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Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).

Purgatoire

PURGATOIRE

Vous en sortirez vivant mais pas indemne

 

Les 28, 29, 30 novembre à 20h30 au TNT dans le cadre de Novart


C’est plutôt amusant. C’est bizarrement saccadé. C’est compulsif. C’est très impressionnant.
C’est très inconfortable. Ça ne s’explique pas. Ça fait du bruit. Ça force l’admiration.
C’est frontal. C’est facial. C’est un peu facile. C’est plus long que prévu. C’est plus sombre.
C’est dur. C’est plus résistant que prévu. Ça fait penser à. C’est profond. Ça permet de.
C’est programmé pour. C’est pathologique. C’est contagieux. C’est rapide. C’est inattendu.
C’est implacable. C’est un peu exagéré. C’est carrément insupportable. C’est super drôle. C’est bien.

 

Joris Lacoste est écrivain, mais son activité se déploie depuis plusieurs années dans des champs aussi divers que le théâtre, la musique, la radio, la danse, la performance et l’improvisation. Il a notamment travaillé avec Stéphanie Béghain, Boris Charmatz, Joao Fiadeiro. Depuis 2004, il mène un travail de recherche théorique, la méthode W, avec Jeanne Revel. Ses pièces ont été publiées par Théâtre Ouvert et Inventaire/Invention. Depuis 2007, il est co-directeur des Laboratoires d’Aubervilliers.
Purgatoire a été créé au Théâtre National de la Colline en mars 2007.

 

(d'après le site web du TNT)

 pur.jpg

 


Note d'intention

 

Purgatoire n’est pas une pièce qui a quelque chose à dire: c’est une pièce qui propose une opération. Purgatoire ne cherche pas à représenter, raconter, décrire, signifier : Purgatoire travaille à la possibilité d’un événement. C’est un dispositif qui saisit ce qui est à sa portée, ici et maintenant, de l’endroit où nous sommes, pour le transformer en quelque chose d’autre. Purgatoire se présente comme un spectacle qui n’a pas lieu: quelque chose empêche le spectacle, il y a un problème et le problème bloque tout. On attend tous qu’il se passe quelque chose. On commence à se demander ce qu’on pourrait ou devrait faire. Il faut bien faire quelque chose, on ne peut pas rester comme ça. On voudrait tous que quelque chose arrive, quelque chose de réel, tout le monde veut, voudrait, souhaite, souhaiterait que quelque chose arrive. On attend. C’est un peu long. On se prépare. On imagine. On raconte. On appuie fort où il faut. On prend des options. Il y a du danger. Il y a des gens. Les gens sont calmes, intelligents, armés. Ils sont toujours au bord de faire quelque chose: quelque chose qu’ils ne font pas, et qui serait terrible: car alors ce ne serait plus du théâtre. Comme si l’ennui, la répétition, le somnambulisme ne pouvaient se résoudre que dans une sorte de catastrophe, une situation-limite, un événement de rupture. Comme si le seul geste capable de briser la monotonie était forcément un geste dévastateur, un désastre, une irruption de réel brut. Ce n’est pas possible, bien sûr. Purgatoire, c’est une manière d’habiter le fiasco. Purgatoire, c’est comment faire quelque chose depuis nos incapacités. Purgatoire, c’est l’écart dans lequel se loge la représentation: translation d’espace, de perspective, de profondeur, décalage de ce qui est là vers un dehors proche et lointain, plus ou moins inquiétant, peut-être mortel. Purgatoire, c’est un combat sans merci entre ironie et littéralité.

 

(d'après le dossier du spectacle, disponible sur le site web du théâtre de la Colline)

 

 


La méthode W: q
u'est-ce qu'agir dans une situation de représentation ?


    « Le théâtre consiste à faire quelque chose devant quelqu'un. »


    Il est donc structurellement équivalent à toutes les situations de représentation impliquant au moins une personne qui agit et une personne qui regarde. La représentation théâtrale est dès lors considérée comme une relation plutôt qu'un contenu, et le théâtre comme « l'art de cette relation ».  
    Le travail de recherche théorique mené par Joris Lacoste et Jeanne Revel (dramaturge de Purgatoire) depuis 2004 a consisté, en premier lieu, à étudier divers modes de représentation (pièce de théâtre, discours politique, conférence, match de foot …), des dispositifs plus ou moins codés qui leur ont permis de dégager deux fonctions : X, fonction d’action (ou d’effectuation) et Y, fonction de réception (ou d’interprétation). Il s’agit bien de fonctions et non de personnes, une personne pouvant successivement exercer les deux fonctions.
    Au cours de la représentation théâtrale, les spectateurs ont accès aux effectuations de la fonction par des acteurs (la situation), jamais aux motifs de la fonction (l'intention de chaque acteur), et toute personne présente, dans la salle ou sur la scène, peut élaborer des interprétations de ces effectuations. Dans ce cadre, la fiction est définie comme la quantité des interprétations possibles (c’est-à-dire hypothétiques et non démenties par la situation): le caractère fictionnel d’une représentation correspond donc à sa capacité de production de sens multiples chez les spectateurs.



    Le texte comme logiciel et comme drogue


    Jeanne Revel et Joris Lacoste ont ainsi créé une méthode qui constitue à la fois une théorie de la représentation et une boîte à outil pour l’acteur. Chaque acteur se voit attribuer un texte, ou plutôt une partition, un « schéma algorithmique » qui pré-détermine les opérations scéniques à effectuer - un algorithme pouvant être défini comme « une suite finie d’étapes, réalisées dans un ordre déterminé, appliquées à un certain nombre de données afin d’arriver avec certitude à un résultat incertain ». Il effectue donc une suite de tâches dirigées ou « axes » (par exemple, réaliser un duo chorégraphique, déplacer un objet d'un point A à un point B, rester assis sur une chaise jusqu'au retentissement d'un signal sonore défini,...) qui constituent non pas les « formes finies » mais les « moteurs de l’action ».  
    « Ce que [Joris Lacoste] aime dans l’algorithme (et par extension, dans l’idée de partition), c’est de penser en terme de fonctions, de vecteurs, de devenirs, de tâches, d’axes - et non plus en terme de formes, de résultats, d’images, d’idées, de visions, etc. ». Au sein d'un cadre contraignant, « on laisse ainsi à l’acteur la possibilité de modifier ce qu’il fait en fonction des possibles changements de situation. Du point de vue des acteurs, la pièce se présente donc beaucoup plus comme un jeu que comme la représentation traditionnelle d’une histoire. »
    Joris Lacoste considère ainsi le texte théâtral comme un logiciel, « c'est-à-dire une suite (algorithme) d'énoncés pré-programmés, explicites ou implicites, à effectuer par l’acteur. C’est un logiciel open source : l’utilisateur (l’acteur) se doit d’y ajouter ses propres lignes de codes, programmer ou re-programmer certaines fonctions, inventer des commandes ou des menus, bidouiller des patchs — c'est-à-dire effectuer toute une série de choix d’écriture qui font de lui, en dernier ressort, le vrai garant de la représentation. Comment effectue-t-il les énoncés ? En formant d’autres énoncés. C'est une expérience qu'on traverse et non une histoire qu'on déroule ou déplie. Mais le texte comprend aussi des bugs, des erreurs et des effets secondaires (imprévisibles) sur l'acteur, c'est-à-dire qu'il fonctionne aussi comme drogue, qu’il a la faculté d’affecter l'acteur dans une dimension qui le dépasse.»



    La réception comme production

    « Il n’y a pas d’évidence ou de naturalité de la relation plateau/public. On ne part d’aucune des postures qui postuleraient dans le spectateur une figure a priori, qui l’érigerait d’emblée en témoin, en assistant, en participant, en citoyen libre, en pure conscience non-manipulée, en masse à éduquer, etc. Toutes les fictions du spectateur sont à mettre en crise comme le produit d’idéologies préexistantes, et non d’un travail effectif ici et maintenant. On considère ici que le spectateur n’est ni libre ni manipulé : il est toujours pris dans une relation. C’est en tant que pris dans une relation qu’il produit :

  • des interprétations, qui garantissent la consistance de la représentation

  • des affects.

    Ces deux dimensions du travail de la réception constituent le sens de la représentation. Le spectateur n’est donc pas libre a priori, mais il peut s’émanciper. On postule que si le geste de l’acteur relève d’un processus d’émancipation, la production du spectateur sera elle-même une émancipation : une manière de détruire des clichés, des déterminations, de défaire des connexions pour en créer de nouvelles. C’est en ce sens que l’on peut parler de l’art comme geste : comme un geste de liberté qui produit de la liberté. »

(d'après le numéro 184 de Théâtre/Public, « Le texte de théâtre n’existe pas », entretien avec Joris Lacoste par Adrien Ferragus, p 7-12, et le site web:
http://laboasymetrik.xwiki.com/xwiki/bin/view/Blog/note%20d'intention)

 

 

Vous voulez aller plus loin?

http://www.colline.fr/spectacle/index/id/127/rubrique/presentation

 

Vous voulez aller encore plus loin?

http://www.radionovart.com/indeks.html, rubrique « Live », émission du jeudi 29 novembre

 

Vous voulez aller beaucoup plus loin?

http://remue.net/spip.php?article1434, Le texte de théâtre n'existe pas

 

Vous voulez aller encore beaucoup plus loin?

http://remue.net/spip.php?article2255, L'événement de la parole

 

Vous voulez aller trop loin?

http://www.notamonster.blogspot.com/

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