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23 février 2013 6 23 /02 /février /2013 13:55

Steven Cohen et Nomsa, sa nounou, lors de la représentation au  TNBA, 2012.

 

 

 

            Habitué des performances sombres aux origines de la terre et de l’humanité, de la transformation physique et esthétique, Steven Cohen affirme la couleur. Les couleurs. Le noir face au blanc, le noir avec le blanc. Le poids des traditions et l’ancienneté des traditions sud-africaines personnifiés dans la personne de Nomsa, sa nounou. Une image iconique d’un fossile, d’une Lucie revenue d’entre les morts.


Le plateau, hyper vision utopiste du monde par l’onirisme de la performance.


            C’est une apologie de la nature dans une scénographie féerique, lunaire parfois, dénonçant les agissements inhumains exercés par les hommes dans leur passé colonialiste et conquérant. Lumières froides, l’esthétisme de la performance fragile, naïve presque, immaculée. Une conception réactionnaire, par le travail de son théâtre d’image, sa pureté. L’image et les symboles sont le témoignage du passé colonialiste et ses régurgitations éternelles. Le tableau lors duquel Nomsa est sous une douche, en avant-scène, enchainée et tous soumis à une Marseillaise endiablée. Tout comme le songe d’une nuit d’été de Shakespeare est en apparence une pièce enfantine, belle, dans laquelle tout se termine bien,  quelque chose ne va pas ; le monde des fées et celui des hommes se ressemblent étrangement. Le monde des fées est hiérarchisé, cruel, très proche de celui des hommes. Le culturel s’oppose au naturel, l’ordre au désordre, la forêt est un retour aux sens ; néanmoins cette opposition n’est pas si paradoxale, en l’homme s’opposent constamment raison et instinct, le songe deviendrait alors la personnification de la dualité humaine, représentée sur la scène du TNBA par Steven Cohen et Nomsa. La présence d’un monde féerique est inquiétante, la magie, l’inconnu, les phénomènes incontrôlables font peur et ce monde devient alors diabolique, le noir et le blanc confondus, pour donner une couleur nouvelle, rituelle, à la performance.


Pour un postulat anti raciste qui amène la réaction d’un public concerné

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 Combat de nègre et de chiens, Bernard-Marie Koltès, mise en scène de Michael Thalheimer.

           

Cette dualité éternelle. L’ancien et le nouveau monde. Puis par inversement de valeurs, l’ancien monde deviendra le nouveau. La thématique est abordée par de nombreux ecrivains, comme Benard-Marie Koltès, dans combat de nègre et de chien. Michael Thalheimer nous adresse son point de vue esthétique, qui passe par une distanciation cathartique en choisissant de montrer le constant refoulement du sentiment de culpabilité des peuples colonialistes, oscillant à travers un paradoxe de jeu dissociant constamment le bien et le mal, le noir et le blanc. Pour Steven Cohen, le propos est différent mais pas si distant, la performance doit remonter aux origines de l’homme et y appliquer un mélange savant de recherche scénographique et d’utilisation de matériaux modernes. L’ancien et le nouveau, ensemble, pour corroborer l’image sur scène. Il fait monter sur scène, comme une reine d’un autre âge, Nomsa, sa nounou noire de 90 ans. Mère d’Afrique, sa fragilité est touchante. Steven Cohen montre étape par étape l’enchainement de ses tableaux, maladroitement amenés parfois, pour transporter le public dans un monde parallèle introspectif et symbolique. Par la lumière, le blanc, le noir, et toute la symbolique animale et végétale. 

 

 

 

            Proche d’une esthétique du jeu de Jean Genet, Steven Cohen  mêle les identités, les races, utilisant le travestissement afin de masquer le blanc sous une caricature noire et  inversement, le noir sous une jupe blanche lumineuse. La vie dans la compréhension de l’alter égo dans sa nudité, quel que soit sa couleur de peau. Le jeu de Jean Genet est aussi dérangeant ; il fait face à la société en la considérant comme un grand corps nu que l’on déguise comme le menteur déguise la vérité avec des mensonges. La métamorphose kafkaïenne du blanc impur, homosexuel, juif. L’arrivée subite du fantôme noir, vieux, fatigué et ne signifiant plus grand-chose dans un monde capitaliste aveugle et déraciné.

 

 

Ivan Camus

 

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