Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).
PIRATES DES CARAÏBES
Conception: collectif C & H
Avec Heike Langsdorf, Christoph Ragg,
Ula Sickle et Christophe Meierhans
Pirates des Caraïbes est ce qu'il reste d'un film une fois dépouillé de ses acteurs, de ses décors, et de toutes ses images. Reste alors la chorégraphie des mouvements de caméra, témoignant de la profondeur de champ.
« Il n'est pas rare, durant la carrière d'un pirate, qu'il perde un œil, lors d'un abordage ou d'une bagarre dans un port. L'œil crevé est alors couvert d'un morceau d'étoffe noire, tenu par un élastique entourant la tête du pirate. Ce dernier, s'il y gagne certes en allure et respect de la part de ses semblables, n'en perd pas moins de son acuité visuelle tridimensionnelle. Notre pirate est alors à la merci des erreurs d'interprétation de son cerveau, qui, bien souvent, lui fait croire un objet (comme par exemple, un sabre) plus éloigné qu'il ne l'est en réalité, ou encore, laisse apparaître un soldat du roi à l'arrière d'un mât du bateau alors que ce dernier se trouve effectivement devant de celui-ci, bien plus menaçant qu'il ne le pensait. Un pirate borgne voit la bataille à laquelle il se livre de la même façon que la verraient les spectateurs d'un film montrant ce même pirate aux prises avec les soldats, c'est-à-dire, selon le plan cadré par son œil unique, telle l'image d'une caméra projetée sur un écran. »
C&H
Le collectif C&H
La danseuse Heike Langsdorf, le scénographe Christoph Ragg, tous deux allemands et le compositeur genevois Christophe Meierhans, collaborent depuis 2001 en tant que C&H. C&H se définit comme un collectif principalement performatif dans lequel les différentes disciplines ne sont plus considérées comme des points de départ contraignants, mais en tant que points de vue différenciés à partir desquels approcher le travail commun : les spécialisations respectives se voient mises de côté au profit d'une investigation commune de tous les aspects de chaque projet.
Expérimenter l'action, entretien de Pascale Bateau avec Joris Lacoste
Là, tu emploies le terme « performance » dans le sens d'exécution, non dans le sens de genre ou de mode de représentation?
J'emploie ici le terme « performance » dans un sens purement formel, celui d'un certain médium qui consiste à faire une action devant des gens rassemblés pour y assister. J'aurais pu dire « spectacle », pour moi c'est équivalent en tant que dispositif mais, étymologiquement, performance est davantage tourné vers celui qui agit et spectacle vers celui qui regarde.
Je n'emploie donc pas le terme de « performance » dans un sens esthétique: je sais bien que le mot en français est codé selon une tradition très spécifique, mais ce n'est pas le cas en anglais, où il désigne n'importe quel spectacle relevant de n'importe quel genre appartenant à n'importe quelle discipline ou tradition, que ce soit les arts plastiques, le théâtre, la danse, l'opéra, le concert, etc.
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Tu considères l'action selon un mode littéral, ce qui aurait à voir avec la performance telle qu'elle se pratique dans le champ des arts plastiques.. L'action n'est-elle donc pas un moyen de production de fiction dans ta pratique du théâtre? Comment envisages-tu la notion de représentation?
Tout comme la poésie est l'art des possibilités du langage, la danse l'art des possibilités du mouvement, la musique l'art des possibilités sonores, etc., j'aime bien voir le théâtre comme l'art des possibilités de l'action en situation de représentation. Cette définition peut sembler à juste titre triviale, réductrice ou trop générale, mais elle a l'avantage de reposer de manière brutale la question de ce que nous faisons sur une scène, en court-circuitant les codes et les valeurs esthétiques en cours. Elle ouvre la voie à toutes sortes d'expérimentations sur ce qu'est une action, pour celui qui l'effectue comme pour celui qui la regarde. Selon quels critères choisir une action dans une situation donnée? Comment l'effectuer et la moduler? Comment passer d'une action à une autre? Qu'est-ce qui garantit l'intérêt d'une action?
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D'après le site web du tnt et le numéro spécial « Performances contemporaines » du magazine Art Press 2, n°7, novembre/décembre/janvier 2008, pp. 110&112.