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Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).

Andromaque - Racine, Declan Donellan

Spectacle créé au Théâtre du Nord le 4 octobre 2007

Declan Donellan, britannique d’origine irlandaise, est auteur et metteur en scène. Il fonde la compagnie Cheek by Jowl en 1981 à Londres avec laquelle il crée notamment As you like it de Shakespeare (présenté aux Bouffes du Nord en 1995). De renommée internationale, il met en scène Le Cid pour le Festival d'Avignon, Faltaff pour le Festival de Salzbourg ou encore Roméo et Juliette à Moscou. De 1989 à 1997, il est également directeur associé du Royal National Theatre de Londres. En 2000, il fonde une troupe de comédiens à Moscou.


Sur Andromaque :

Après dix épuisantes années de guerre, Troie a été vaincue dans un terrifiant massacre. Alors qu’il est promis à Hermione, Pyrrhus aime Andromaque, la veuve du chef troyen Hector, qu’il a ramenée captive avec son jeune fils Astyanax. Oreste, ambassadeur des grecs, est venu à Epire demander la mise à mort d’Astyanax par crainte qu’il ne veuille venger Troie. Mais Oreste est aussi venu pour Hermione, qu’il aime passionnément. Pyrrhus, lui, ne parvient pas à se faire aimer d’Andromaque, il tente de la forcer à l’épouser en échange de la vie de son fils. Celle-ci finit par céder et accepte d’épouser Pyrrhus, déclenchant la colère insensée d’Hermione qui charge Oreste de tuer Pyrrhus…


Declan Donnellan sur Andromque :

"La relation enfants-parents est le thème central de l’histoire d’Andromaque. La guerre de Troie – interminable – a fini dans la honte. Après ce massacre horrible, même le retour des héros tourne au désastre. La guerre finie, la nouvelle génération – fils et filles de pères et mères légendaires, tous morts – est hantée par leur présence qui ne cesse d’envahir leur imagination. Comment se mesurer à des figures aussi imposantes que celles d’Achille, de Clytemnestre, d’Hector ou d’Hélène ? Obsédés par eux-mêmes et par leurs parents, ils oublient complètement le petit Astyanax, fils d’Hector et d’Andromaque. Avec cette analyse aiguë, moderne, de la psyché humaine, Racine illustre parfaitement le vieil adage : «Le cœur est le foyer de la trahison». Subversif, surprenant, Racine met à nu, avec une logique implacable, le répertoire de nos déceptions de nous-mêmes. Avec son humour au fil du rasoir il démontre que la vengeance n’est que nostalgie et que la culpabilité fait de nous des irresponsables. Suicide, meurtre et psychose semblent être le destin de ceux qui ne veulent pas lâcher prise, la couronne est le destin de ceux qui vivent dans le présent et protègent l’enfant."


Roland Barthes, extrait de "L'homme racinien" :

« De la destruction de l’ancienne Loi vendettale, Pyrrhus veut tirer non seulement un nouvel ordre d’action, mais aussi une administration nouvelle du temps, qui ne sera plus fondée sur le retour immuable des vengeances. Pour Andromaque, Hector et Pyrrhus se répondaient, comme meurtriers, l’un des femmes grecques, l’autre des femmes troyennes. Pour Hermione, l’Epire devait être une nouvelle Troie, elle-même une seconde Hélène. C’est cette répétition que Pyrrhus veut briser. Cela veut dire que le Temps ne doit pas servir à imiter mais à mûrir ; son « cours » doit modifier le réel, convertir la qualité des choses. Aussi le premier acte du nouveau règne de Pyrrhus (lorsqu’il consacre la rupture en conduisant Andromaque à l’autel), c’est d’abolir le Temps passé : détruire sa propre mémoire est le mouvement même de sa propre naissance. La rupture de Pyrrhus est donc fondation : il prend entièrement en charge l’enfant, il veut que l’enfant vive, s’exalte à fonder en lui une nouvelle paternité ; il s’identifie pleinement à lui ; alors que par un mouvement inverse, représentante de l’ancienne Légalité, Andromaque remontait sans cesse d’Astyanax à Hector, Pyrrhus descend de lui-même à Astyanax : au père de la nature, il oppose un père de l’adoption ».

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