Présenté au Carré des Jalles de Saint-Médard-en-Jalles, du 22 au 25 janvier 2013
©Blenda
Roger Bernat
Avant de s’éprendre pour le théâtre, il suit des études d’architecture. Il étudie ensuite à l’Institut del Teatro de Barcelona (où il décroche un prix en 1996), puis crée l’année suivante General Electrica, un centre de formation théâtrale et chorégraphique, avec Tomàs Aragay. C’est en 2001 qu’il s’en détache afin de laisser exploser sa créativité d’auteur et de metteur en scène. Dès lors, il dirige des spectacles comme Amnèsia de fuga et La la la la en 2004, Das paradise experiment (2006), Rimuski, o tés perfecte (2007), Domini pùblic (2008), Le sacre du printemps (2010), co-dirigé avec Yan Duyvendack, S’il vous plaît, continuez (2011), et enfin Pendiente de Voto en 2012. C’est avec ce spectacle qu’il expose au public son incroyance au pouvoir de la fiction. Dans ses spectacles, il se joue de la théâtralité. Il déclare : « Ce qui arrive lorsqu’on laisse de côté les grandes idéologies, les bonnes intentions et, en général, tout ce qu’il est donné d’appeler Artistique, c’est que les faits ressortant de la banalité, auxquels nous n’accordons pas d’importance, acquièrent soudain une grande force descriptive. »[1].
Pendiente de Voto
Dans Pendiente de Voto (qui se traduit par « vote en cours » en Catalan), le spectateur, muni d’une télécommande, entre dans une salle qui prend des allures d’Assemblée Parlementaire. Un écran géant où défilent des questions de société fait naître les débats, les votants ne pouvant répondre que par OUI ou par NON ou s’abstenir. Tous les votants de la salle constituent alors les acteurs du spectacle. Avec ce procédé interactif, le metteur en scène Roger Bernat questionne la place du citoyen et dénonce ainsi le manque de débats politiques et plonge le spectateur dans une démocratie fictive. Face à lui, une rangée de chaise, qui se remplit peu à peu, incarne la tête de cette Assemblée. Des membres courageux du public vont y prendre les places de Présidents, de représentants de l’Armée et du Tribunal. Seule la chaise de « l’Artiste » restera inoccupée. Le spectateur est associé à un numéro de place, numéro qui varie à la suite de plusieurs listes de questions. Il se voit alors associé à des personnes se rapprochant le plus de sa pensée et est placé dans un groupe qui prend la valeur d’un parti politique. A la fin de l’expérience, le système est présenté comme tyrannique, maléfique et manipulateur, ce qui doit amener tous les spectateurs à la révolution et à l’opposition de cette forme de dictature.[2]
Scénographie
Une télécommande numérotée est donnée à chacun des participants. Il a donc déjà, sans le savoir, une partie de la performance entre les mains. Le public s’installe sur le siège correspondant à son numéro de télécommande. La salle est complètement éclairée, trois blocs de gradins, l’espace entre eux formera la scène. Quelques éléments techniques sont sur le plateau, et un écran géant sur lequel seront projetées les questions est face au gradin principal, ainsi que sept chaises, sous l’écran.
©La ferme du buisson
Schémas explicatif de la scénographie :
©Amely Colas
Dans le dossier de presse du spectacle, Roger Bernat explique qu’il a voulu recréer un hémicycle. Là où les spectateurs sont proches les uns des autres, ils peuvent se voir, en huis-clos. La salle est fermée à clef, le vote peut commencer. Le huis-clos devient une hypothétique démocratie indépendante, où le public est le parlement, il vote des lois et des principes, il désigne deux Présidents, les membres des Forces de l’Ordre, et plus tard un Tribunal. C’est donc le public qui contribue au bon déroulé du spectacle. Il est guidé par les questions diverses parfois banales, parfois plus précises, voire perverses, engageant l’opinion des membres de l’Assemblée.
© Temps de l’image
L’écran géant va être l’élément principal du spectacle, il guide et dirige le spectacle en faisant voter dans un temps donné les membres de l’Assemblée Parlementaire, il engage des débats et installe une dynamique démocratique. Ceci en commençant le vote par un banal : « Est-ce que vous êtes là ? ». La machine pose les questions et les votants voient les réponses, le nombre de OUI, de NON et les abstentions. Le public, grâce à un schéma peut savoir quels numéros ont répondu quelle réponse. Voici un exemple :
© Roger Bernat /FFF
En montrant « qui a répondu quoi », l’écran induit que chacun peut voir ce que son voisin a répondu, ce qui installe un climat de méfiance dans l’Assemblée : les votes ne sont pas secrets. Le votant pense donc à sa réponse avec le poids du regard des autres sur sa réponse, ce qui peut influencer certains votes. Le public vote pour savoir qui il préfère entre Georges Brassens et Jacques Brel, pour installer un gouvernement au sein de la salle de spectacle, il décide de donner ou non le droit de vote aux personnes arrivées en retard (nommées les étrangers), il choisit d’avoir ou non une Présidence et une Armée. Les membres volontaires vont alors s’asseoir sur les sièges « Président » ou « Armée ». Les membres du gouvernement peuvent influer dans le temps de réponse et dans le bon déroulé des évènements comme, par exemple, pour le partage de la parole lors des débats.
A la fin du vote, le siège « Artiste » est resté vide, le « Système », la machine, celui qui pose les questions et qui établit des conclusions, se déclare alors « Artiste ». La présence de l’artiste en plein centre du gouvernement est alors une vraie métaphore sur la place de l’artiste dans la société et en quoi il peut influer dans le quotidien des peuples.
Quelques éléments d’analyse :
Pas sa forme et l’implication des spectateurs/ participants, Pendiente de voto rappelle certaines règles du Théâtre Forum où, après la présentation d’une saynète qui met en jeu une forme d’oppression, le public est invité à prendre la parole puis à rejouer la scène d’une manière différente. Développé par le Théâtre de l’Opprimé d’Augusto Boal dans les années 70, ce théâtre vise à faire prendre conscience et à prendre la parole sur des conflits. « Dans le contexte très politisé de cette époque, son objectif était de faire émerger la parole de groupes minoritaires ou marginalisés, des opprimés ».[3]
Dans Pendiente de Voto, le public prend la parole via une télécommande, et est susceptible d’être bloqué ou de ne pas pouvoir voter et, dans la seconde et la troisième partie, il peut prendre la parole au micro et donner son point de vue sur la question qui est posée. Néanmoins, on peut s’interroger sur la teneur de la participation : Pendiente de Voto laisse-t-il vraiment la possibilité de proposer d’autres réponses que celles suggérées par « le système » ? Se donne-t-il les moyens de la réflexion ? Le Forum est-il effectif ?
Au milieu des questions et des réponses, Pendiente de voto laisse une place importante au ludique, en posant des questions telles que : « voulez-vous que de la neige tombe dans la salle ? », ce qu’elle réalise aussitôt en faisant tomber de petites billes de polystyrène du plafond. Ces moments ludiques provoquent l’enthousiasme des participants qui, pris dans le jeu, en oublieraient presque les questions plus sérieuses. Quelle place et quelle fonction ces instants ludiques occupent-ils dans la dramaturgie du dispositif ?
La machine force l’assemblée à se diviser et oblige les participants à s’entendre, à se parler, à communiquer, à prendre des décisions. Comment les choix de chacun s’exercent-ils ?
Liens, articles et extraits en rapport avec la pièce :
Extrait du dossier de présentation du spectacle :
Note du dramaturge :
Roberto Fratini : « Non pas la version fausse d’un véritable débat parlementaire, mais la vraie version du faux débat actuel. Non pas fiction de la politique, mais politique de la fiction : personnages véritablement politiques contre les véritables personnages politiques: ou politique véritable contre toute forme de realpolitik. »
PROLEGOMENE :
« « Parlement », ou « le lieu où l’on parle ». Dans ce papotage devenu lieu, on trouve actuellement de la place pour toute la phénoménologie de la parole : conversation, commérage, confidence, scène de rue, injure, débat culturel, leçon, réprimande. […]
À ce bavardage continu, qui se propage dans tous les interstices du « lieu où l’on parle », on doit le fait que, au jour d’aujourd’hui, le débat parlementaire soit dans une large mesure une fiction, ou l’interface médiatique de manipulations plus ou moins passionnées qui ont toutes lieu dans la tranquillité stratégique des bureaux, des cabinets, des commissions et des sièges des partis. […]
Appelés à interpréter le rôle de spectateur disposant d’un droit de censure: le parlement est le théâtre d’immersion le plus ancien qui existe. Cependant, comme cela arrive souvent dans le théâtre d’immersion, les carences dramatiques des interprètes ne sont pas mises en évidence alors que ceux-ci se limitent à jouer leur rôle de spectateur. Au contraire, le député est le modèle du spectateur émancipé (il entre, sort, commente, parle, rit, applaudit et en général il s’en tamponne le coquillard) ou, selon le cas, le meilleur des chefs de la clique. […]
Pourquoi rêver d’une fiction assez efficace pour transformer la vérité des choses lorsque les choses, là dehors, ont perdu toute vérité, lorsque le status quo se donne déjà, sans exception, lui-même en spectacle? »
Extrait du site : www.104.fr :
« Il ne s’agit pas ici de créer la copie d’une vrai assemblée parlementaire, mais en recréant la démocratie de façade qu’offre le spectacle parlementaire de dénoncer l’absence de débat politique véritable dans les instances représentatives ; »
Extrait d’une note de présentation du site du centre de création La Ferme du Buisson :
« Voix anonyme d’une parole à conquérir, le public est l’acteur principal de ce théâtre sans comédiens, le fabricant d’un spectacle en construction. Avec ce procédé interactif dans lequel chacun s’exprime, il y questionne au sein de l’assemblée réunie la démocratie et la place du citoyen. Si le spectacle est proposé dans la Salle du citoyen de Lognes, ce n’est sûrement pas un hasard… »
Extrait du site cityvox :
« Un grand écran appelle régulièrement ces derniers à voter et livre les résultats au fur et à mesure. Avec cette forme de théâtre immersif, hors des cadres traditionnels, le metteur en scène catalan Roger Bernat interroge la parole politique et son lien avec le pouvoir exécutif. Il ne s’agit pas ici de créer la copie d’une vraie assemblée parlementaire, mais, en recréant la démocratie de façade qu’offre le spectacle parlementaire de dénoncer l’absence de débats politiques véritables dans les instances représentatives ; ce faisant, la salle de théâtre devient l’espace d’une véritable réflexion politique collective. »
http://www.cityvox.fr/piece-de-theatre
Extrait du site : http://www.journal-laterrasse.fr/avec-pendiente-de-voto-roger-bernat-invente-un-theatre-immersif/
Gwénola David : « Le public, acteur principal de ce théâtre sans comédiens,est ainsi appelé à (re)prendre une parole trop souvent confisquée dans les simulacres parlementaires et faux débats. »
Teaser Pendiente de Voto, festival Santiago a Mil:
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=c9x176CTxBI
site internet : http://www.santiagoamil.cl/
Sites internet :
http://rogerbernat.info/ http://www.journal-laterrasse.fr/avec-pendiente-de-voto-roger-bernat-invente-un-theatre-immersif/ http://www.lecarre-lescolonnes.fr/site.php?rub=1&docId=221995 http://www.tempsdimages.eu/fr/editions/10/events/318 http://www.lafermedubuisson.com/PENDIENTE-DE-VOTO.html http://islainexistente.javialvarez.es/2012/03/pendiente-de-voto-realmente-importa-lo.html site en espagnol traduisible en français Pour les anglophones : http://www.elenaperezrodriguez.com/apps/blog/welcome-to-my-blog
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n.b.: 48 heures après la session de vote, les consultations et résultats sont accessible.
Puisque le scénario est décidé par les spectateurs, les sessions sont différentes:
Enzo Cescatti, Amely Colas, Marine Soulié