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16 avril 2015 4 16 /04 /avril /2015 09:31

 

 

Krinomen présenté le 16 avril à 13h30

 

 

Article rédigé par : Océane Croce, Rachel Masurel, Nolwen Luminais, …

 

Le jeudi 16 avril aura lieu le Krinomen thématique qui portera sur le théâtre et la marionnette. Cependant nous allons plus particulièrement nous attacher aux marionnettes, à leur histoire, ainsi que la vision que le public peut en avoir. Nous nous questionnerons également sur le devenir des spectacles de marionnettes ainsi que sur leur programmation et leur place par rapport au théâtre dans le domaine du spectacle vivant, mais aussi sur le public qu’elles peuvent toucher aujourd’hui. Mais avant cela, faisons un bon dans le temps pour revenir au début de la marionnette.

 

Un peu d’histoire :

 

La marionnette est un objet ou un petit personnage animé par l’homme pour lui faire prendre part à n’importe quelle action dramatique. Le terme marionnette vient du mot Marion qui était un diminutif de Marie qui faisait référence à la Vierge Marie. En effet la marionnette était au départ utiliser dans des pratiques religieuses par les égyptiens mais aussi dans d’autres contrées comme en Afrique Noire, en Grèce, en Italie mais aussi en France. Le plus souvent on utilisait des petites statuettes, que l’on animait pour représenter des moments religieux. A partir de la fin du Moyen Age, on commence à aborder des thèmes profanes pour critiquer le quotidien, ce qui permet d’éloigner petit à petit la religion des représentations de marionnettes. Par la suite, la marionnette est devenue un art populaire notamment vers le 17ème et le 18ème siècle en France. En effet, les marionnettes étaient très présentes dans les théâtres de la foire Saint-Germain mais aussi de la foire Saint-Laurent à Paris. Elles jouissaient d’une grande liberté et ont été épargnées par les conflits qui avaient lieu entre les différents théâtres à cette époque. Les spectacles de marionnettes étaient souvent des parodies. On peut citer parmi celle-ci, la parodie de Fuzelier Le ravisseur poli. Au début du 19ème siècle et à la suite de la fermeture des théâtres de la foire, les spectacles de marionnette ont eu lieu dans les théâtres construits sur le Boulevard du Temple à Paris, mais perdent de l’engouement auprès du public. Cependant vers le milieu du 20ème siècle, le public renoue avec le genre. En effet les marionnettistes traditionnels rencontrent un nouveau courant de marionnettistes qui pratiquent l’objet de manière différente et ne sont plus seulement dans une recherche artistique. Ce courant apparait notamment avec la troupe des Marionnettes à la française crée par Gaston Baty. Par la suite, les spectacles de marionnettes prennent place dans les cabarets et rencontrent ainsi un public d’adultes. Ces spectacles, sont à l’époque plutôt visuels et de forme courte car ils doivent intervenir entre deux numéros de chanteurs, danseurs ou poètes. Cela a pour impact de modifier la manière de pratiquer la marionnette. En effet, ces spectacles doivent capter l’attention du public rapidement, sans relâche et dans un temps imparti. De ce fait ils n’utilisent plus de castelet (trop long à monter), plus de décor ni de marionnettes trop stylisées. Ainsi, les marionnettistes utilisent des objets courants, ou bien encore leurs mains pour raconter des histoires. Cela durera jusque dans les années 60. Mais la situation des marionnettistes demeurait toujours assez précaire, ainsi pour la plupart, le seul endroit où ils étaient sollicités pour faire des représentations était les milieux scolaires. Ce qui explique aussi en partie pourquoi la marionnette est depuis longtemps reléguée à une pratique destinée aux enfants. Quelques années plus tard, à la fin du 20ème siècle, de nombreux festivals incluant des spectacles de marionnettes voient le jour et les expose ainsi à un plus large public. On peut citer le festival international des théâtres de marionnettes à Charleville-Mézières, qui existe toujours aujourd’hui. Ainsi, cela a permis aux institutions de voir que la marionnette était quelque chose qui fonctionnait théâtralement, et plaisait énormément à n’importe quel public. Cela a eu pour conséquence de voir apparaitre dans les programmations de théâtres, des spectacles de marionnettes. Cependant on peut remarquer que celles-ci n’est pas équivalente aux programmations des spectacles de théâtre. Les marionnettes sont encore aujourd’hui assez stéréotypées et la marionnette contemporaine qui s’adresse à un public plus large et encore peu connue du plus grand nombre.

 

Quelques marionnettes à gaine traditionnelles emblématiques et connues :

 

  • Pulcinella au 16ème siècle en Italie, il a le ventre gros et bossu et est un personnage comique et querelleur. En France, il deviendra Polichinelle au 17ème siècle et sera animé par le marionnettiste Brioché par exemple.

 

  • Guignol apparu au 19ème siècle en France grâce à Laurent Mourguet. Cette marionnette personnifie l’ouvrier de la soie en reproduisant sa manière de parler et d’agir. Guignol donna aussi son nom aux théâtres ou il était représenté. Plusieurs théâtres de Guignol se sont installés dans différentes villes de France. Guignol a d’abord joué un rôle de gazette pour annoncer l’actualité dans différents cafés puis par la suite il a été relégué au statut de spectacle pour enfants et n’est plus représenté que par des forains, le plus souvent dans des jardins publics.

 

  • Punch en Angleterre, qui est une marionnette se rapprochant de Pulcinella en Italie.

 

Questionnements :

 

Pour ce Krinomen, nous allons aborder plusieurs thématiques autour de la marionnette car de nombreux questionnements subsistent. En effet, on peut se demander comment les arts de la marionnette qui sont souvent marginalisés, peuvent être intégrés dans l’histoire du spectacle vivant et être ponctuellement sollicité pour des représentations ? De plus il faut aussi s’intéresser au public qui est visé. Est-ce qu’un spectacle de marionnettes est un spectacle destiné à un jeune public ou cela varie-t-il en fonction de la représentation ? Par ailleurs, il serait intéressant de voir comment dans d’autres disciplines les marionnettes peuvent être utilisées et quel public elles arrivent à viser à ce moment-là. La marionnette contemporaine est aujourd’hui le plus souvent destinée à un public d’adulte, mais est ce que ce type de représentations n’est pas parfois trop élitiste ?

 

La marionnette, spectacle pour jeune public ?

 

« La marionnette a longtemps été considérée comme un art mineur destiné aux enfants.

C’est comme une double peine : une forme pauvre et minimale d’un presque théâtre

pour un public qui n’en est pas vraiment un. Depuis une vingtaine d’années l’image

de la marionnette change. Elle a su renouveler ses pratiques, ses formes, sa création,

en s’ouvrant aux « arts associés », aux écritures contemporaines et en s’adressant

obstinément au public adulte. [1]»

 

A travers cette citation, nous remarquons que le spectacle de marionnettes est un art marginalisé, c’est-à-dire qui n’est pas aussi bien considéré que tout autre art, il n’est souvent vu que comme un art pour « amuser les enfants. ». Pour exemple de spectacle jeune public, nous pouvons nous intéresser à guignol. A Bordeaux, Une troupe de marionnettiste est présente depuis 1853, le Guignol Guérin, qui perpétue la tradition du spectacle de marionnette pour « tout public », mais que signifie aujourd’hui ce terme ? Pour beaucoup, cela signifie qu’il est accessible aussi bien au jeune public qu’aux adultes. Le terme « tout public » s’adresserait donc aux familles ?

Il semblerait que la marionnette ait perdu en qualité, qu’elle porterait peu d’ambition et peu d’exigence. On peut lire en effet dans un Livre blanc pour une politique de l’enfant spectateur, publié par l’Association du théâtre pour l’enfance et la jeunesse (ATEJ) en 1995, que « les réalisations artistiquement les plus exemplaires ne sauraient faire oublier la survivance […] d’un théâtre pour enfants de conception archaïque, la multiplication de propositions aux intentions de plus en plus commerciales.[2]» Mais quelle en serait la cause ? Luc Laporte, responsable artistique de la Compagnie Contre Ciel (compagnie de marionnette) et membre de THÉMAA (association nationale des THÉâtres de Marionnettes et des Arts Associés) explique que « ce n’est pas la marionnette qui est en cause mais bien l’introuvable légitimité du théâtre pour l’enfance.[3] » Pour lui, « Le théâtre pour les enfants souffre toujours d’un manque de reconnaissance chronique » de la part des institutions françaises. C’est que, aujourd’hui, la mode est aux spectacles tout public, il faut créer pour le plus grand nombre, et non se spécialiser. Ainsi, les efforts sont combinés sur la recherche de spectacles qui conviennent à tous, il « doit être « de qualité », en adéquation avec le public, plaisant, attractif, accessible, pas pessimiste, un peu novateur mais pas trop, un peu difficile mais sans plus, ça doit fonctionner, plaire à tous, aux enfants mais aussi et surtout aux parents et aux enseignants. » nous explique Luc Laporte. La forme est donc privilégiée à l’instar du fond et du sens. L’objet marionnette est-il donc banalisé ? Cette perception qu’aujourd’hui nous avons de la marionnette est elle défaillante ?

Essayons donc de redécouvrir la beauté de la marionnette. L’article de Laurent Contamin (Auteur, metteur en scène) dans le journal manip numéro 16 (journal dédié à la marionnette) pose un regard différent sur « l’objet marionnette comme « a priori » merveilleuse. [4]» Pour lui, la marionnette est en elle-même un objet magique car sous l’effet d’un manipulateur, elle donne l’illusion de vivre. L’objet s‘anime. De plus, cet objet possède des capacités surhumaines. Il constate : « elles peuvent faire ce qu’un acteur ne peut pas faire : voler, accélérer, faire des pirouettes, se contorsionner, se dilater, se démembrer et se reconstruire aussi sec (Philippe Genty), fondre si elles sont en glace (Emilie Valantin)… bref, défier les lois de l’espace et du temps. En grandes conquérantes des possibles de la scène, elles sont bel et bien des surhommes.» C’est ainsi qu’elles nous émerveillent. Enfin les marionnettes sont « plurielles » : c’est-à-dire qu’elles n’ont aucune limite d’existence. Toutes les plasticités, les esthétiques sont possibles et envisageables. La marionnette possède un champ de possibilités extrêmement larges, qui s’articulent en lien avec les questionnements qu’elles suscitent qui sont d’une extrême diversité. « Elle est l’outil dramatique borderline par excellence, elle continue à aller chercher du questionnement aux limites de la vie et de la mort. » explique, en effet, Laurent Contamin.

 

Ainsi, on a vu que la marionnette a été mise à la marge par le grand public. Pourtant, aujourd'hui, beaucoup d'artistes et de théoriciens essayent de lui redonner ses lettres de noblesse. La marionnette ne se limite donc pas au « jeune public », il semble que de nouvelles créations contemporaines reconsidèrent la marionnette dans tous ses états et lui permette de reprendre son essor. Il apparaît donc que la marionnette soit aujourd'hui en mutation vers de nouvelles considérations.

 

 

La question du réalisme

Il existe dans le théâtre de marionnettes une méfiance à l’égard du réalisme, et une idée qui veut que celle-ci tire justement sa force de ses conventions de jeux. Craig écrit d’ailleurs, dans Drama for fools qu’il y a deux conceptions de l’art marionnettique : une mauvaise qui imite l’être humain, et une bonne au jeu parfaitement conventionnel. Cette différence fait naître au cours du XXème siècle un rêve de l’acteur objet, fantasme d’une marionnette nécessairement plus simple à manier qu’un être vivant, qui ne tient pas compte des problèmes techniques soulevés par la marionnette. Ce débat a pourtant l’avantage de faire poser à certains théoriciens un regard nouveau sur la marionnette, lui entrouvrant une porte de sortie de cette case de théâtre jeunesse où elle est confinée.

Pourtant cette méfiance reste persistante, et beaucoup la condamnent. Des liens sont faits entre les « progrès mécaniques » de la fin du XIXème siècle, qui permettent aux marionnettes des gestes « obscènes » et une « décadence artistique »[5] dont on accuse alors cet art.

 

Pourtant, un renouveau apparaît avec la popularité croissante des spectacles des frères Thomas et James Holden. Ce dernier fait jouer de vrais acteurs à l’avant scène et place ses marionnettes réalistes derrière eux pour que le spectateur ait plus de mal à les différencier. L’idée fascine, et de nombreuses imitations et reprises voient le jour, encouragés par la notoriété de cette virtuosité technique. La disparition du castelet est un nouveau prétexte pour travailler sur la gémellité du manipulateur et de son objet qui dès à présent peut devenir à taille réel, ou emprunter des membres à son interprètes. Dans le cas d’Ilka Schönbein la marionnette devient un ajout à ses propres membres, et Gisèle Vienne cherche à troubler encore plus la distinction possible entre l’objet animé et l’être vivant avec ses mannequins et ses comédiens se confondant. Cependant les marionnettes gardent encore nombre de leur défauts, des raideurs au niveau de leurs membres, et le trouble qui en naît est plus du à ce qu’on devine d’illusoire qu’à l’illusion de réalisme même.

 

Les années soixante-dix, les arts plastiques et particulièrement les sculpteurs hyperréalistes influencent le théâtre de marionnettes, et transforment ces dernières en les dotant d’un visage et d’un corps humanoïde. Si les tailles de ces objets semblables à des êtres sont souvent inférieures à celles de leurs manipulateurs, l’illusion est quasi parfaite et on assiste à un véritable renversement des codes. Les spectacles mettant en scène les marionnettes hyperréalistes définissent régulièrement le désir de redéfinir le sentiment d’existence émanent des objets. Ceux-ci ont une apparence tellement réaliste qu’il n’y a plus besoin de les animer pour qu’un sentiment de vie émane d’elle et que le spectateur ne s’imagine face à des êtres perdus dans leurs pensées. Le rôle du manipulateur s’en voit bouleversé ; le jeu des marionnettes est allégé et celles-ci deviennent des partenaires plus silencieuses.

 

Avec ce changement, on atteint enfin ce rêve du théâtre d’androïdes dont rêvait Maeterlinck pour ses pièces. Ses textes qui avaient été déclarés « dramatiquement inefficaces » et « injouables » à son époque peuvent à présent voir le jour. Rilke explique ce désamour des contemporains de Maeterlinck en suggérant que ces affirmations ne pouvaient être vraies que selon les codes en vigueur auxquels les propositions du dramaturge ne correspondaient pas. Cependant, ces codes ont-ils tellement changé ? Pour comprendre ce théâtre fantasmé par Maeterlinck ne faut-il pas les connaître ? Et ces nouvelles formes qui se revendiquent souvent du « théâtre d’art » n’ont-elles pas une dimension élitiste ?

 

 

Bibliographie :

 

 

 

 

[1]Article intitulé « mettre en scène pour le jeune public » publié dans le journal Manip (dédié à la marionnette) numéro 16 de 2008 « Et si on reparlait du jeune public »

[2]Citation de Nicolas Faure dans l'introduction « Le théâtre jeune public » de la presse universitaire de Rennes, publiée en 2009

[3]Article intitulé « le(s) public(s) pour la marionnette » publié dans le journal Manip (dédié à la marionnette) numéro 16 de 2008 « Et si on reparlait du jeune public »

[4]Article intitulé « merveilleuse marionnette ?» publié dans le journal Manip (dédié à la marionnette) numéro 16 de 2008 « Et si on reparlait du jeune public »

[5] Charles Magnin Histoire des marionnettes en Europe, 1981, p.168-173

 

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