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Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).

Prolixe - Jean-Pierre Larroche

 


PROLIXE


 

Ecriture et réalisation Jean-Pierre Larroche
Conception et réalisation technique Benoît Fincker
Avec Benoît Fincker Natacha Zaranis et Mickael Chouquet,
et la voix d'Émile Larroche



 


Une installation expérimentale des reliques de Sainte Prolixe, sainte céphalophore, dont la tête parla plus de trente années après sa décapitation...


Prolixe.jpg


Avant qu’elle souffrit la décollation en 1150 apr. J. C., Prolixe déclara à ses bourreaux quelle ne cesserait jamais de prononcer les mots qu’elle avait dans la tête. Aussitôt son martyr exécuté, Prolixe prit sa tête entre les mains et parla sans s’arrêter jusqu’en 1187. La tête disparaît alors pour longtemps et on ne la retrouvera jamais tout entière. Seuls des fragments authentifiés - retrouvés dispersés et qui nous ont été confiés – attestent aujourd’hui du martyr de la Sainte.

Comment recoller tous ces morceaux ? Que se passait-il dans la tête de Prolixe ? Quel souffle la traversait ? Peut-on la faire parler à nouveau ?

Ce sont les questions que nous nous posons et que nous mettons en jeu dans cette courte présentation des Reliques Partielles de Sainte Prolixe.


"Du théâtre. Et bien plus que du théâtre : un voyage entre rêve et réalité, entre l’objet et la question existentielle." La Marseillaise

 


Extraits du Récit de Prolixe


(ces fragments ont été traduits et réunis par Léo Larroche)


Prolixe vivait dans le département de la Drôme (qui ne l'était pas encore au iv e siècle, mais une province demi romaine). C'était la dernière née d'une famille de huit enfants. Son père, qui était l'homme qui l'avait recueilli au bord d'un étang ; on raconte que Prolixe resta pendant plus de cinq jours dissimulée au milieu des roseaux.

Exaspéré par les cris et les babillages des petits, avait décidé d'accorder à chacun un temps de parole limité, une fois par jour, à heure fixe.

Prolixe ne pouvait parler qu'en revenant des champs pour ensuite se taire jusqu'au dessert. Prolixe intériorisa très tôt l'interdit et dès ses trois ans, elle ne posa les question habituelles aux enfants de cet âge (qu'est-ce que la poussière ? pourquoi est-ce que j'ai des cheveux) qu'autour de dix-huit heures. Quelle meilleure manière (méthode) pour obliger un enfant à la pertinence ? A ce propos, on ne sait toujours pas quel fut le premier mot articulé par Prolixe La jeune fille grandissait et il suffisait de la surprendre à l'heure dite pour être ébloui par sa capacité de réflexion et le génie qu'elle avait à dénouer n'importe quelle difficulté de pensée.

La plupart du temps, Prolixe donnait des conseils. Des conseils très avisés.

Un jour, Prolixe rencontra un paysan qui rentrait ses vaches à l'étable. L'une d'elles avançait plus lentement et plus pesamment que les autres, gênée par la lourdeur de ses mamelles. Le paysan entra dans une grande fureur, injuria, frappa la vache. Prolixe avait tout vu.

Non, elle avait tout entendu et n'avait rien pu voir car la scène se déroulait dans le creux d'une butte.

Elle s'approcha alors de l'homme et lui parla en ces termes : « Vois comme tu maltraites cet animal. Écoute ma bonne parole : elle doit être soulagée de son lait ici même et pas ailleurs » Une autre version de la légende a été écrite par le moine Bessarion. Selon lui, voici quelles auraient été les paroles de Prolixe : « Si tu n'es pas capable d'entendre la souffrance de cet animal, tu ne sauras pas ce qui arrive alors à son lait : il tourne dans ses mamelles et se change en beurre. » Cette phrase prophétique serait à l'origine de l'un des attributs de Prolixe, la motte de beurre. La langue de la vache (ou langue de bœuf) lui appartient également.


[...]


Épouvanté, le paysan se penche sur les pis de la vache et s'exécute. Arrive un soldat affamé qui ordonne qu'on lui donne le lait.


[...]


Le malheur fut (était) que Prolixe parlait et discourait sans cesse sur de nombreux sujets, qu'elle fit voir au soldat que la vache n'était pas à lui, que Rome n'avait pas le droit de prélever de la nourriture hors les taxes mensuelles, et alors le soldat ordonna à Prolixe de se taire, mais Prolixe parlait toujours, et d'un coup d'un seul il lui coupa la tête avec sa serpette. : ce qui est étrange ; il est plus probable qu'il ait du recommencer deux ou trois fois si on considère que les cordes vocales de Prolixe étaient très entraînées.

C'est alors que le miracle se produisit : Prolixe se releva, alla à l'aveuglette chercher sa tête elle n'avait plus d'yeux pour voir mais seulement une bouche pour parler– qui n'avait cessé de protester de l'injustice qui lui était faite -, la prit sous son bras ; et le plus étonnant était que la tête parlait toujours, qu'elle marmonnait des malédictions, qu'elle prédisait le pire qu'elle souriait de joie et que dans un grand éclat de rire elle dit bonsoir au monde; qu'elle parla dans une langue que personne ne comprit; que les mots qu'elle prononça furent : « Gesu, guarda le lacrime sanguinose di quella, che ti ha amato piu di tutti quaggiù e ti ama intimamente nel cielo… ».

C'est alors qu'elle annonça le règne de sa parole.

Il est effectivement d'usage d'invoquer Prolixe lorsqu'on a un mot coincé au bout de la langue. Tous les mots libérés par Prolixe au cours d'une journée, tous ces mots lui parviennent de toutes parts, s'accumulent et font pression sur sa langue et finalement se déversent au cours de ses 15 minutes de parole journalière.

On raconte qu'elle disparut dans un rayon de soleil déclinant, et que depuis, chaque jour vers dix-huit heures, elle apparaissait dans divers endroits - tel que les lavoirs, l'entrée de l'église, les étables, ou en plein champ -, sa tête fermement tenue et discourante.


Prolixe-1-copie-1.png


La compagnie Les Ateliers du spectacle a été créée en 88 à l'occasion de la réalisation du Rébus malheureux - spectacle visuel et musical sans parole d'une vingtaine de minutes pour 4 manipulateurs et un magicien (aux seules mains visibles). Depuis la compagnie est dirigée par Jean Pierre Larroche (architecte de formation, scénographe et metteur en scène), et Jean Barbe (administrateur de la compagnie) rejoint pour les cinq derniers spectacles par un créateur de dispositifs en tous genres (mécaniques sonores et visuelles, machineries plus ou moins sophistiquées...) : Benoit Fincker , et une plasticienne : Pascale Hanrot.


10 spectacles ont été réalisés depuis 1988 :


Le Rébus Malheureux, Le Système du Monde, Le décapité récalcitrant, Achille immobile à grands pas, Journal de Bois, En équilibre indifférent, À distances, Prolixe, Kilo et Promenade de tête perdue.

Nous faisons parfois le rêve amusant d'un gigantesque Rébus où les mots, les objets, les figures visuelles et sonores, la voix et les gestes du corps (et d'autres choses encore) s'associeraient pour se jouer de l'ordre convenu des faits. Ce rêve est un rêve de Théâtre : aux acteurs vivants de chair et d'os (mais parfois cachés au revers de la scène), aux personnages et figures (de chair, d'os, de bois, d'encre…) en conflits, à la Parole toujours active (mais pas toujours entendue).


D'après les sites web de l'Université Bordeaux 3 et de la compagnie des Ateliers du spectacle.

 


Pour aller plus loin, quelques vidéos étranges sont disponibles sur le site web de la compagnie des Ateliers du spectacle:

 

http://www.ateliers-du-spectacle.org/prolixe.php?texte=videos

 

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