de figures. 

     

 

Finalement, à l’issue de cette présentation synthétique du nouveau cirque, nous pouvons nous demander si sommes nous réellement obligés d’enclore dans une catégorie unique les différents spectacles de cirque auxquels nous assistons. Ne devrions-nous pas simplement arrêter de parler du nouveau cirque pour plutôt parler des nouveaux cirques qui occupent les salles, les chapiteaux et les scènes extérieures aujourd’hui ? Et s’ouvrir ainsi à la diversité qui caractérise les formes circassiennes contemporaines et manifeste la vitalité du cirque d’aujourd’hui.

 

 

 

Lors du krinomen du 12 février, nous débattrons d’abord du spectacle Still life, en nous interrogeant sur l’étiquetage disciplinaire du spectacle et ses causes, comme sur la dramaturgie et l’aspect technique de la performance.

 

Nous parlerons ensuite de Mañana es mañana en nous questionnant sur le rire dans le spectacle, sur les outils utilisés et les processus mis en œuvre pour le provoquer, ainsi que sur ses différents effets sur le public.

 

En dernier lieu, nous mettrons en parallèle ces deux spectacles, pointerons leurs points communs et leurs différences du point de vue de la forme et des effets produits par chacun, en partant de la distinction entre cirque traditionnel et nouveau cirque (et au sein de cette dernière catégorie, de la distinction entre nouveau cirque traditionnel et nouveau cirque contemporain).

 

 

 

SOURCES

 

  • Sur les spectacles au programme de la soirée 30''30' et leur compagnie

 

S.n., « La compagnie », présentation du Cirque Bang Bang et de leurs spectacles publiée sur le site Internet de la compagnie, consultée le 25/01/2014, URL de référence : http://www.cirquebangbang.fr/fr/compagnie

 

S.n., « Martin Palisse, Directeur du Sirque - Pôle National des Arts du Cirque de Nexon », présentation de Martin Palisse publiée sur le site Internet Le Transfo, consultée le 25/01/2014, URL de référence : http://www.letransfo.fr/Theatre-Arts-de-la-rue-Cirque/Martin-Palisse-Directeur-du-Sirque-Pole-National-des-Arts-du-Cirque-de-Nexon

 

S.n., « Still life – Cirque Bang Bang », présentation du spectacle, du Cirque Bang Bang, de Martin Palisse et d’Elsa Guérin, publiée sur le site Internet Derrière le hublot, consultée le 25/01/2014, URL de référence : http://www.derriere-le-hublot.fr/spip.php?article244

 

S.n., présentation de la Cridacompany et de leurs spectacles sur le site Internet de la compagnie, consultée le 25/01/2014, URL de référence : http://www.cridacompany.org/site/crida/

 

S.n., présentation du groupe JUR et de Jur Domingo sur le site Internet de JUR, consultée le 25/01/2014,) URL de référence : http://jurmusique.com/site/jur/

 

 

  • Sur le "nouveau cirque"

 

Pour tous les curieux et amateurs de cirque, et pour aller plus loin, sachez que :

- un magazine spécialisé dans « la création hors les murs » paraît chaque trimestre, se nomme Stradda et s’achète dans certaines librairies, ainsi qu’en ligne ; il permet de suivre l’actualité de la création circassienne et des arts de la rue et complète les ouvrages de diverses sortes (livre d’histoire, essai d’esthétique, recueil d’entretiens, etc.) qu’il existe sur le cirque aujourd’hui

- un site de ressources documentaires, consacré aux arts de la rue et aux arts du cirque, qui donne accès à des milliers de documents (notices de spectacles, images, articles, coordonnées de compagnies, etc.), a été mis en place par HorsLesMurs (le centre national de ressources des arts de la rue et des arts du cirque). Voici son adresse : www.rueetcirque.fr.

 

 

 

1 S.n., présentation de Still life, programme du festival 30'' 30' - Les rencontres de forme courte, #12, p. 22.

2 Martin Palisse, cité par s.n., présentation de Still life, programme du festival 30'' 30' - Les rencontres de forme courte, #12, p. 22.

3 S.n., présentation de L'Essay, programme du festival 30'' 30' - Les rencontres de forme courte, #12, p. 21.

4 S.n., présentation de Mañana es mañana, programme du festival 30'' 30' - Les rencontres de forme courte, #12, p. 23.

5 Jean-Michel Guy, Avant-garde, cirque !, Paris, 2001, p. 11.

6 Bruno Masi, « Les Arts Sauts esthètes en l'air », in Libération, 24 janvier 2004.

7 Jean-Luc Terrade, « La tentation du cirque », propos recueillis par Lucie Bahaud, in Junkpage, n°19, Bordeaux, 2015, p. 20.

8 Alexis Gruss, cité in Monica J. Renevey (dir.), Le Grand livre du cirque, t. I, ,Genève, Edito-Service, 1977, p. 150.

9 Marie-José Mondzain, « Exercer le corps et exercer la pensée », propos recueillis par Gwénola David, in La Terrasse, hors-série « Le cirque contemporain en France », n°225, octobre 2014, p. 42.

10 S.n., « Jean-Philippe Lecat », présentation publiée sur le site Internet du ministère de la Culture et de la Communication, le 3 mai 2013, consultée le 4 mars 2015, URL de référence : http://www.culturecommunication.gouv.fr/Ministere/Histoire-du-ministere/Les-ministres/Jean-Philippe-Lecat.

11 Pascal Jacob, « Le cirque, une cristallisation d’influences », propos recueillis par Agnès Santi, in La Terrasse, hors-série « Le cirque contemporain en France », n°225, octobre 2015, p. 6-7.

12 Emmanuel Wallon, « L’impact d’une politique culturelle en faveur du cirque », propos recueillis par Gwénola David, La Terrasse, hors-série « Le cirque contemporain en France », n°225, octobre 2014, p. 6-7.

13  S.n., « Pôle National Arts du cirque », article publié sur le site Internet du Circa, s.d., consulté le 4 mars 2015, URL de référence : http://www.circa.auch.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=87&Itemid=502.

14 Emmanuel Wallon, « L’impact d’une politique culturelle en faveur du cirque », propos recueillis par Gwénola David, La Terrasse, hors-série « Le cirque contemporain en France », n°225, octobre 2014, p. 6-7.

15 AUTEUR DE L’ARTICLE, TITRE DE L’ARTICLE, in Jean-Michel Guy dir.), Avant-garde, cirque ! , Paris, Autrement, 2001, p. 228

16 Idem, p. 229.

17 Idem, p. 230.

18 Idem, p. 232.

19 AUTEUR DE L’ARTICLE, TITRE DE L’ARTICLE, in Jean-Michel Guy, Avant-garde, cirque ! , Paris, Autrement, 2001, p. 43.

20 Ibid.

 

 

ANNEXE :  LE CIRQUE BANG  BANG, LA FORME COURTE ET LE FESTIVAL 30'’30'

 

D'après les propos d'Elsa Guérin recueillis le 3 février 2015 au Galet (Pessac) par Céline Mouchard et Juliette Villenave

 

 

Le Cirque Bang Bang et Still life

 

Martin Palisse et Elsa Guérin créent le cirque Bang Bang il y a une quinzaine d'années en Auvergne. A travers leurs différents spectacles – qui ont des formats dits « longs » –  ils travaillent à renouveler les enjeux du cirque contemporain en se concentrant sur la discipline circassienne du jonglage. Bien que la forme courte existe déjà dans le cirque traditionnel avec le numéro (qui a usuellement une durée d'environ huit minutes), elle peut s’explorer de manière singulière à travers certains spectacles ; et c’est justement ce dont il s'agit avec Still life : explorer un nouveau format d'écriture – une vingtaine de minutes – sans proposer une surenchère d'objets ou de difficultés techniques. L'idée n'est donc pas d'épater le spectateur mais de lui proposer un exercice de style lié au format, au jonglage et au déplacement dans l'espace. Par ailleurs, cette forme courte permet au Cirque Bang Bang de sortir des théâtres et des pistes de cirque ; pour preuve, Still life a toujours été joué en extérieur jusqu'à cette soirée 30’’30’. Le dessein de ce spectacle et de la forme courte est, pour la compagnie, de pouvoir jouer dans des lieux non dédiés au spectacle vivant, allant du centre d'art contemporain au parc. Il est en effet plus difficile de s'inclure dans ce genre d'endroit et de happer la concentration du spectateur avec un format long.

 

 

Une performance ?

 

Le sous-titre du spectacle « jonglage-performance » a pu faire que 30'’30' n'a gardé que le mot de « performance » pour présenter le spectacle. L'univers du Cirque Bang Bang est effectivement loin de l'univers du cirque, on peut donc parler simplement de « performance » pour ce spectacle. Ce travail de la forme courte met en œuvre l'enjeu du dépassement de soi, du point de vue non de la force physique mais de la capacité d'endurance. Bientôt, une forme longue de Still life sera créée pour être jouée sous chapiteau, ce qui affectera le rapport à l'espace et au public, et qui, de fait, rapprochera le spectacle de l'univers du cirque.

 

Elsa Guérin n'a pas été formée en École de cirque mais aux Beaux-Arts et cela se ressent dans le sens qu'elle donne au mot « performance » : celui d’« une action qui n'existe qu'une fois et ne se répète pas à l'identique ». Pour elle, c'est le happening des performeurs des années 1970 qu'on a traduit en français par « performance » et qui est de plus en plus utilisé dans le spectacle vivant depuis une dizaine d'années. La performance procèderait d'une esthétique qui a trait à l'art contemporain et qui la rendrait « hype ». Parler de performance renvoie à quelque chose de nouveau, d'étonnant, à une esthétique qui a trait à l'art contemporain et qui serait ainsi « hype ». Selon Elsa Guérin, les arts de la scène auraient tenté de « récupérer » la performance en la dénaturant, en l’éloignant de la forme du happening telle qu’elle existait dans les années 70 (avec Marina Abramovic par exemple), se distinguant du spectacle par son caractère éphémère. Car le spectacle vivant, par essence, demande à être répété et diffère donc du happening comme de la performance dans ses formes « originelles ».

 

Pour aller plus loin, voir le texte qu'Elsa Guérin a publié sur le site Internet du Cirque Bang Bang à propos de la performance : http://www.cirquebangbang.fr/fr/creations-actuelles/blind-action

 

 

Still life dans 30’'30’

 

Jean-Luc Terrade, le directeur du festival, est entré en contact avec la compagnie – en particulier avec Martin Palisse, nommé directeur du Pôle National des Arts du Cirque de Nexon en 2014 – et est venu voir le travail de création de Still life dans les premiers jours de répétition. Déjà emballé, il a vu le spectacle dans sa version finale lors de sa représentation à Nexon et a confirmé les programmer pour la première fois au sein du festival. Si 30'’30' a parfois du mal à trouver des formes courtes – par exemple, le spectacle Mañana es mañana de la Cridacompagny est issu d'une forme longue qui a été raccourcie pour le festival – la ligne artistique reste pointue et le niveau d'exigence rare. Cette année, la programmation axée sur le « cirque contemporain » aide à remplir les salles (l'an dernier, le festival donnait une large place à la « danse-performance ») et touche un public plus large sans perdre de son exigence et de sa singularité.

 

 

Bang Bang dans la soirée du 3 février

 

La programmation de trois spectacles dans la même soirée est intéressante, du moins quand on a affaire à trois petits formats, formule a priori agréable pour le spectateur. Mais la formule a ses limites : le 24 janvier, quatre spectacles étaient programmés à Boulazac ; c'est beaucoup et ça peut mettre les artistes dans une position délicate si le spectateur a du mal à passer de l'un à l'autre. Dans le cas présent, c'est plus simple, même si le partage du plateau peut créer quelques difficultés techniques, surtout avec le montage du tapis roulant qui prend quatre heures...

 

Si le travail de Hugo Méga n'est pas encore très connu du fait qu'il est jeune et qu'il sort d'école, le Cirque Bang Bang connaît bien le travail de la Cridacompagny qu'il a été amené à croiser au gré de différents festivals. Chacune à leur manière, les deux compagnies sont singulières dans le domaine du cirque contemporain, ce qui fait que leurs créations se répondent. De plus, le fait de proposer d’un bout à l’autre de la soirée deux spectacles de cirque très différents permet d'éviter un effet de répétition pour le spectateur, tout en gardant le cirque en toile de fond.

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog du krinomen
  • : Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).
  • Contact

Recherche