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4 février 2012 6 04 /02 /février /2012 17:37


Spectacle présenté le jeudi 26 janvier au Galet de Pessac



f-ae2-4b619d2c2f393.jpg© Cici Olsson


Le Chagrin des Ogres est la première production de la Cie Artara, compagnie belge créée en 2006 par Jeanne Dandoy, Vincent Hennebicq et Fabrice Murgia, ce dernier étant aussi le metteur en scène du Chagrin des Ogres. Avant tout acteur, il a reçu sa formation à l'ESACT (l'École Supérieure d'Acteurs de Liège) et enseigne à l'École Fotti Culture au Sénégal. On peut aussi noter qu'il est un artiste associé au Théâtre National.
Suivant le site de la Cir Artara, dans ses pièces, Fabrice Murgia cherche à « travailler de façon dialectique l'écriture de plateau, tenir un propos engagé sur le monde actuel, chercher la cohérence profonde entre une forme scénique et un sujet, associer narration et réflexion, créer une image scénique à la fois sensorielle et créatrice de distance » (http://www.artara.be/about.php link). Dans le Chagrin des Ogres, le croisement inter-disciplinaire est présent, avec notamment la collaboration de performeurs, vidéastes, plasticiens et musiciens.

Créé en 2008 à Liège, Le Chagrin des Ogres s'inspire d'histoires vraies au travers de deux personnages. Le premier est Laeticia, une jeune fille plongée dans le coma après une tentative de suicide qui, dans ses rêves, croit être Natacha Kampush, une jeune fille séquestrée dans une cave durant huit ans. Le second est Bastian, un adolescent marginal mal dans sa peau qui, après des mois d'annonces sur internet, décide de perpétrer une tuerie dans son lycée, en écho avec Bastian Bosse  qui, en novembre 2006, ouvre le feu dans son lycée et tue 15 personnes. Jouant avec l'enfermement des protagonistes au moyen de projections vidéo, ce spectacle propose également un troisième personnage, une femme au comportement enfantin vêtue d'une robe blanche ensanglantée, tour à tour complice et cauchemar des personnages, tel que le montre l'image précédente. Ce personnage à l'allure fantômatique et iréelle renforçe le côté onirique revendiqué du spectacle. D'une maîtrise et d'une force surprenantes pour une première création, Le Chagrin des Ogres a reçu en 2010 le prix Odéon-Télérama.

La scénographie de ce spectacle semble minimaliste et est pourtant très élaborée (cf. photographie 2). En effet, le décor se compose de deux vitres de forme carrée sur un fond noir en arrière-scène, de deux grandes tentures blanches (devenant bleues grâce aux jeux de lumières) et d'une balançoire côté cour. Derrière les vitres se trouvent les deux comédiens interprétant Laeticia (côté jardin) et Bastian (côté cour). Ils se filment eux-mêmes et l'enregistrement de leurs vidéos est projeté en direct sur le fond noir de la scène. La balançoire saccentue le côté enfantin du troisième personnage dont le micro trafique la voix pour lui en donner une de petite fille, mais cette modification renforce le côté inhumain et iréel de ce personnage. Parfois, le micro arrête de modifier la voix de la comédienne qui devient alors une femme, une adulte tyrannique, telle que des adolescents peuvent se la représenter (la mère colérique et effrayante de Laeticia par exemple).

            Chagrin-des-ogres-photo.jpg© Cici Olsson


On aime ou on n’aime pas, mais on ne peut pas ressortir indemne d’une telle représentation. Le jeu d’acteur est puissant, l’histoire laisse des traces. Un appel au secours désespéré mêlé à un message d’espoir. Nous pouvons finalement nous demander quelle place nous occupons, et si la réaction du public peut parfois s’avérer comme un problème dans une représentation contemporaine composée de « testaments d’enfants » (Fabrice Murgia)


« Le Chagrin des Ogres, c'est le récit d'une journée au cours de laquelle des enfants vont cesser d'être des enfants.[...] Le désespoir de ceux qui hurlent à l'aide, sans que l'on sache réellement lesquels d'entre eux détiennent des rêves et des bombes pour se venger de ceux qui ne les entendent pas.
Le Chagrin des Ogres, c'est notre façon d'enterrer notre enfance ».

Note d'intention de Fabrice Murgia, programme disponible au Galet de Pessac.



Le trailer du Chagrin des ogres :

 

 


 


 
Un extrait :

 

 


 

 

 

Pour en savoir plus :

Le site de la Compagnie Artara : http://www.artara.be/about.php  link
Présentation du spectacle sur le site Théâtre Contemporain : http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Le-Chagrin-des-ogres link
La critique de sur le site des Trois Coups : http://www.lestroiscoups.com/article-le-chagrin-des-ogres-de-fabrice-murgia-critique-de-fabrice-chene-centre-wallonie-bruxelles-a-paris-62063390.html link

Quelques questions :


Invitation ou répulsion ? Comment la puissance des images joue-t-elle avec et/ ou contre le spectateur ?
Comment l'esthétique forte de Fabrice Murgia sert-elle / dessert-elle le propos du spectacle ?




Article réalisé par Chloé Loustau, Lola Gutierrez, Béatrice Bonnin

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3 février 2012 5 03 /02 /février /2012 17:23


Spectacle présenté aux Colonnes de Blanquefort le mardi 24 janvier 2012

 

 

« Que se passerait-il si, après leurs conférences de presse, les hommes politiques se devaient de danser leurs discours? »

 je-suis-venue.jpg


© Victor Ede

 

 

Autour des artistes :

Je suis venue est une pièce mêlant danse et théâtre écrite par Gaspard Delanoë, comédien et fondateur de plusieurs collectifs d’artistes évoluant dans le domaine des arts plastiques. Né en 1968, il a d’abord obtenu un master d’anglais avant de réaliser de nombreuses performances de rue. En 2002 il crée un parti politique fantaisiste, le Parti Faire un Tour, avec lequel il s’est présenté aux municipales de Paris en 2008, ainsi qu’aux présidentielles de 2012.
Dans ce spectacle, il joue au côté de la danseuse Libanaise, Yalda Younes. Née en 1978 à Beyrouth, sa mère l’initie au classique dès son enfance. Elle suivra des études de cinéma avant de se consacrer entièrement à la danse et notamment au flamenco auprès de Israel Galván, chorégraphe de Je suis venue.
Considéré comme « le Nijinski du flamenco » (d’après le dossier de présentation), Israel Galván, chorégraphe et danseur, mêle dans ses pièces, danse contemporaine et flamenco traditionnel. Né à Séville de parents danseurs de flamenco, c’est tout naturellement qu’il s’intéresse à cet art dès son plus jeune âge. Il participe à de nombreux concours et remporte souvent des prix, comme le prix national de Danse. Sa dernière création avant Je suis venue a remporté un grand succès lors du festival Montpellier Danse et du festival d’Avignon.


Le Festival des souris, des hommes #5 :

Chaque année depuis 2008, est organisé ce festival des arts vivants et des nouvelles technologies. Cette cinquième édition qui a commencé le 17 janvier dernier et qui s’achèvera dans quelques jours, présente durant trois semaines des spectacles innovants et hybrides qui promeuvent la transversalité des arts. C’est aussi l’occasion de voir ou de découvrir des artistes européens de référence ainsi que les nouveaux artistes de la région. C’est dans ce cadre qu’a été remonté le spectacle Je suis venue, créé depuis 2010, où se mêlent danse, théâtre, géopolitique et utopie.


La danse, un langage universel :

Nous pouvons découper cette œuvre en trois parties distinctes : le discours politique, la démarche chorégraphique et l’universalité de la parole du corps. Elles se distinguent par le changement de coiffure de Yalda Younès tout d’abord coiffée d’un chignon, ensuite d’une queue de cheval pour finalement finir avec les cheveux complètement détachés, comme une virgule dans la composition. Ces trois étapes se répartissent sur deux espaces : le pupitre et l’espace délimité au centre du plateau.
Dans une salle nue, sombre, une carte géographique raturée de type colonial est illuminée. Elle présente une partie zoomée du monde méditerranéen : celle du Proche-Orient. Le spectacle débute par une conférence de presse. Surplombant leurs pupitres placés à gauche et à droite de cette carte, un homme et une femme annoncent la paix et la réunification de deux peuples. Même s’ils ne sont pas nommés on devine qu’il s’agit d’Israël et des territoires palestiniens. La femme s’exprime en arabe et l’homme nous traduit ses propos. Le discours porte sur un projet construit et approuvé mais, malgré le ton grave, les paroles deviennent inadaptées et de plus en plus délirantes. On parle par exemple de diviser la capitale en quatre sur le modèle Berlinois de l’après-guerre, ou encore de renommer le Mur de la Honte « le Mur de la Fierté ». Soudain, Yalda Younès propose de s’exprimer plus clairement et s’engage dans un flamenco à la fois brut et émouvant reflétant ainsi l’énergie de son discours par le frottement des paumes de ses mains, le balancement de ses bras en avant et des mouvements circulaires du corps propres au flamenco. Gaspard Delanoë quand à lui, nous interprète les phrases chorégraphiques effectuées par la danseuse comme la recette typique de ce nouvel état, quand il ne l’imite pas en s’engageant dans une reproduction humoristique peu compréhensible, les deux danseurs réalisant une danse traditionnelle pour le moins saugrenue. Les artistes s‘allongent alors l’un et l’autre sur le sol, annonçant ainsi aux spectateurs l‘ épilogue d‘un spectacle étonnant.


Pour aller plus loin on pourrait se poser les questions suivantes : qu’apportent les mots et les mouvements de danse à notre réflexion personnelle, ainsi que sur nos modes de communication ? Le manque de cohérence dans le discours est-il un miroir de notre société actuelle ? Et quel lien peut-on établir entre la politique et le monde de l’art ?



Articles sur Je suis venue :
http://www.lecarre-lescolonnes.fr/site.php?rub=2&docId=218385 link
http://alpiquillo.over-blog.com/article-je-suis-venue-57306773.html link


Interview de Gaspard Delanoë :
http://maisonfoliemons.be/Je-suis-venue-interview-de-Gaspard  link


Article sur Yalda Younès :
http://www.flamenco-culture.com/artiste.html?art_id=57  link
 

 

Programme du Festival des souris, des hommes :
http://www.lecarre-lescolonnes.fr/site.php?rub=2  link

 

 

Article réalisé par Mélissa Haudiquert, Emilie Lecellier et Tiphaine Marquèze.

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3 février 2012 5 03 /02 /février /2012 17:03

 

Spectacle présenté au TnBA du 17 au 19 janvier 2012

 

 

     La grande et fabuleuse histoire du commerce est une pièce récente écrite et mise en scène en 2011 par Joël Pommerat, figure du théâtre contemporain. C'est grâce au festival d'Avignon qu'à 12 ans J. Pommerat découvre le théâtre. C'est en se rendant compte qu'il est attiré par l'aspect dramaturgique et la mise en scène au théâtre qu'il crée sa troupe en 1990, baptisée la compagnie « Louis Brouillard ». Il se lance  le pari d'écrire et de monter une pièce par an durant 40 années. J. Pommerat travaille toujours avec le même cercle de comédiens dans ses différents spectacles. Dans La grande et fabuleuse histoire du commerce, un nouveau comédien s'intègre à la troupe et interprète les rôles de Maurice et de Daniel.
 

Rapidement, Joël Pommerat se fait un nom dans le monde du spectacle et remporte une multitude de prix, comme celui de la SACD, ou plus récemment plusieurs Molières dont le prix de la compagnie, ainsi que de l'auteur contemporain français pour sa création Ma chambre froide. Actuellement plusieurs pièces de J. Pommerat tournent en France. Malgré la variation du thème de ses spectacles, J. Pommerat travaille généralement sur le trouble qui, d'ailleurs, lui vaut un livre intitulé Joël Pommerat, Troubles édité par Acte Sud en 2009, co-écrit avec Joëlle Gayot.
    Comme J. Pommerat le dit lui-même, il écrit également des spectacles, pas uniquement des textes et, depuis longtemps évite d'écrire seul. Il tente d'élaborer son processus de travail avec sa troupe, ce qui permet d'alterner l'écriture du texte entre un travail solitaire de recherche et de réflexion, et un travail avec les comédiens qui sont amenés à jouer les personnages créés progressivement. Joël Pommerat commence à travailler avec eux sur un plateau de jeu, où il n'est en possession d'aucun texte, mais seulement d'idées de personnages et de fiction. Il faut également savoir qu'il est soutenu et aidé par de nombreux sociologues et philosophes.
    Le temps de création de La Grande et Fabuleuse Histoire du Commerce fut très court. En effet les répétitions ont démarré au mois d'août 2011 et c'est le 10 décembre que la pièce fut créée à la compagnie Béthune. Elle continue d'ailleurs à être retravaillée en fonction des représentations.

 

pommerat.jpg

(© Elizabeth Carecchio)

 

    Comme son titre l'indique, La grande et fabuleuse histoire du commerce est un spectacle axé sur le domaine du commerce et plus précisément sur la vente à domicile. J. Pommerat nous montre donc plusieurs rencontres de cinq membres d'une même équipe de vente, chaque fois dans une chambre d'hôtel différente. L'un d'entre eux, Franck, est nouveau dans l'équipe et étant donné qu'il n'a aucune expérience dans le domaine, il se confronte pour la première fois à la vente.
    Cette pièce de théâtre à la tonalité pathétique nous livre l’image du cercle vicieux qu'est le monde du commerce en divisant sa pièce en quatre parties distinctes, dont les deux premières se passent en 1968 et les deux autres durant les années 2000 :
    - Dans la première partie, les quatre piliers de l'équipe de vente, collègues et amis, veulent réaliser lors de la saison prochaine leur record de vente. Étant experts en commerce ils annoncent chaque soir dans une de leur chambre d'hôtel leurs meilleurs scores, tandis que Franck continue de revenir bredouille durant plusieurs semaines.
    - Dans la seconde partie, l'inverse se produit. Alors que les quatre experts reviennent chaque soir en annonçant des scores plus médiocres les uns que les autres, Franck réalise des scores de vente phénoménaux. Ainsi, les uns rejettent la faute sur la crise économique que le pays traverse ainsi que sur le pourcentage de chômage croissant, tandis que Franck considère qu'il s'agit d'une période où les habitants ont besoin d'acheter le produit qui leur est proposé dans le but de se réconforter.
    - Dans la troisième partie, Franck est expert en vente et forme une nouvelle équipe de quatre quinquagénaires sans expérience. Même si ses discours paraissent similaires à ceux qu'on lui a servi à ses débuts, Franck n'utilise pas les mêmes méthodes d'approche.
    - Et enfin dans la dernière scène, Franck est un homme brisé par le départ de sa femme, et alors qu'il vient demander consolation chez sa nouvelle équipe, seul celui qui vient de se faire virer la veille a l'esprit de le réconforter, les trois autres étant partis précipitamment à la vente pour gagner leur vie.
    La mise en scène de cette pièce est contemporaine et donne une place importante au texte que J. Pommerat a écrit lui-même. Dans sa pièce Cercles/Fictions, il avait déjà intégré une scène abordant le thème du commerce, mais pour La grande et fabuleuse histoire du commerce il a souhaité approfondir ses recherches sur le sujet. Il traite cette pièce à la manière d'un documentaire. Ce spectacle n'a pas seulement une dimension anecdotique mais se penche surtout sur une problématique : comment les relations d'aujourd'hui peuvent-elle éventuellement être modifiées par cet environnement commercial ? Cependant Pommerat ne tente pas de montrer son opinion sur la question, il tente d'être le moins subjectif possible, d'où le parti-pris du documentaire.
    Lors du Bord de Scène au TnBA, Pommerat avoua qu'il avait collaboré avec Philippe Carbono afin d'aborder le métier de vendeur. Ce dernier avait pour mission de s'entretenir avec des vendeurs tout en filmant les différentes rencontres. Ces films ont ensuite été visionnés par Joël Pommerat ainsi que par les comédiens. S'en sont suivis deux stages avec, en premier lieu, un vendeur professionnel des années 1960-1970, qui a enseigné aux comédiens ses méthodes de vente durant plusieurs jours, et un vendeur exerçant principalement depuis les années 2000, qui fit de même. Ces deux stages ont permis aux comédiens une approche physique et psychologique du monde de la vente, ainsi qu'un enrichissement à l'imaginaire de J. Pommerat. Ce dernier, toujours soucieux du détail, a donc fait un travail de terrain pour faire cette création. Le spectacle traite donc de la difficulté d'exercer ce métier. Des principes bafoués de chacun pour vendre toujours plus mais aussi d'une crise économique qui est née au milieu du XXe siècle et qui est aujourd'hui encore au cœur des débats.

La scène représente une chambre d’hôtel, dans laquelle on retrouve lits, fauteuils, téléphone fixe et lampes. Le téléphone est annonciateur de nouvelles. Ces nouvelles sont rarement bonnes, il s'agit en fait d'un élément perturbateur qui vient tantôt annoncer une rupture et tantôt annoncer un procès contre le produit vendu.
Chaque transition entre les scènes est signalée par un noir et la diffusion de musiques, et chaque scène représente une chambre d’hôtel différente. En fonction donc du point de vue de la chambre, nous pouvons voir une télévision, une table de chevet, et une armoire. Ces éléments scéniques changent également de design en fonction du lieu. Les personnages entrent en scène soit par le côté jardin, soit par le fond de scène. La scénographie bouge pendant les noirs entre les scène avec une rapidité et une discrétion impressionnantes à laquelle Pommerat sait nous habituer. Autre élément de scénographie, Pommerat nous offre un cours extrait vidéo sur un écran blanc en devant de scène où l'on voit un enchaînement de route et de portes d'immeubles nous montrant une journée accélérée des vendeurs.
Le lit est le point principal autour duquel se retrouvent les personnages. Il est le symbole du repos et de la détente après une journée de travail, ou le matin avant d’en commencer une nouvelle.
La télévision est également un élément important. C’est en l’utilisant pour s’informer sur l’état économique du pays que les personnages accusent la crise d’être le problème à la baisse de leur nombre de vente.
L’éclairage scénique est généré par les lampes présentes sur scène lorsque l’action se déroule le soir. Quand l’action se passe le matin, la lumière est blanche et en plongée, souvent rayée, pour signifier qu’il s’agit de la lumière du jour que laisse passer les fenêtres des chambres. Les personnages sont éclairés par une douche afin de les isoler, lors de leurs moments d’inquiétude par exemple. D’une manière générale, l’éclairage de la scène est relativement sombre, laissant ainsi ressortir une couleur sombre et inquiétante.

    Le commerce est généralement associé à la manipulation. La pièce montre d'ailleurs que ce concept varie d'une époque à l'autre. En effet, les méthodes de manipulation diffèrent entre 1968 et les années 2000. Mais tous les vendeurs manipulent leurs clients afin de vendre un produit dont les acheteurs n'ont pas véritablement envie. L'image de la société actuelle nous est livrée à l'heure où la crise économique s'étend pays par pays.
    Pommerat nous offre aussi une vision dure du travail en nous présentant les relations entre les patrons et les employés ainsi que la difficulté de concilier le travail et la vie personnelle. Comme à son habitude l'auteur metteur en scène nous offre une vision ironique et troublante des rapports de domination et des rapports humains. Cette pièce est aussi une parabole sur la vanité et la stérilité d’un monde qui ne construit rien, dans lequel les participants n’ont pas de création possible. Ils ne font qu’alimenter un circuit qui finit par les absorber.
    Toutefois, il ne s'agit pas d'une attaque contre les vendeurs. S'il y a présence d'une mise en critique, celle-ci serait plutôt axée sur la mise en situation en surplomb des personnages, qui sont davantage en train de subir, plutôt que d'être des moteurs ou des personnes produisant du négatif. L'expérience personnelle de Pommerat appuie cette idée étant donné que le métier de vendeur est sûrement le premier qu'il ait fait dans sa vie lorsqu'il était à Paris. Cette expérience de partir vendre dans les immeubles lui a été extrêmement marquante. Il considère que son spectacle rend compte de ce choc. Cependant, Pommerat n'estime pas que les vendeurs font une activité tout à fait simple et cohérente, il pense plutôt qu'il y a là-dedans une forme de dualité voire de schizophrénie. C'est la raison pour laquelle cette pièce essaye d'être un maximum observatrice d'une problématique qui est à l'intérieur de chacun de nous qui ne sommes pas vendeurs. Au final, nous sommes tous à la fois critiques et à la fois ceux qui font avancer le système, qui finit par nous absorber.

   
«  Au-delà du réalisme et d’une étude sur un métier, ce qui m’intéresse, c’est une question plus vaste : qu’est-ce que le commerce, qu’en est-il de la relation commerciale qui nous unit tous les uns les autres dans nos sociétés occidentales ? Qu’est-ce que tout cela a transformé et instauré dans le lien et la relation sociale, humaine, dans un couple, dans une famille, dans un groupe d’amis ? Quand on se vend des choses les uns aux autres, quand on pense que l’autre ne fait rien de manière gratuite, qu’il est toujours dans la stratégie, quand, soi-même, on est dans ce rapport là, cela influe nécessairement sur les rapports entre les hommes. Au-delà d’une espèce de critique un peu du libéralisme, j’ai envie de comprendre la portée du commerce. Forcément, celui-ci fait évoluer le rapport de confiance entre les individus. »
Joël Pommerat, La Terrasse – octobre 2011
   
Peut-on donc attendre de la part de J. Pommerat une future création davantage ciblée sur notre société actuelle, sous un aspect documentaire plus approfondi, et pourquoi pas le pousser à devenir un genre théâtral à part entière ?


Quelques liens utiles :

La compagnie de Joël Pommerat : http://www.theatre-contemporain.net/contacts/Compagnie-Louis-Brouillard/ link
A Propos de Joël Pommerat : http://lintermede.com/portrait-joel-pommerat-la-chambre-froide-theatre-de-l-odeon.php  link
 A propos de la pièce : http://www.tnba.org/event.php?id=464  link
Le livre : J. Gayot et J. Pommerat, Joël Pommerat, troubles, Actes Sud, Paris, 2009, 118p.

 

 

Article réalisé par Charlotte Lafond, Marine Lastecouères et Aurore Lebossé.

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  • : Le "krinomen" est un débat critique qui regroupe les étudiants d'Arts du spectacle (théâtre et danse) de l'Université Bordeaux Montaigne, de la Licence 1 au Master 2. Ce blog constitue un support d'informations sur les spectacles vus pendant l'année, ainsi que le lieu de publication d'une partie des travaux réalisés en TD de critique (critiques de spectacles, entretiens...).
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