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20 novembre 2014 4 20 /11 /novembre /2014 16:52

 

 

 

 

Spectacle présenté à la Maison Des Arts de l’université Bordeaux Montaigne, le jeudi 13 novembre 2014

 

 

La séance de Krinomen a eu lieu le jeudi 20 novembre, dans la salle de spectacle de la Maison Des Arts.

L’équipe chargée de l’animation : Ivana Raibaud, Lisa Parage, Rachel Masurel et Guillaume Tichit

L’équipe chargée des recherches de terrain : Sarah Even et Emma Gassie

L’équipe chargée du compte rendu : Jeanne Mahot et Océane Croce

 

Compte rendu de la séance :

 

Rien n’était si beau, est réalisé par la compagnie Les Visseurs de clou et mise en scène par Pascal Laurent. C’est un spectacle qui mélange marionnettes et théâtre en abordant le thème de la guerre d’une manière détournée afin d’en faire un spectacle comique. Monté une première fois à la sortie de master « mise en scène et scénographie » de Pascal Laurent, ce spectacle n’avait malheureusement pas pu trouver de lieu pour être programmé. Quelques années plus tard, la compagnie a alors l’idée de créer un autre spectacle, Bande annonce, interprété par un seul marionnettiste qui est Pascal Laurent et qui a pour but de présenter et de promouvoir le spectacle rien n’était si beau[1].

 

 

Pour pénétrer directement dans le monde du spectacle Rien n’était si beau, La chevauchée des walkyries de Wagner résonne en fond sonore durant l’entrée des étudiants dans la salle de spectacle. Chacun d’eux est muni d’un ustensile de cuisine et légèrement maquillé avec de l’argile. Une fois tout le monde installé et la musique stoppée, une des animatrice du Krinomen, debout sur « une estrade » commence à lire des passages de textes présents dans le spectacle, tandis que d’autres animateurs se bagarrent à l’aide d’ustensile de cuisine. L’animation prend fin lorsque les deux personnes chargées des recherches de terrain interviennent pour exposer leurs recherches. Il s’agit d’une interview de Pascal Laurent, des différents membres de la compagnie et d’un spectateur. Différents passages du spectacle sont montrés.

 

« C’est une éloge de la guerre. Le spectacle consiste en une fresque épique pour en faire un tableau heureux et grotesque ».

Pascal Laurent, à propos de Rien n’était si beau.

 

 

 

Rien n’était si beau est un spectacle déambulatoire, quelles en sont les différentes étapes ?

 

La déambulation du public se déroule en 4 phases :

 

  • La conférence : Le public est dans le hall de la Maison Des Arts. Pascal Laurent interprétant le personnage de Noel Leblanc se place sur une estrade pour faire un discours. Il explique que Pascal Laurent ne peut pas être là ce soir et que c’est donc lui qui va lire un passage de Candide de Voltaire et la note d’intention du spectacle de Pascal Laurent.

 

  • L’exposition : le public est convié à rejoindre la salle de répétition où sont exposés différents tableaux retraçant des moments ou des thèmes du spectacle. Le public discute, échange des commentaires jusqu’à ce que Guéwen, un des membres de la compagnie, commence à jouer avec des petits soldats posés sur une table haute vers le fond de la pièce. Il s’amuse à les faire tomber par terre comme un enfant puis il s’empare d’un fusil et vise le public en faisant semblant de lui tirer dessus. Il déambule à travers le public, son comportement est à la fois drôle et effrayant. Il monte les escaliers, éclate de rire puis regarde le public comme s’il venait de se rendre compte de toutes les personnes qu’il venait de « tuer » et se suicide.

 

  • Le couloir du Walhalla : La musique La chevauchées des Walkyries résonne dans la pièce qui est plongée dans le noir. Deux membres de la troupe arrivent pour ouvrir les portes qui vont amener le public dans le couloir du Walhalla. On passe à travers un portail qui nous conduit dans la salle de spectacle. Les parois du couloir sont « décorées » de sachets de thé et de tableaux représentant par exemple le marchand de bâtons qui est l’une des marionnette qui intervient plusieurs fois durant le spectacle. Au bout du couloir, deux personnes avec un air strict et sévère nous attendent pour nous donner un casque militaire.

 

  • L’épopée dérisoire : Le public arrive vers le centre de la salle de spectacle de la Maison Des Arts. Des gradins sont installés en bi-frontal pour que le public puisse s’installer. On est donc divisé en deux camps, les bulgares d’un côté et les abats de l’autre. Pascal et Guéwen sont habillés en soldat et crient sur le public pour qu’il s’installe plus vite ou bien qu’il change de place. Pour accéder aux gradins, le public dois passer sous une grande arche munie de plusieurs piliers qui peuvent se déplier. En fond de scène est disposé un petit castelet. L’histoire qui nous est racontée est celle Don Quichotte qui perd son cheval Rossinante, il tente alors de le retrouver. Sur son chemin il rencontrera Maitre Pierre qui fait de la marionnette de propagande, ou bien des soldats qui tenteront de l’enrôler ou bien encore une cuisinière. Chaque rencontre que fait Don Quichotte permet d’intégrer les marionnettes au spectacle. On retrouvera trois fois le marchand de bâtons qui s’adresse au public pour tenter de lui vendre toute sorte d’armes. Plusieurs ustensiles de cuisines seront également utilisés comme marionnettes. Don Quichotte ne pourra jamais retrouver son cheval Rossinante car celui-ci demeurera pendu, pendant une bonne partie du spectacle, à l’arche. On suppose que celui-ci finira par être mangé. La fin du spectacle est consacrée à la grande bataille des sachets de thé. Ceux-ci sont des soldats qui partent au combat et qui malheureusement n’en reviendront pas vivant.

 

Quel est le ton général donné au spectacle ?

 

Le spectacle est perçu de différentes manières car différentes atmosphères se mélangent en fonction de ce qui se passe ou bien de ce qui est raconté. Certains ont perçu le départ comme assez froid voire même glauque notamment quand le personnage joué par Guewen Magnier se suicide, moment qui paraît très proche de la réalité comparé au reste du spectacle. Le passage dans le couloir du Walhalla peut également être perçu comme assez dérangeant avec ces sachets de thé un peu partout même si on en comprend totalement la signification après avoir vu le spectacle. De même, les deux comédiennes qui remettent des casques aux spectateurs ne sont pas très accueillantes et la lumière sur scène, au départ, est plutôt froide. Les marionnettistes qui sont sur scène ont le visage recouvert d’argile et sont plutôt agressifs envers le public. La scène finale avec les sachets de thé a pu être perçue comme quelque chose de très fort et de « sale » car on a vraiment l’impression qu’à la fin les généraux boivent le sang de tous leurs soldats mort au combat.

 

Cependant, d’autres éléments atténuent la noirceur pour donner de la légèreté au spectacle, ce qui a amené certains spectateurs à davantage saisir les aspects festif et comique de ce spectacle. L’esthétique présentée est assez foraine avec le personnage du marionnettiste de propagande. La musique de La chevauchée des Walkyries amène une dimension festive et drôle au moment où le public pénètre dans le monde des morts. Puis, quand Don Quichotte arrive, l’aspect comique du spectacle est plus prononcé ; le public est pris à parti notamment lorsqu’il doit chanter une comptine de guerre sur l’air de Vent frais. La marionnette du marchand de bâton fait des apparitions courtes mais comiques car il est dans l’exagération (changements de tonalités, passages de la parole au chant, manipulation vive des objets, usage d’un vocabulaire marchand par rapport aux armes de guerre…)

 

Comment les différents textes retenus par Pascal Laurent portent-ils le spectacle ?

 

On retrouve tout d’abord des extraits de Don Quichotte de Cervantès, qui servent bien le propos car on retrouve le personnage de Don Quichotte dans la pièce. Ce texte alimente l’univers du spectacle car c’est une épopée dérisoire. On trouve ensuite des passages de Candide de Voltaire où Voltaire porte une critique de la guerre en faisant son apologie. On reconnait également un texte de Victor Hugo. La non-(re)connaissance de ces textes ne gène pas la réception générale du spectacle ; ils contribuent inscrire et développer le thème de la guerre et les thématiques qui s’y rapportent (propagande, marché noir, fonctionnement de la hiérarchie militaire…).

Le rapport à l’image est très présent durant le spectacle. Il y a soit un acteur en mouvement ou bien des marionnettes, ce qui permet d’aérer un texte qui parfois peut être dense.

 

Pascal Laurent affirme s’être inspiré de la Première Guerre Mondiale pour créer Rien n’était si beau, quelles ambiguïtés cela peut-il créer ?

 

Le spectateur est projeté dans l’univers de la Première Guerre Mondiale, comme il est énoncé dans la note d’intention que Pascal Laurent lit au tout début du spectacle ; il nous explique que l’idée du spectacle lui est venue en repensant à son grand père qui était parti à la guerre. De plus les casques qui sont distribués au public font directement penser aux casques que portaient les soldats durant cette guerre. Les différents conflits et combats qui ont lieu durant le spectacle font penser aux guerres de tranchées qui ont eu lieu principalement durant la Première guerre Mondiale.

 

Cependant malgré ces éléments marqués historiquement, l’ensemble de la proposition ne reste pas centrée sur la Grande Guerre : des références aux guerres récentes sont ainsi données, par rapport aux costumes des marionnettistes ou à des éléments du décor.

Le fait d’utiliser du théâtre d’objet n’a pas forcément le même impact que si c’était des comédiens même si des marionnettes peuvent transmettre de grandes émotions. C’est aussi un moyen de mettre de la distance avec la réalité de la guerre car le spectacle est destiné à tous les publics.

 

Rien n’était si beau, un spectacle « tous publics » ?

 

Le spectacle peut être considéré comme un spectacle « tous publics » car c’est avant tout drôle même s’il traite de la guerre. Le spectacle porte une importante dimension ludique en plus de la dimension politique, permettant une réception multiple. Le plaisir lié aux rires, aux manipulations des marionnettes, aux chants occupe ainsi une place de choix.

 

Bande annonce a été créé pour promouvoir Rien n’était si beau, quels liens peut-on faire entre les deux spectacles ?

 

Bande annonce, a été présenté à la Boîte à Jouet en 2013. Pascal Laurent est accompagné de Guéwen Magnier mais seul Pascal manipule les différentes marionnettes. Le spectacle est aussi déambulatoire et commence de la même manière que Rien n’était si beau avec la note d’intention de Pascal. Puis on est également plongé dans l’univers du spectacle grâce à La chevauchée des Walkyries. On découvre les marionnettes de Rossinante, le cheval de Don Quichotte qui est fabriqué avec différents ustensiles de cuisine et des matériaux récupérés et assemblés tous ensemble. Les mêmes casques faisant référence à la Première Guerre Mondiale sont distribués aux spectateurs. Le marchand de bâtons est également présent mais dans une version plus courte, ainsi que la scène des sachets de thé avec Pascal qui goûte le thé à la fin de la scène.

 

Mais on remarque que certains éléments sont différents ou remaniés pour Rien n’était si beau comme par exemple le fait que c’est Pascal qui joue le Rôle de Don Quichotte et la scène de sachets de thé est également réalisée que par Pascal alors que dans Rien n’était si beau, on trouve trois comédiens. A la fin du spectacle, la scène s’ouvre pour laisser apercevoir un espace rempli de fumée qui ouvre sur le couloir du Walhalla. La fin de Bande annonce ouvre sur le début du spectacle de Rien n’était si beau. Le spectateur reprend là où il avait été laissé.

 

La Bande-annonce a-t-elle tenu ses promesses ?

 

Pour plusieurs personnes, le fait d’avoir assisté à Bande-annonce n’a rien gâché au spectacle Rien n’était si beau car les attentes ont été comblées par le plaisir de retrouver certains éléments déjà connus et, cette fois-ci, amenés d’une manière un peu différente et jugée comme judicieuse. Il y également le plaisir de retrouver, pour un grand nombre de personnes dans la salle ce soir-là, le travail d’une jeune troupe assez bien connue, et enfin programmée avec un spectacle créé plusieurs années auparavant. De plus de nouvelles choses viennent agrémenter les éléments du spectacle que l’on connait déjà pour apporter un élément de surprise. De plus, il était intéressant d’avoir vu Bande annonce auparavant car cela permettait une meilleure compréhension de Rien n’était si beau.

 

Cet avis n’est pas soutenu par d’autres spectateurs qui avaient tellement apprécié Bande annonce, qu’ils ont été déçus en voyant Rien n’était si beau, et ce pour diverses raisons. Tout d’abord, la forme du spectacle, avec des comédiens, implique moins de place pour les scènes entièrement avec les marionnettes. Ensuite, l’univers de Bande annonce est perçu comme plus enfantin alors que dans Rien n’était si beau on est plongé dans un univers qui est plus centré sur l’univers de la guerre.

 

Les avis divergent ensuite sur la portée politique du spectacle ; Bande annonce a été créé dans l’optique de défendre le spectacle pour qu’il soit programmé et comportait une première partie portant sur l’économie du spectacle contemporain, un aspect moins sensible dans Rien n’était si beau ou, du moins, déplacé.

 

Le débat touche à sa fin avant que de nombreuses questions aient pu être abordées. Pour conclure et ouvrir, se pose la question de la manipulation, sensible à plusieurs niveaux : manipulation des marionnettes, du personnage de Sancho, ainsi que celle du jeu ; alors que les spectateurs assistent aux horreurs des champs de bataille et sont sommés de chanter la gloire de la guerre, jusqu’où être prêt à suivre les artistes dans leur jeu ?

 

 

 

 

[1] Voir l’article publié sur le blog du krinomen: http://krinomen.over-blog.com/article-bande-annonce-les-visseurs-de-clous-120838113.html ainsi que le compte-rendu du krinomen ayant porté sur ce spectacle : http://krinomen.over-blog.com/article-compte-rendu-de-krinomen-bande-annonce-de-pascal-laurent-120916548.html.

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